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Rencontre avec l’ARA pour la Semaine de la Prévention Sonore

Rencontre avec l’ARA pour la Semaine de la Prévention Sonore

ARA Semaine de la Prévention Sonore Date de l’événement : 08/04/2015

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A Lille la Nuit, le son est omniprésent : chaque jour, nous partageons avec vous playlists, chroniques d'albums et autres idées de concerts... C'est pourquoi nous nous sommes particulièrement intéressés à la Semaine de la Prévention Sonore, un événement singulier qui permet d'en savoir un peu plus sur l'audition et sur la manière de protéger ses oreilles. Lancée par l'association ARA (Autour des Rythmes Actuels), cette semaine à la Maison Folie Beaulieu de Lomme englobe des événements autour de l'audition, des conditions sonores lors des sorties culturelles et des moyens de prévention contre la surdité, pour les enfants mais aussi pour les adultes.

Quel est le rôle de l’ARA par rapport à Agi Son au niveau de la prévention sonore ?

Laurine : Agi Son est une association nationale qui s’est constituée juste après la parution du décret 98 qui limitait à 105 décibels la diffusion sonore dans les salles, parce qu’avant il n’existait aucune limitation. Elle s’est constituée à l’initiative de professionnels du spectacle vivant musical pour défendre la création et la diversité des esthétiques dans un contexte de bonne gestion sonore.

Agi Son est apparu juste après les premiers concerts pédagogiques de Peace & Lobe créés dans le sud de la France par l’équipe du Florida d’Agen et celle du Confort Moderne à Poitiers. L’association a pu inciter les régions à avoir des relais Agi Son et ainsi pouvoir développer des spectacles dans toute la France, faire de l’éducation sonore pour les jeunes, responsabiliser la filière, et défendre la création professionnelle.

A l’ARA, nous sommes un relai d’Agi-Son, l’ARA a sa structure propre. Nous adhérons au réseau, il y a des axes d’activité sur lesquels les relais vont tous faire plus ou moins la même chose, et ensuite chacun a son projet propre. Nous sommes l’une des premières régions à avoir un poste à temps plein sur la prévention sonore.

Pour terminer le contexte, c’est en 2007 que le Réseau RAOUL a décidé de créer le premier spectacle Peace & Lobe en région Nord-Pas de Calais avant de transmettre le projet à l’ARA. Nous assurons donc le relai régional AGI-SON conjointement avec le RAOUL.

Justement, ce spectacle fait partie de la semaine de la prévention sonore. De quoi s’agit-t-il ?

Ce sont des concerts où un collectif retrace par le biais de reprises l’histoire de la musique depuis le début du 20e siècle jusqu’à nos jours. C’est entrecoupé de passages explicatifs, de vidéos, d’échanges… Les musiciens expliquent les décibels, la progression du son, le fonctionnement de l’oreille, et surtout les conseils de prévention pour la pratique collective en sorties ou l’écoute individuelle avec un casque. L’idée en parallèle est aussi de leur ouvrir des fenêtres pour élargir leur culture musicale, et de leur faire comprendre qu’ils ont une chance inouïe qui est d’avoir un accès infini, par internet et les technologies actuelles, à toute une diversité de création artistique et peuvent se balader avec partout sans que ça ne leur coûte, ils n’ont plus à acheter de vinyles ou de CDs. Mais le revers de la médaille c’est qu’ils ne doivent pas consommer impunément.

Aujourd’hui on essaie de créer des formations pour les professionnels du secteur éducatif pour qu’ils puissent relayer les messages de prévention

Laurine

Pendant longtemps, c’est resté un simple spectacle, et au fur et à mesure sont arrivées les interventions en classe pour aller plus loin, les outils pédagogiques… Avant toute chose, c’est le développement autour du jeune public et du projet scolaire qui prône. Aujourd’hui, on essaie aussi de créer des formations pour les professionnels du secteur éducatif pour qu’ils puissent relayer les messages de prévention, mais aussi les professionnels du milieu festif que l’on forme régulièrement, les musiciens et les techniciens son animateurs de groupes. Mais c’est le projet scolaire qui a pris le plus d’ampleur parce que c’est facile de toucher les jeunes chaque année. On essaie de faire quelque chose de cohérent : responsabiliser les gens en amont, sur les « producteurs de risque » en défendant leurs métiers et leurs pratiques, et agir en aval sur le public auditeur ou pratiquant.

On retrouve dans nos quatre items un programme le plus complet possible : « éduca’son », ce sont les actions pour les jeunes en milieu scolaire, « forma’son », ce sont les formations pour les professionnels », « box’son » ce sont des ressources matérielles et des services sur la prévention, et « sensibilisa’son » ce sont toutes les actions pour le grand public dont la semaine de la prévention sonore. Mais cette semaine n’est pas un évènement qu’on fait de manière isolée. On l’avait essayé avec quelques conférences ponctuelles mais le thème n’est pas fédérateur. Il faut donc intégrer les choses, et partir de ce qui marche, c’est-à-dire les programmes d’action pour les scolaires. Il faut donner envie aux jeunes de parler des évènements à leurs parents et profiter du bouche à oreille. On part du milieu scolaire vers l’extra-scolaire. Ensuite, on pourra peut-être envisager de travailler plus dans l’accompagnement d’initiatives. Il y a des étudiants qui nous contactent parce qu’ils travaillent sur des projets de sensibilisation, il y a une vraie demande, un besoin d’être informé sur le sujet. Beaucoup nous demandent de l’aide pour leur projet, nous y répondons au fil de l'eau mais nous ne pouvons pas nous impliquer auprès de tous par manque de temps. En revanche, à l’avenir nous souhaitons pouvoir proposer des rendez-vous réguliers, pouvoir leur dire de venir se former en amont de leurs projets pour qu’eux-mêmes puissent transmettre les messages de prévention. C’est un virage qui est en train de se prendre.

Cette semaine de la prévention sonore se déroule à la Maison Folie Beaulieu, a-t-elle déjà eu lieu sous cette forme ?

La nouveauté, c’est le fait qu’on fasse un événement sur toute une semaine qui allie à la fois des actions pour le grand public, les parents, les pros, et les scolaires. C’est une sorte de mini-festival sur ce thème. Par contre, la Maison Folie Beaulieu accueillent pour la 3ème année le spectacle Peace and Lobe. Mais à l’origine ce lieu n’était pas du tout un partenaire de longue date dans le projet. Le Directeur nous a contacté pour avoir des bouchons d’oreille et des affiches et entrer dans la campagne Agi Son pour son propre public. Chemin faisant, nous lui avons parlé des Peace and Lobe et ça s’est fait naturellement : nous avons commencé par une date, puis deux, et cette année, il y en a trois de prévues. Partant de là, nous avons eu l’idée d’utiliser le lieu pendant toute la semaine. Ce projet correspond avec ma volonté de créer une stratégie à long-terme sur ce projet qui développe vraiment cette notion de complémentarité entre le fait qu’on s’adresse à des jeunes, des professionnels et du grand public. Ces gens peuvent avoir vocation à dialoguer ensemble.

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Concert Peace & Lobe avec le contrôle du niveau de décibels

Quel est donc le programme de cette semaine ouvert à tous ?

Le mercredi, nous avons prévu un événement pour les familles, dans le cadre du « Mercredi j’emmène mes parents » qui est une proposition qui se passe tous les mercredis à la Maison Folie Beaulieu avec des concerts jeune public etc. Et ça correspondait vraiment à ce que j’avais envie de faire : les classes de CE2, CM1, CM2 de l’école en face de la Maison Folie vont avoir des ateliers de prévention avec Tadi Cirus qui est le chanteur du groupe Titan Parano, et qui fait partie de notre poule de musiciens préventeurs qu’on a formé pour expliquer aux plus jeunes qui ne peuvent pas voir le spectacle. On a voulu faire des concerts de prévention avec lui parce qu’il avait été programmé en novembre dernier par la salle d’Arras Le Pharos qui est un de nos partenaires. Nous leur avons proposé d’inscrire cette programmation dans le cadre du Mois de la Gestion Sonore qui était à la même période, sous forme de goûter-concert avec de la prévention. C’était un test, parce que c’était leur premier goûter-concert donc nous n’avons pas déployé de trop gros programmes de prévention autour, nous avons juste distribué des casques, fait des petits messages avec les familles… On a ré-exploité cet évènement en l’améliorant lors d’un mini-concert autour de l’exposition « Monte le Son ! » au Forum départemental des Sciences pour la Semaine du Son. Et cette fois, à Lomme, on veut faire ce goûter-concert de manière beaucoup plus construite et intégrée. Le but est de faire que les parents restent ensuite au Salon des Petites Oreilles qui se passe juste après. A l’origine, ce devait être une discussion entre professionnels, mais pourquoi parler entre pros de la façon d’intégrer l’éducation sonore dans les programmations jeune public si les personnes concernées – c’est-à-dire les parents qui y emmènent leurs enfants – ne participent pas à la discussion. C’est une façon de savoir si aux yeux des parents, c’est un enjeu qui doit être pris en charge par l’école, par eux-mêmes à la maison, par les artistes sur scènes quand ils vont à des concerts, par les organisateurs, ou par tout le monde réuni. Nous n’avons pas nécessairement la solution, nous sommes là pour nous demander quelle porte d’entrée nous avons, quels outils imaginer, qu’est-ce qui existe déjà… En l’occurrence, nous allons distribuer beaucoup de casques anti-bruit pour enfants, même si le concert de Tadi Cirus ne sera pas du tout fort puisqu’il est en solo, c’est adapté pour l’occasion, mais on peut justement prendre le contrepied et de se familiariser avec l’outil qu’est le casque ou les bouchons. On va essayer de faire quelque chose d’assez interactif pendant ce set musical, aussi pour inciter les gens à rester et à discuter avec nous parce qu’ils peuvent nous aider à imaginer d’autres types d’actions, d’évènements ou de projets.

L’écoute individuelle au casque fait presque plus de dégâts au niveau auditif sur le long terme que les sorties et les concerts

Laurine

C’est dans l’idée de construire et de partager avec les gens ce qui peut être fait. Il faut garder en tête que la sortie en concert peut être une pratique « à risques » car elle peut-être dangereuse si aucune précaution n'est prise, mais elle est aussi éminemment importante pour la santé au sens large, pas seulement au niveau auditif mais aussi pour se sentir bien dans sa vie, dans sa ville. Ça permet de replacer cette définition de la santé dans le débat public par ce domaine festif et social qu’est la musique et le partage de cette pratique culturelle, qui est beaucoup plus facile d’accès que d’autres. L’idée est que le sujet fasse son chemin, parce qu’il n’est pas tabou et simple à partager en famille mais concerne quand même l’intimité, notamment l’écoute individuelle au casque qui fait presque plus de dégâts au niveau auditif sur le long terme que les sorties et les concerts. Il faut faire dialoguer sur les pratiques à domicile, ça concerne tout le monde. Ce qui fait notre force sur le projet, c’est que ce soient des musiciens qui en parlent dans le concert ou dans les ateliers qu’on fait en classe, ça ne devient pas qu’un thème de crainte, de peur, qui n’est prise en charge que par les médecins, et qu’on garde cette dimension culturelle au sens large pour parler de ça. On verra comment ça se passe, et la gageure c’est aussi que certains parents particulièrement motivés ou qui font ça par curiosité viennent à la conférence le lendemain pour aller plus loin dans leur approche du thème et avoir des choses plus scientifiques, plus concrètes.

Parce qu’il y a des chiffres qui parlent sur la prévalence des troubles auditifs chez les jeunes de plus en plus tôt. A partir de 15 ans, certains jeunes ont déjà les oreilles abîmées. Maintenant, les premiers baladeurs s’acquièrent en primaire, vers le CE2. C’est pour ça qu’on a développé l’action dès cet âge. On a un atelier qui est plus spécialisé pour les écoles primaires, et on fait aussi un atelier en classe pour les 6e et 5e au collège parce que c’est une tranche d’âge un peu charnière. Ils aiment bien le spectacle pour les 4e et 3e car ils le prenaient de manière très spontanée, mais ils ne sont pas encore en âge d’avoir les pratiques dont il est question dedans : les concerts, les sorties en boîte de nuit… Donc on s’est dit qu’on allait amener des musiciens en classe pour qu’ils puissent poser des questions, dialoguer… Et seulement les plus grands peuvent avoir accès au spectacle, dans l’idée que si on travaille sur un même bassin de vie, on peut dans 5 ou 6 ans se dire qu’on aura suivi quelques élèves depuis leur primaire jusqu’à la 3e. Pour les lycées, les filières généralistes peuvent tout à fait venir à Peace & Lobe, et pour les lycées professionnels qui ont des filières bruyantes comme la carrosserie, la maçonnerie, le bois ou autre, on propose des actions, menées par des musiciens mais qui se passent au sein même de leurs ateliers pros. On va aussi mesurer le bruit des machines parce qu’ils sont plus vulnérables dans le sens où, comme tous les jeunes, ils font la fête le week-end, mais en plus ils sont exposés au bruit 2 ou 3h par jour pendant qu’ils sont à l’école.

Le risque vient vraiment du cumul temps d’exposition / intensité. En soi, écouter de la musique fort n’est pas très grave, il suffit de l’écouter peu de temps, et d’être sûr que l’oreille a eu le temps de se reposer après. Soit on écoute longtemps, soit on écoute fort, c’est soit l’un soit l’autre. On a un capital, comme le fait de ne pas rester trop longtemps exposé au soleil sans être protégé. C’est qui est difficile, c’est de jongler entre le bruit subi et le son choisi. On n’est pas coupable du bruit subi, alors qu’on est responsable du son choisi. On est acteur de sa propre consommation.

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Schéma de la disométrie hebdomadaire (décibels/temps)

Pourquoi faites-vous cette semaine de la prévention sonore au mois d’avril ? Y a-t-il une raison particulière ?

C’est lié à la programmation de la Maison Folie, parce qu’il se trouve que ces trois dernières années, Peace & Lobe tombait toujours au début du mois d’avril. Donc nous avons gardé le rythme pour que les établissements scolaires s’habituent et sachent que dans leur coin ça arrive à cette période de l’année.

Le mois de la gestion sonore en novembre qui est un événement d’Agi Son, la Semaine du Son fin janvier, et la Journée nationale de l’Audition en mars sont des événements nationaux. Cette fois, c’est propre à nous, un test. Mon souhait serait de faire des semaines de la prévention sonore un peu partout tout au long de l’année dans les salles avec lesquelles on travaille sur Peace & Lobe. L’idée est que, si on travaille avec des partenaires dans des endroits précis, il ne faut pas que ce soit du « one shot ». Il faut que ça soit inscrit dans un programme tout au long de l’année. L’enjeu est de faire réfléchir les gens sur leur comportement, et ça ne se fait pas en un jour. On ne peut pas faire en sorte que les gens comprennent les enjeux pour eux-mêmes, mais on peut créer un contexte favorable. Ça correspond à la philosophie d’accompagnement telle que l’ARA la déploie pour diverses activités.

Avez-vous d’autres projets pour le reste de l’année ?

Cette année, pour la Semaine du Son, nous avons géré tout un projet avec le Forum des Sciences qui est présent sur le site Internet de l’ARA. Tadi Cirus a fait des ateliers, comme il peut le faire en classe mais cette fois c’était dans le forum des Sciences avec les enfants, autour de l’exposition "Monte le Son !" et tout ce qu’elle pouvait apporter pour la découverte du sonore. Et il y avait le goûter-concert le dimanche, et comme c’était le premier dimanche du mois, c’était gratuit pour les familles. Maintenant, suite au projet amorcé avec le Pharos en novembre dernier, on va aussi voir sur Arras ce qu’on peut faire pour la fête de la Musique. Mais comme cette nouvelle posture est assez récente, je ne peux pas encore vous dire ce qui se passera en région l’année prochaine. Ce qui va certainement grandir et qui va être intéressant, c’est l’accompagnement des initiatives étudiantes, parce que ça crée ensuite de vrais relais d’information qui peuvent eux-aussi reformer par la suite.

Nous allons aussi essayer de travailler sur les festivals. C’est un gros besoin qui n’est pas encore couvert en région. Mais c’est une autre approche parce que pour ce genre d’événement, le public n’est pas là pour s’informer ou se documenter. Il est captif parce qu’il est dans le festival, mais pas dans son intérêt sur la question. En revanche, c’est typiquement le moment où il faut leur proposer des moyens et des méthodes parce que c’est un moment où l’on cumule les expositions au bruit. Après, tout dépend de l’intensité. Les festivals ne tombent pas sous le coup de la réglementation des 105 décibels mais ils en restent assez proches, parfois c’est même un petit peu en dessous. Mais dès lors qu’on est exposé pendant 6h d’affilée, 3 jours de suite, ça ne pardonne pas vraiment. Ce que je souhaiterais mettre en place, c’est de la vente de bouchons avec des filtres pour écouter la musique agréablement sur les lieux de festivals. Le bouchon en mousse, ce n’est pas le top en termes de qualité d’écoute. C’est bien en prévention de base, mais pour 15€ ou 20€ on peut avoir quelque chose qui permette d’apprécier le moment en étant bien protégé. Pour certaines marques de bouchons à filtre, on peut choisir entre -8 ou -13 décibels jusqu’à -26 décibels. C’est aussi utilisé en industrie pour du gros son.

De nouvelles mesures prévoient peut-être la distribution systématique de bouchons dans les salles de plus de 700 places et dans les festivals, mais c’est délicat, il faudrait que cela reste du libre-service, sinon les gens ne se responsabiliseront pas. Et puis il faut surtout de l’information et de la médiation tout autour. C’est un gros chantier qui se prépare, on verra bien ce que ça donne. Ça touche l’un de nos 5 sens, donc le champ est très vaste !

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