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Deux films sinon rien : « Amy » et le dernier Michel Gondry !

Une fois n’est pas coutume Lille La Nuit s’intéresse cette semaine à deux films avec la dernière réalisation du français Michel Gondry et le documentaire de Asif Kapadia, consacré à la regrettée Amy Winehouse.

Commençons par le Gondry. Nous ne sommes pas toujours fan de ce que fait le réalisateur, et plus particulièrement de certains de ses films réalisés aux États-Unis comme le consternant The Green Hornet. Cela dit, reconnaissons à Gondry un véritable univers, une folie, un délire qu’on aimerait retrouver plus souvent chez les réalisateurs français du moment.

AfficheMicrobe

En revanche, de Gondry on aime bien ses plus petits films, « bricolés », imaginatifs, plein de candeur, de nostalgie, de gaieté. A ce titre, Be Kind Rewind, était une belle réussite : un film délicieux pour cinéphiles ayant grandi avec les vidéoclubs et les VHS - déjà de la préhistoire avec la VOD et le téléchargement, légal ou pas -.

On avait apprécié également son film-documentaire sur Noam Chomsky, pour lequel Gondry nous avait accordé un entretien. Aujourd’hui, Le réalisateur revient avec Microbe et Gasoil. Le film, dont l’action se déroule à Versailles - ville dont Michel Gondry est originaire - appartient à la catégorie des longs-métrages que l’on préfère chez le réalisateur. Voilà un film tendre et espiègle qui nous fait découvrir le quotidien de deux gamins un peu à part, décalés, en marge. Il ne faut pas longtemps au spectateur pour comprendre que Microbe et Gasoil est un film en grande partie autobiographique.

Porté par deux jeunes acteurs épatants (Ange Dargent et Théophile Baquet), autant à l’aise dans la comédie que l’émotion, Microbe et Gasoil fourmille de souvenirs de jeunesse du réalisateur. Beaucoup pensent que Microbe est une fille, il est mal à l’aise avec elles ; Gasoil quant à lui est un gamin imaginatif, qui invente des objets farfelus, bricole des machines un peu folles et va créer une voiture à partir d’un moteur de tondeuse et des planches de bois pour partir sur les routes avec son pote.

Si on a suivi quelque peu la carrière artistique de Gondry, et son parcours de vie, on imagine sans peine en voyant ses films et vidéos, à quel point il devait être un adolescent à l’imagination débridée, inventif et quelque peu différent de ses camarades de classe.

Mais Microbe et Gasoil ne se regarde pas uniquement comme un document sur la jeunesse du réalisateur et, on ose le dire, surtout pas en fait ! C’est avant tout une belle comédie - qui prend la forme d'un road movie - sur le passage de l’enfance à l’adolescence, et les préoccupations qui travaillent tous les garçons de cet âge. Dans le film, on évoque l’amour, le sexe, la masturbation - joliment et sans aucune once de vulgarité - la compétition avec les autres garçons, le regard des filles…

En un sens, Gondry se rappelle aux bons souvenirs (toutes proportions gardées) des grands films sur l’enfance que sont Les 400 Coups et L’Argent de Poche de Truffaut, ou La Petite Bande de Michel Deville.

Si Microbe et Gasoil manque parfois un peu de rythme, c’est sans doute pour adopter un tempo hors des conventions et modes actuelles. Le spectateur est invité à prendre les chemins de traverse de ses deux personnages principaux.

En évoquant son adolescence un peu particulière, Michel Gondry touche au cœur. Les gamins se sentiront forcément concernés, et les adultes se rappelleront au bon souvenir de leur jeunesse. Gondry a choisi la bonne approche car en évitant les clichés habituels sur les jeunes, en s’inspirant de sa propre expérience, il réalise du coup un film assez universel. Si Microbe et Gasoil est une œuvre modeste, dénuée de prétentions, il s’agit sans aucun doute du plus beau film du cinéaste avec Eternal Sunshine of the Spotless Mind.

Féru de musiques - celle de Microbe et Gasoil est composée par Jean-Claude Vannier : compositeur et arrangeur, notamment pour Gainsbourg sur Histoire de Melody Nelson Michel Gondry, est également musicien (il fut batteur pour le groupe Oui-Oui) et grand clippeur - pour The Rolling Stones, The White Stripes, Björk et quelques autres -. Il aurait sans doute pu réaliser de belles vidéos pour Amy Winehouse si la chanteuse n’avait disparue tragiquement le 23 juillet 2011, sans doute en raison d'un abus d'alcool après une période d'abstinence.

Chanteuse au talent naturel, blanche à la voix de vraie jazz woman noire (on la compare, un peu abusivement à Ella Fitzerrald : faut quand même pas pousser), Amy Winehouse aura brûlé ses ailes et son talent comme beaucoup de petits génies du blues et rock, ceux qui ont rejoint le tristement célèbre Club des 27 (chanteurs et musiciens disparus à l’âge de 27 ans) comme Robert Johnson, Brian Jones des Stones, Alan Wilson, Janis Joplin, Jimmy Hendrix, Jim Morrison et Kurt Cobain.

Le film-documentaire de Asif Kapadia a le mérite de remettre les pendules à l’heure. A force d’entendre parler de scandales, de voir des prestations TV désastreuses de Winehouse en fin de carrière, on a peut-être tendance à oublier l’immense talent d’auteur-compositrice et de chanteuse de l’interprète du mythique Back to Black.

Construit quasi uniquement avec des images d’archives, Amy est d’abord un bel hommage à Amy Winehouse. On est reconnaissant au réalisateur et aux producteurs du film de ne pas avoir pondu un objet opportuniste, vite fait-mal fait pour exploiter le succès et la mort de la star. Ils ont pris leur temps pour rassembler des images inédites exceptionnelles, les témoignages (en voix off) de personnalités aussi riches et variées que le crooner Tony Bennett, le producteur Mark Ronson (l’homme qui forgea le son de Back to Black), Pete Doherty, l’entourage de Amy Whinouse (mère, amis d’enfance et d’adolescence…).

Amy Winehouse performs "Rehab" during 2007 MTV Movie Awards (Photo by Jeff Kravitz/FilmMagic).

 

Fragile autant que déterminée, c’est ainsi qu’on la découvre dans ce portrait très complet : on voit ses sessions d’enregistrement, on découvre une chrysalide qui se transforme en papillon - de nuit, forcément - qui va finir par se brûler les ailes au contact d’un mari toxicomane, d’un père absent durant l’enfance mais qui saura être bien présent quand Winehouse rencontrera le succès, d’un tourneur qui la pressera comme un citron jusqu’à la dernière goutte de sève, de vie.

Si le documentaire nous offre de beaux instants musicaux, enchante, séduit, vous donne des fourmis dans les jambes grâce à des extraits de concerts et prestations télévisées éblouissants, il cède vite la place à l’autodestruction, à la came, l’alcool, la descente aux enfers, la déchéance de la chanteuse. On ne peut le reprocher au film, c’est ainsi qu’elle vécut et termina sa triste existence. Mais on peut tout de même être quelque peu gêné aux entournures d’assister, un peu voyeurs malgré nous, à la déchéance physique et mentale de cette femme. D’autant plus que le réalisateur en rajoute un peu trop dans la dramatisation avec des musiques qui surlignent les tragédies vécues par la chanteuse.

Quand on sort de Amy, on est un peu sonnés et l’on ne peut se dire qu’une chose « Mais quel gâchis ! Quelle tristesse ! ». Ce qui est sûr c'est que le film fera passer toute envie de prendre de la came aux gamins qui le verront.

La grande force du documentaire est de ne pas offrir un portrait lisse, hagiographique de Amy Winehouse. Il montre à quel point elle pouvait vous faire sentir la personne la plus importante au monde et ne plus vous accorder le moindre intérêt en un instant ; pouvait être cassante, méprisante, arrogante. Ce qui rend, paradoxalement, Winehouse touchante, émouvante, bouleversante.

Mais on peut aussi voir Amy comme un document passionnant sur la société du spectacle, la méchanceté des médias, journalistes, de certains animateurs de shows TV, d’humoristes. Ces derniers ne doivent pas se sentir bien fiers en revoyant leurs saillies d’une grande cruauté. Que ne ferait-on pas pour un bon mot ?

Amy est un vrai documentaire, parfois maladroit mais toujours sincère. Et ça, c’est déjà beaucoup. Il sera difficile par la suite de consacrer un nouveau documentaire à Amy Winehouse car ce film nous apparaît comme le portrait définitif de la chanteuse. Il lui rend justice et en fait l’un des personnages de cinéma les plus forts de ces dernières années.

Microbe et Gasoil Écrit et Réalisé par : Michel Gondry Avec : Ange Dargent, Théophile Baquet, Audrey Tautou 1h43 Sortie le 8 juillet 2015 film-annonce et affiche © StudioCanal

Amy de Asif Kapadia 2h07 Sortie le 8 juillet 2015 film-annonce et affiche © Mars Distribution

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