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Bande de Filles : Le film « Girl Power » de Céline Sciamma !

Synopsis : Marieme vit ses 16 ans comme une succession d’interdits. La censure du quartier, la loi des garçons, l’impasse de l’école. Sa rencontre avec trois filles affranchies change tout. Elles dansent, elles se battent, elles parlent fort, elles rient de tout. Marieme devient Vic et entre dans la bande, pour vivre sa jeunesse.

La bande de filles de Céline Sciamma: de jeunes actrices absolument épatantes !

La bande de filles de Céline Sciamma: de jeunes actrices absolument épatantes !

 

Critique : On aime beaucoup Céline Sciamma et son cinéma. Naissance des Pieuvres son premier long, qui révéla l’une des jeunes actrices les plus douées de sa génération Adèle Haenel (avez-vous vu Les Combattants ?) et bien sûr, son film le plus connu, Tomboy, ou l’histoire d’une gamine de 10 ans, Laure, qui fait croire à une petite fille et sa bande qu’elle est un garçon. Tomboy est un film délicat sur une pré-ado qui découvre son identité, sa personnalité.

Et si Tomboy est le film le plus célèbre de Céline Sciamma, c’est pour de bonnes et moins bonnes raisons. Cette réalisation a reçu un très bel accueil critique et public (quasiment 300.000 entrées en France, ce qui est très bien pour une production au budget modeste) mais fut aussi victime d’une chasse aux sorcières de la part d’une association catholique intégriste d’extrême droite dont ont taira le nom car le rédacteur de cette chronique n’a pas l’envie d'en faire la publicité. Ce serait lui faire trop d'honneur.

Pour ces "amis" de la liberté d’expression, de la tolérance et de la culture, il était tout bonnement impensable que Tomboy puisse être présenté à l’école -on rappelle que ce film n’a absolument rien de complaisant ni de choquant- ou sur la chaîne de télévision, Arte, car ces gens considèrent Tomboy comme un (on les cite) « film de propagande pour l’idéologie du genre ». Ce serait presque drôle si ce n’était pas à ce point idiot et consternant. Le résultat de leur action fut à un tel point contre-productif que le film connut un succès phénoménal lors de sa diffusion sur la chaine franco-allemande avec 1,5 million de spectateurs. Et à Lille La Nuit, nous en sommes très heureux.

Il était donc logique pour nous de vous parler du nouveau film de Céline Sciamma, Bande de Filles. D’abord car il nous semble important de la soutenir, ensuite car elle continue de creuser un sillon qui fait d’elle une auteure prometteuse du cinéma français.
Sciamma poursuit son exploration de l’adolescence comme elle l’avait déjà fait avec Naissance des Pieuvres, mais cette fois-ci en nous plongeant dans le quotidien d’une bande de filles, dont Marieme -interprétée avec fièvre par une inconnue dont on souhaite qu'elle ne le reste pas, Karidja Touré- est la protagoniste principale.

Karidja Touré dans Bande de Filles. Avant que Meriem ne devienne Vic.

Karidja Touré dans Bande de Filles. Avant que Meriem ne devienne Vic.

 

Le film qui se passe à Paris et dans sa banlieue, s’intéresse au quotidien de jeunes filles noires, à leurs combats pour s’imposer face aux mecs de la cité, être respectées, concrétiser leurs rêves, s’inventer un avenir, faire leur propres choix, qu’ils soient bons ou mauvais.
Déjà, on est heureux qu’on filme enfin des actrices et acteurs noirs dans notre cinéma hexagonal, en leur donnant des rôles de français (ce qu’ils sont) et non pas en leur « offrant » les sempiternels personnages de clandestins ou de faire valoir. Dit comme ça, ça a l’air tout bonnement normal mais jetez un œil sur les rôles proposés aux noirs, français d’origine et de culture étrangère dans notre cinéma : c’est à faire peur !

Ensuite, si certains ont la tentation d’accuser Céline Sciamma de cinéaste de la bonne conscience ou de la bien-pensance, ils se mettent un peu le doigt dans l’œil, tout simplement car la réalisatrice ne dresse pas un portrait angélique des jeunes filles qu’elles filment.
Le titre du film est d’ailleurs très révélateur, puisqu’il renvoie à un groupe, qu’un groupe c’est souvent stupide et qu’une bande de filles (comme peuvent l’être les gangs de mauvais garçons) ne fomente pas forcément toujours de  belles actions.
Sciamma filme des combats très durs dans les cités (et elle les filme bien), organisés pour des questions stupides d’honneur; les soutiens-gorge sont arrachés et emportés comme des trophées, le racket effectué sur de pauvres gamines pour se faire accepter du groupe n'est pas occulté.

La cinéaste poursuit aussi une forme de cinéma féministe (ce n’est pas un gros mot) en filmant la pression absolument intolérable effectués par les grands frères sur leurs petites sœurs, l’interdiction qui leur est faite de tomber amoureuses, de s’épanouir, s’émanciper. Au point que certaines font le choix de se bander la poitrine pour ne pas afficher leur féminité.

Elle ne met pas le voile sur les mauvais choix épousés par certaines comme la revente de drogue. Mais ont-elles toutes la possibilité de faire un véritable choix ? Quelles sont leurs alternatives dans un monde qui, souvent, les ostracise ?
Mais la réalisatrice filme aussi les amours naissantes, le bonheur, les confidences, les rires, l’intelligence de ces femmes en devenir. Tout n’est pas sombre dans Bande de Filles. Il y a aussi de très beaux moments d’humour, de comédie, de légèreté.
A l’image de la plus belle scène du film, lorsque les gamines louent une chambre d’hôtel, font la teuf et dansent sur le hit de Rihanna, Diamonds. Là, on atteint un véritable moment de grâce cinématographique, proche d'une rêverie. Et on peut dire que cette scène est dores et déjà amenée à devenir un futur moment culte du cinéma français.

Les filles s'éclatent sur Diamonds de Rihanna. l'une des plus belles scènes vues dans le cinéma français ces derniers temps. Magique !

Les filles s'éclatent sur Diamonds de Rihanna. Proche d'une rêverie, c'est l'une des plus belles scènes vues ces derniers temps dans le cinéma français. Magique !

 

Là, où nous sommes moins convaincus par Bande de Filles, c’est par les mises en scènes multiples et contradictoires adoptées par Céline Sciamma. La dernière partie du film, osons le dire, nous semble franchement ratée. Quand Marieme change d'identité pour devenir Vic -un  prénom choisi par la réalisatrice en référence au personnage de La Boum, film qui dressait le portrait de jeunes filles des années 80- il nous semble que Sciamma choisit une option qui ne nous paraît ni judicieuse, ni convaincante. Pour ne citer qu’un exemple, le plan où l’on voit les jambes de Vic gravir les escaliers d’une résidence de standing pour se rendre dans une fête de petits bourgeois, est si apprêtée -esthétisante plus qu'esthétique- qu’on se croirait presque revenu à l'époque du cinéma publicitaire et "clipé" des années 80, celui de Beineix ou du Besson de la bonne époque.

A partir de ce moment charnière, de cette rupture, Bande de Filles devient un autre film proche du cinéma de genre et du polar. Et ce revirement ne colle absolument pas avec le reste du long-métrage. Comme la réalisatrice est intelligente, on se doute bien que l’effet est volontaire, que toute la dernière partie du film est « pensée ». Mais si le procédé fonctionne en théorie, dans la pratique, la greffe ne prend absolument pas !

Non, ce que nous préférons dans Bande de Filles -et nous tenons tout de même à défendre le film malgré ses imperfections-, ce sont toutes les scènes où Céline Sciamma laisse vivre ses actrices, les filme de manière naturaliste, leur offre la possibilité de s’épanouir devant la caméra. Là, nous tenons une œuvre de grande qualité, offrant un cinéma de fiction qui a également valeur de document sur la jeunesse française d’aujourd’hui, belle et métissée.

C'est lorsque le film colle au plus près de ses actrices, est le plus "naturaliste", que nous préférons Bande de Filles.

C'est lorsque le film colle au plus près de ses actrices, est le plus "naturaliste", que nous préférons Bande de Filles.

 

On a beaucoup parlé de Bande de Filles lors de sa présentation à Cannes, notamment pour ses jeunes comédiennes castées à la « sauvage » (c’est à dire : directement dans la rue). Sans doute aussi, car on ne voit quasi pas d’actrices noires dans le cinéma français. Depuis, on parle beaucoup moins du film. Heureusement, Sciamma a fait quelques rencontres avec la presse et le public en régions pour défendre son film (elle est venue à Lille).

On espère que jeunes et moins jeunes auront la curiosité, l'envie de découvrir le film. Si Bande de Filles fait preuve -nous le maintenons- de certaines faiblesses, il n’en demeure pas moins une œuvre très singulière qui refuse le tiède, le formatage et apporte un véritable sang neuf dans le cinéma français.

Bande de Filles : Réalisation et Scénario : Céline Sciamma
Avec Karidja Touré, Assa Sylla, Lindsay Karamoh, Marietou Touré- Sortie le 22 octobre 2014

Affiches, Films-Annonces et photos: © Pyramide Distribution

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