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« La Porte du Paradis » : Chef-d’oeuvre absolu !

Synopsis : En 1870, une nouvelle promotion de Harvard célèbre avec faste et panache la promesse d’un avenir radieux. Vingt ans plus tard dans le Wyoming, les chemins de deux de ses meneurs se croisent à nouveau. Désormais shérif du comté de Johnson, James Averill voit son autorité contestée par l’association des éleveurs de bétail, dont fait partie son ancien ami Billy, devenu un homme cynique et lâche. L’association stigmatise les immigrants européens venus en nombre s’installer sur ces terres vierges. Appuyés en secret par le gouvernement fédéral, les éleveurs ont établi une liste noire d’immigrants à abattre pour l’exemple. Esseulé, le shérif Averill se dresse contre ce massacre programmé, mettant en danger sa propre vie ainsi que celle de la femme qu’il aime, une prostituée étrangère nommée Ella…

CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES © 2013 Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc. Tous droits réservés.

Pourquoi écrire encore sur « La Porte du Paradis » ? Tout simplement parce que le chef-d’œuvre de Michael Cimino ressort au cinéma dans une version restaurée somptueuse, grâce au distributeur français Carlotta.

D’autres arguments ? Parce qu‘il faut donner une nouvelle chance à ce film qui brisa la carrière de l’un des plus grands cinéastes du Nouvel Hollywood (dont les figures emblématiques se nomment Scorsese, Spielberg, Coppola, De Palma, …) et ruina le studio mythique, United Artists (fondé par Charlie Chaplin, Mary Pickford, D.W. Griffith et Douglas Fairbanks). Ensuite, car trop peu de spectateurs connaissent ce bijou de cinéma.

Lorsqu’il commence la réalisation de « La Porte du Paradis », Cimino est le roi de Hollywood. Le roi du monde. Il vient de triompher avec son film sur le Vietnam, « Voyages au Bout de l’Enfer » («The Deer Hunter» -1978), qui a remporté pas moins de 5 Oscars dont ceux du meilleur film et meilleur réalisateur.

Cimino continue donc sur sa lancée en commençant le tournage d’une nouvelle fresque sur l’Amérique. Mais cette fois-ci, il s’attaque aux fondations de son pays, à sa création. En somme, il fait le contraire de John Ford qui disait « Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende » (« L’Homme qui tua Liberty Valence »-1962).
Nous sommes dans une sorte d'«anti-western ». Cimino veut filmer l’histoire d’une nation qui s’est construite dans la violence, le viol, le sang.

CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES © 2013 Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc. Tous droits réservés.

Commence alors un tournage épique qui s’étale sur sept mois, dans des conditions extrêmement difficiles. Cimino réalise son film dans un souci de perfectionnisme qui confine à la mégalomanie. A l’arrivée, le budget explose et dépasse les 40 millions de $. Un record pour l’époque.

« La Porte du Paradis » («Heaven’s Gate » en vo): titre ironique qui symbolise tout à la fois le triste destin de ces immigrants et le voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino ! Lors de l’avant-première, une spectatrice sort furibarde de la salle et dit à un homme qu’il s’agit du film le plus dégueulasse jamais réalisé sur l’Amérique. Cet homme, c’est Michael Cimino.

L’anecdote est-elle vraie ? Cela a bien peu d’importance. Elle illustre assez bien que les Etats-Unis ne peuvent tout simplement pas accepter un film de cette trempe. D’autant plus que la nation toute entière ne s’est pas remise du Vietnam. Les plaies sont encore à vif. Et le cinéaste s’est déjà montré suffisamment critique envers son pays dans « Voyage au Bout de l’Enfer ». Une fois, ça suffit ! L’heure est désormais à la démolition.

Le cinéaste voit son film d’une durée de quasi quatre heures remonté par United Artists. Le film fait désormais 2h30. Il est parfois à la limite du compréhensible. Des personnages apparaissent puis sont abandonnés en cours de route. C’est une véritable mutilation. A l’arrivée « La Porte du paradis » rapporte deux petits millions de dollars au box-office US. C’est la banqueroute pour United Artists. Cimino est devenu un paria.

Cimino ne réalisera plus que quatre longs-métrages (« L’Année du Dragon », tout de même. Les ratés « Le Sicilien », « Desperate Hours » d’après le film de William Wyler et « Sunchaser »). Le cinéaste aura longtemps porté le projet d’une adaptation de « La Condition Humaine » de Malraux. En vain…

Aujourd’hui, Michael Cimino a 74 ans et il est temps de lui rendre justice !

« La Porte du Paradis » est ressorti la semaine dernière au cinéma le Majestic de Lille dans une version intégrale de 219 minutes (n'ayez pas peur : cela passe comme un rêve), supervisée par le cinéaste lui-même. C’est donc l’occasion pour vous, lecteurs de Lille La Nuit.com, de découvrir ou redécouvrir cette splendeur. De se souvenir, aussi, que « La Porte du Paradis » est un film au grand souffle romanesque, lyrique (ah, cette scène de bal, sublime !). Digne des romans de Tolstoï et du cinéma de David Lean.

CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES © 2013 Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc. Tous droits réservés.

Ce qu’on peut affirmer aujourd’hui c’est que « La Porte du Paradis » aura été à la fois, une chance et une malédiction pour le 7ème art.
Une chance car il s’agit de l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma (le plus grand ?). Et une malédiction car il aura été un chant du cygne pour Hollywood.
Il n’y aura sans doute plus de « Porte du Paradis » au cinéma. Les studios ont bien retenu la leçon.
Heureusement, quelques grands cinéastes résistent. Ils s’appellent Paul Thomas Anderson, Terrence Malick (dont le film « A la Merveille » sort aujourd’hui dans les salles), …

Alors, surtout, ne jouons pas les défaitistes.

Affiche et film-annonce © 2013 Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc./Carlotta Tous droits réservés.

Jours et horaires de projections de "La Porte du paradis" au Majestic (dans le cadre de la rétrospective du mois mars de Plan Séquence):
www.plan-sequence.asso.fr/projection.php

« La Porte du Paradis » (« Heaven’s Gate »-1980/2012)
Réalisation : Michael CIMINO
Scénario : Michael CIMINO
Avec : Kris KRISTOFFERSON, Christopher WALKEN, John HURT, Sam WATERSTON, Brad DOURIF, Isabelle HUPPERT, Joseph COTTEN, Jeff BRIDGES
Musique : David MANSFIELD
Directeur de la photographie : Vilmos ZSIGMOND, ASC
Montage : Lisa FRUCHTMAN, Gerald B. GREENBERG, William REYNOLDS, Tom ROLF
Productrice : Joann CARELLI
Production : United Artists, Partisan Productions

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