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Radio Elvis + The Shiny Deers au Poche de Béthune

Cette belle soirée commence avec un très joli duo folk électrisant soutenu par un staff de supporters locaux motivés, The Shiny Deers. Ils se présentent dans le plus simple appareil musical, formule portative idéale pour un théâtre de poche : une guitare et deux voix délivrant de très belles harmonies vocales, portées par des timbres élégants. On pense au charme de la voix à des US Girls comme Linda Ronstadt ou Emmylou Harris quand elles quittent les rives de la country vintage. Les inflexions sont appuyées et très sûres. C'est terrien, rural, de l'americana pur malt. Le répertoire est composé de reprises d'autres artistes : The Lumineers, City and Colour, Mumford and sons, Jamestown Revival, Oscar Isaac, The Civil Wars, Death Cab for Cutie, The New Basement Tapes. On trouvera nombre de reprises jouées ce soir sur leur YouTube. Joli parti pris très assumé de chanter constamment à deux sur des mélodies vocales extrêmement abouties et beaucoup mieux que simplement restituées. On ferme les yeux et on imagine un second guitariste qui viendrait ajouter une touche d'électricité claire en forme de Stratocaster, une basse pour arrondir encore l'ensemble, une caisse claire frottée aux balais. Extrêmement agréable, très au point et passeur d'une belle culture, celle des Folk songs. On se quitte à Kansas City.

Nous sommes Radio Elvis. Pas une fois on aura une présentation nominale des membres du groupe. On pourrait y voir résumer l'esprit qui les anime. Par trois fois, on entendra : Nous sommes Radio Elvis. Compact et serrés, en ordre de marche. La tension est palpable, on vient vérifier le matériel, on le touche, on le teste, on s'accorde, on s'accorde encore, on regarde au loin dans le public, les yeux empreints de la saine tension d'avant concert. Quand c'est important, quand on va jouer quelque chose, une crédibilité, une place dans le cœur des gens qui se sont déplacés. Quand c'est la première fois parce que toutes les premières fois sont importantes. 

L'attaque est très tendue, on envoie du lourd immédiatement avant de... ralentir subtilement d'une patte nettement plus légère. On sait poser un climat, avec Caravansérail par exemple. on vient défendre son terrain, on l'occupe, on attaque, en relances nerveuses. On vient sur le devant du proscenium. On se cherche les uns les autres pour trouver de l'énergie supplémentaire. Au loin les pyramides... Le public part avec eux. On voit des gens qui connaissent déjà tout, par cœur. C'est puissant et compact et le groupe est totalement prêt pour la scène. Rien à voir avec trop de groupes, jetés dans la fosse en n'ayant pas eu le temps d'apprendre à jouer correctement leurs compositions ou à occuper une scène. Ça tabasse et ça caresse, on envoie valser la foule avant de la rattraper pour qu'elle reste et danse avec le groupe. C'est assez rare pour être souligné. La nuit bleuit. 

Radio Elvis s'arrête un long moment comme pour aller chercher une autre intensité, laisser respirer pour repartir plus fort, Juste avant la ruée. On impose même le silence avant des applaudissements qui ne se déclenchent pas tout de suite. Pierre tournoie sur scène, lâche sa guitare, prend du câble pour bouger, chanter hors micro. La basse ronflante de Synesthésie prélude à un orage sonique pour finir façon Stooges, en totale maîtrise. On revient dans des eaux plus calmes, on entend presque des clapotis de bord de ponton. Le cap Horn est passé, on voyage de continents en continents. C'est un très bon concert, extrêmement engagé, très travaillé musicalement, totalement pensé pour la scène, on ne vient pas réciter ses chansons. C'est d'ailleurs très étonnant mais c'est étrangement en venant payer sa dette imaginaire et rendre un hommage réel à Alain Bashung avec Aucun Express que le groupe deviendra sage, respectueux, presque trop. C'est dire le niveau de qualité du reste du gig. On en connaît qui risquent d'être contents de les avoir faits jouer, d'autres qui seront contents d'avoir été là. Quand un groupe peut s'adresser à la fois, sans démagogie, au plus grand nombre et aux plus pointus des connaisseurs, on se dit qu'il est paré d'atouts et d'atours extrêmement prometteurs. Le temps des Conquêtes  a commencé. 

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