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Phèdre au Théâtre du Nord

Après avoir mis en scène Cécile Garcia Fogel et Pierre-François Garel dans les Serments Indiscrets de Marivaux, Christophe Rauck les réunit à présent dans la Phèdre de Racine.

Phèdre est atteinte d’un mal qu’elle s’obstine à terre, et entre sur la scène pour mourir. Elle aime Hippolyte, son beau-fils ; cet amour incestueux la ronge et, prisonnière de sa culpabilité, elle veut quitter le jour en sauvant son honneur. Mais voilà que Thésée, dit-on, vient de mourir… Les feux de Phèdre sont désormais innocents, et sur les conseils de sa servante Oenone, elle avoue tout à Hippolyte, il peut régner en l’épousant. Mais il voit en Phèdre un monstre : à peine son père est-il mort qu’elle lui déclare un amour honteux. Coup de théâtre, Thésée est vivant, il revient à Athènes, il est déjà dans la ville, il est au palais. La tragédie peut commencer…

Les choix artistiques ont de quoi perturber un spectateur en attente de tragique et de tradition. En effet, l’œuvre du XVII est réinterprétée : on rit dans cette mise en scène moderne du classique racinien ; et on rit, au moment-même où le texte invitait au tragique. La passion de Phèdre n’est plus celle d’une reine athénienne, maudite par Vénus, mais une passion humaine, avec le ridicule et la grandiloquence qui peut s’y attacher. Thésée, le grand roi, le tueur de monstre, arrive sur scène dans une armure gigantesque ; mais quand il se met en mouvement, cette armure produit un bruit qui attire le sourire des spectateurs, il est devenu un Don Quichotte, prisonnier d’une armure trop grande pour lui.

Par ailleurs, les aveux de Phèdre (à Oenone et à Hippolyte), moments attendus dans le spectacle, sont joués avec rapidité, sans grande recherche de mise en scène : la douleur de Phèdre n’est plus le centre de la tragédie, on peut alors porter attention à d’autres personnages, qu’on considère traditionnellement comme secondaires : c’est ainsi que le couple Hippolyte-Aricie (Pierre-François Garel-Camille Cobbi) peut attirer notre attention tant par la qualité du jeu des acteurs que par les choix esthétiques pour mettre en valeur leurs déclarations d’amour. L’affrontement entre Hippolyte et Thésée (Olivier Werner) est lui aussi l’un des grands moments de cette mise en scène : la colère du père qui se croit trahi pour son fils est parfaitement rendue par la puissance du jeu de l’acteur : voix, déplacement, costume, tout concourt à ce moment pour faire trembler la salle…

Il faut donc aller voir ce spectacle sans attendre une mise en scène traditionnelle, qui mettrait en évidence les grandes tirades de Phèdre, et se laisser porter par un souffle nouveau qui offre un regard original sur cette œuvre classique.

A voir du 5 au 23 novembre 2014 au Théâtre du Nord

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