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Calexico + Gaby Moreno à l’Aéronef

Désarmante de naturel et immédiatement touchante, Gaby Moreno s'avance derrière une simple guitare acoustique. Avouons qu'on la connaît assez peu et que le public n'a pas l'air d'en savoir beaucoup plus malgré plusieurs albums parus et un titre d'artiste latino de l'année. Hugh Laurie, le docteur House, l'avait embauchée pour chanter avec lui sur l'un de ses albums, The Weed smoker's dream. On est très vite happé par sa voix tendue, pleine d'intention, et la belle intensité qu'elle met dans tous ses titres, en anglais, en espagnol et en français. Toute en fraîcheur, elle s'impose avec une évidence absolue. On note la présence de Joey Burns au troisième morceau, extrêmement discret. C'est qu'il n'est pas encore dans Calexico, c'est aussi tout simplement qu'il n'est absolument pas poseur. Il vient filer un petit coup de main à une amie. Contrebasse et vibraphone, ça swingue, c'est très organique. Sa voix, porteuse d'un léger vibrato sonne comme celle d'une Chrissie Hynde latina sur certaines inflexions. Elle conquiert extrêmement rapidement le public et obtient un silence impressionnant. Elle fait l'effort de chanter en Français phonétique Le Temps des copains de Françoise Hardy. On comprend vraiment que c'est un hommage, une politesse à un pays célébré également plus tard par Joey Burns. C'est élégant et intimiste et puis tout le groupe arrive, Calexico en entier, véritable écrin pour partager sa musique On pense aussi devant cette intensité vocale à la Maria McKee des Lone Justice... Joey Burns et John Convertino l'applaudissent très chaleureusement. On est très bien partis. 

Entre deux, et tout est résumé par ce titre, c'est ZZ top qui assure l'intermède à la sono avec un titre on ne peut plus clair : Nationwide. Dans tout le pays, et le long de toutes ses frontières. Calexico est un groupe de limites dépassées, le guitariste madrilène joue sur une Telecaster japonaise 62 pendant qu'une Guatémaltèque harmonise avec Joey Burns, Tucson, Arizona qui rêve d'une chanteuse portugaise sous le regard de trompettistes mexicains...

La voix de Burns est immédiatement stupéfiante, une aisance totale, un souffle porté et puissant, sans le moindre effort apparent. On pense beaucoup à Lambchop dans l'approche. La scène est totalement déployée, on joue à plat, tout le monde prend sa place. Les cuivres rutilent et claquent au vent. On est stupéfait par cette perfection, une mécanique totalement huilée. On doit d'ailleurs rigoler moyen aux répétitions pour avoir ce son et être particulièrement rigoureux. John Convertino ne martèle pas ses fûts, il tient la baraque en percussionniste davantage qu'en batteur de tempo pur. Comme il y a des films de genre, Joey burns est un guitariste de genre. Il utilise une version moderne de la Res-o-Glas Airline, modèles à l'origine en fibre de verre assez cheap révérés par Jack White tout en réverbération et capables d'un son très twanggy produites entre 58 et 68 par Valco. Quand il joue de la guitare classique avec cordes en nylon, ce n'est pas pour rien qu'il arbore sur celle-ci une photo d'Amalia Rodrigues, reine incontestée du Fado, ce "blues" du Portugal, il devient moins tranchant mais beaucoup plus sensuel et latin.

Tout l'univers cinématographique du groupe est déployé. C'est large et coloré par des reflets de sable cramé au soleil, une musique qui nécessite un indice de protection maximale, un écran total. Pour autant ce n'est pas seulement solaire et lumineux, on entend couler de profondes rivières aux eaux plus sombres, des ombres pesantes qui passent, on se livre à de plus sombres explorations aussi, on se baigne dans des marécages plus moites, on se couche sous des nuages noirs qu'on chasse ensuite à coups de trompettes éclatantes. L'intensité ne cesse de monter. Le vibraphone Musser aère l'ensemble, le batteur est le cœur organique du groupe. Le dosage de la setlist est impeccable et on bouscule d'ailleurs celle qui était prévue, la gestion des climats est parfaite. On ne reste pas trop longtemps dans le planant et on repart sur des tempos plus enlevés, articulés autour des sept titres joués du dernier excellent album, Edge of the sun. Jamais de débord, on se recueille même sur le crépusculaire World Undone. Joey Burns tient à faire savoir que c'est pour le groupe un honneur et un plaisir de jouer en France. Gaby Moreno revient pour Miles from sea et Moon never rises, puis Cumbia Soledad.  C'est de plus en plus festif, la température monte au propre comme au figuré. Les danseurs latinos sont là et le final est triomphal sous des lumières rouge et or, révélateur de la magnificence du groupe. Cette musique ne transpire pas du tout la frustration urbaine de Manchester ou d'une ville grise américaine, Il y a de la place pour danser entre les maisons et prendre un plaisir fou et intense. C'était même l'anniversaire de John Convertino. Sacrée Fiesta. C'était fantastique.

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