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Dom Juan à la Rose des Vents

Le Sexual Healing d’un libertin libre-penseur.

62 fois le Ciel.

Le Dom Juan que construit Jean-François Sivadier est une énigme, un mystère, une arcane : chacun peut projeter ce qu’il désire sur cette véritable figure inaugurale de la modernité, à l’instar de Faust, Hamlet ou Don Quichotte, mythes littéraires et philosophiques européens.

Jean-François Sivadier est un professionnel reconnu autant qu’un homme qui sait se faire rare. Issu de l’école du Théâtre National de Strasbourg, il travaille d’abord comme comédien puis devient auteur et metteur en scène. Sa carrière est marquée par des mises en scènes de classiques tels que Le Mariage de Figaro de Beaumarchais (2000), La Vie de Galilée de Brecht (2002 et 2014),  La Mort de Danton de Büchner (2005), La Dame de chez Maxim de Feydeau (2009) et enfin une autre pièce de Molière, Le Misanthrope (2013) : on lui décerne le Grand Prix du Syndicat de la critique en 2004. Déjà présent au Théâtre du Nord l’an passé avec La Vie de Galilée, Sivadier revient à Lille avec une nouvelle collaboration avec l’acteur Nicolas Bouchaud. L’acteur, par un dialogue plein de tension avec la figure,  incarne un Dom Juan polymorphe et contradictoire, éblouissant et envoûteur, redoutable et infâme, brave puis lâche, dans une performance physique remarquable.

Pièce extravagante à rebondissements accumulant les scènes, Dom Juan mis en scène par Sivadier donne à voir un panorama baroque avec un décor céleste - non sans rappeler la scénographie de La Vie de Galilée - qui semble s’affaisser sur les individus, immense plateau où s’entrecroisent fils, toiles et planches, effet de lumières, fumigènes lors de l’apparition du Commandeur. Le personnage éponyme surgit dans la salle en baguenaudant, folâtrant déjà parmi les spectatrices, mettant immédiatement l’accent sur le trait principal du protagoniste et faisant entrer les spectateurs frontalement dans la pièce, assurant ainsi leur adhésion totale au spectacle.

Jusqu’à la mort, Dom Juan démontrera une détermination farouche, une ténacité proche de l’acharnement. Il résiste face au Ciel, matérialisé par un prompteur lumineux où défilent les occurrences du terme, se transforme progressivement en un esprit fort et furieux, refusant tout compromis : dès lors, il devient une véritable figure, au-delà de l’humanité. C’est pourtant non sans humour que Sivadier construit sa mise en scène, éclairant la noirceur de ce personnage et mettant en relief son esprit tranchant et sa malice. Ce Dom Juan parle à tout le monde car ceux qui connaissent la pièce sont ravis de l’interprétation qu’en offrent Sivadier et Bouchaud, d’autres croiront la redécouvrir, les néophytes sentiront le plaisir du théâtre car cette mise en scène illumine à nouveau ce théâtre philosophique de l’inconstance.

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