Pourquoi ? C'est la question qui se pose quand on entend le premier morceau de Shuffle. Non que le set soit franchement désagréable, à condition d'aimer le rock tendance punk californien toutefois. C'est juste qu'avant un concert de Tricky le choc auditif est rude, la musique forte, le son mal réglé. Remarqué à Paris en première partie de Jane Getter, le groupe accompagne Tricky au Trianon ainsi qu'au Grand Mix. Si l'on n'accroche pas forcément à ce qu'ils font, déjà impatients de voir Adrian Thaws sur scène, il faut reconnaître au groupe une énergie communicative et beaucoup de bonne volonté. Ils ont l'air ravis d'être là, parlent au public et plaisantent, à l'aise et sympathiques. Pour la musique on passe notre tour, mais c'est tout simplement une question d'ambiance.
L'impatience est belle et bien là, public assez tassé, et ce malgré le fait que Tricky ait tourné récemment. Il faut dire que l'album suivant n'a pas tardé et qu'il est peut-être encore meilleur que le précédent. En France, néanmoins, le choix n'avait pas été large en 2015 : un concert à l'Aéronef et un au Bataclan, en février, majoritairement dans le noir. Tricky tourné vers le batteur une grosse partie du temps, lumières basses et rouges, set assez court : il en résulta comme un arrière-goût de trop peu et un manque de communication. Bien entendu, on n'attend pas d'Adrian Thaws verbiage et paillettes, mais difficile de savoir à quoi s'attendre de la part de ce musicien aussi taciturne que talentueux. Côté photographe, on a été prévenus par une source technique : probablement peu de lumière, probablement rien de face. Rien de très surprenant, se dit-on, on reprend les mêmes recettes. Et c'est précisément là que le miracle se produit. Le premier morceau est très "bleu" : la lumière est peu présente mais a le mérite d'exister, Tricky est tourné vers la batterie mais n'a pas l'air trop mal à l'aise. Assez vite, il remercie un public dont la chaleur et l'envie d'être là sont certes perceptibles. Et se retourne, ouvre les yeux. Face au public, il entame I'm Not Going. Il est à noter que le tour est bien présenté sous l'intitulé Tricky presents Skilled Mechanics, comme avec la volonté de s'effacer derrière un projet ayant réuni nombre de guests comme Ivy, Oh Land ou Luke Harris. Le concert est pourtant chaleureux, et sans doute aussi lumineux que puisse être une de ces performances. Tricky a déjà bien tourné cette année pour présenter ce nouveau projet collaboratif et a même rejoint Massive Attack sur scène à l'occasion, étonnamment si on considère ces dernières années, et suite à une nouvelle collaboration sous la forme de l'excellent morceau Take It There. Toutes proportions gardées, c'est donc un homme presque à l'aise qu'on a en face de soi, en tout cas de bonne volonté sur scène, et cela fait plaisir à voir. Presque, si on oublie le mouvement nerveux et constant de sa jambe, ou les mouvements tout aussi réguliers et involontaires dans les vêtements où filtre la lumière. Toujours est-il que l'ambiance est bonne, le set délicieux et il s'étale sur une heure et demie, le temps de jouer une bonne partie des morceaux de Skilled Mechanics, mais aussi Overcome ou Parenthesis. Après Sun Down, tout le monde repart et après un rapide check up du matériel, résonne le Feeling Good de Nina Simone. Ça chante à haute voix dans la salle, avant que ne soient jouées When You Go et Boy.
Surprise ensuite, avec une cover des Breeders, Do You Love Me Now ? Après ce changement d'ambiance, deux chansons closent le concert : le récent Beijing To Berlin et, en contraste, issu de Pre Millenium Tension, le classique Vent.
