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Cap Waller de Bertrand Belin

Cap Waller de Bertrand Belin

Bertrand Belin Cap Waller Style : Pop fine, arpèges subtils Sortie : 09/10/2015

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Avec ce nouveau disque, Cap Waller, Bertrand Belin refuse, aussi fermement que poliment, de forcer le trait et d’alourdir d’une quelconque façon son propos musical. Il trace un sillon profond et racé, avec un détachement feint et authentique à la fois,  alors que pointe au carrefour de ses textes un désespoir retenu, loin de tout sentimentalisme déplacé. C’est dit, parce qu’il n’y a aucune honte à assumer sa profonde humanité, mais on est loin de toute impudeur. C’est la plus subtile des politesses, on ne pèse pas, on reste léger dans la gravité. Même si personne ne veut venir nager avec lui dans ses eaux glacées. Et que ce n’est pas rien. Une basse ronde rendra du mouvement à ce titre qui pourrait être souligné d'un trait plus épais.

On n’ajoutera pas de claviers pour rien, on ne poussera pas le son et on ne jouera pas sur une soudaine saturation pour marquer un peu plus les contours. Ce n’est pas pauvre pour autant, c’est esquissé, comme une série d’ombres chinoises finement  ciselées, on travaille au fusain, pas à l’huile, pas de pâte ni de gouache. La nervosité des compositions, leur suc, ne se révèlent pas immédiatement et la première écoute peut tromper, la distraction entraînant potentiellement une impression d’austérité répétitive. Quant aux paroles, elles ne visent pas forcément à délivrer un sens clair et littéral. On évoque, on suggère, tout n’est pas à comprendre. C’est de la musique. Les élégances sonores s’enchaînent, de boueuses flaques, et leur adjectif antéposé, très classiquement,  les sonorités en enfilades d'entre les ifs.

L’ensemble évoque de grands noms, même si on abuse de ces comparaisons, le dandysme épuré d’un Dutronc, la classe d’un Bashung, les inflexions occasionnelles d’un Murat, le sens du rythme et le phrasé d’un Gainsbourg. La poésie impressionniste affleure également quant au sens de l'évocation et de la suggestion, cette manière d'être au bord des choses sans les nommer vraiment.

Accords limpides, soulignés d’une caisse claire économe ou d’une simple charleston, on ne double jamais l’intention. Elle doit suffire d’une fois. On n’insiste pas. C’est simple et dense à la fois. On cherchera vainement une évolution radicale depuis Parcs, par exemple, mais c’est un peu comme Richard Hawley, au registre près. Quand il quitte les rivages de ce qu’il fait de mieux, ce n’est plus tout à fait lui, et c’est moins bien. On imagine mal, pour le moment, Belin tenter une soudaine approche bruitiste et sauvage. Il impose un style, une marque, une voix dont l’articulation détachée et classique donne au mot délicatesse toute sa teneur quand il le prononce.

On ne le savait pas, juré, mais on l’a appris depuis par Vincent, notre ami du Grand Mix, dont l’inlassable patience, la gentillesse vraie et la culture encyclopédique méritent au moins une fois, ici, des remerciements appuyés et fraternels, Belin travaille de fait avec le guitariste de Richard Hawley, Shez Sheridan, dont on reconnaît parfois, peut être, quelques guitares giflées, sur Je parle en fou, par exemple. On comprend ce cousinage avec le styliste de Sheffield. La même distance, la même élégance, la même que dans Cole's corner.

C’est assez peu de choses un grand album de Bertrand Belin, la classe, toujours, la grâce souvent. Seulement le beau geste, seulement le mot juste. 

En concert au Grand mix, vendredi 27 novembre. Avec H-Burns.

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