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Nicht Schlafen à l’Opéra de Lille – Next Festival 2016

Pour l’ouverture du Next Festival 2016, l’Opéra de Lille présentait Nicht Schlafen (ne pas dormir) ce jeudi, vendredi et samedi. Une pièce chorégraphique signée Alain Platel en collaboration avec le compositeur Steven Prengels et la sculptrice Berlinde De Bruyckere.

Ancien professionnel du handicap, Alain Platel met les troubles psychologiques et la non-maîtrise des sentiments au cœur de sa recherche sur le mouvement. Une pièce généreuse, à vif dans lequel s’exprime tout le génie du chorégraphe.

Nicht Schlafen semble être un écho au Sacre du Printemps de Vaslav Nijinsky et Igor Stravinski (1913). Pièce mythique sacrificielle en rapport avec la quête universelle de l'identité, des racines, des rites, et des groupes dont l’histoire raconte le sacrifice d’une « élue » au dieu pour se prémunir des récoltes à venir. Si le spectacle rappelle tant Le Sacre c’est d’abord qu’il n’y a qu’une femme parmi les neuf danseurs sur la scène. Mais c’est également par le décor apocalyptique de Berlinde De Bruyckere où deux cadavres de chevaux en sculpture extrêmement réalistes sont placés au centre du plateau. En toile de fond se trouve un immense tissu déchiré et délabré. Au fil de la pièce les danseurs évolueront autour de ces cadavres, métaphore de la condition humaine, dans une lutte des corps acharnée.

Au début du spectacle, la danse est agressive. Chaque danseur tente de survivre individuellement parmi le chaos que suggère la scénographie. Le mouvement marque subtilement le passage d’une danse primitive, solitaire à une danse collective, plus harmonieuse. Les extraits de symphonies de Gustav Malher et d’une cantate de Bach contrastent la qualité du geste et apportent de la douceur à la pièce où viennent s’entremêler des rythmes africains et chants pygmées magnifiques interprétés par les danseurs. Dans le spectacle, il y a de nombreuses références christiques : descente de croix, scène du berger et la cantate de Bach « Christ lag in Todesbanden » BWV4 (le Christ gisait dans les liens de la mort). Les danseurs de la Compagnie Ballets Contemporains de la Belgique ont une maîtrise parfaite de leurs mouvements leur permettant de s’abandonner totalement dans leur geste. Le chorégraphe exacerbe la personnalité de chaque danseur créant une danse éclectique.

Toutefois là où Alain Platel réussit son coup de maître, c’est dans le regard qu’il porte sur son travail. Un regard plein d’humour et d’auto-dérision. Nicht Schlafen, ne pas dormir par peur de se retrouver seul, pour veiller les uns sur les autres. Cette pièce est un appel à l’humanité de chacun d’entre nous.

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