Une guitare liquide et languide ouvre le disque, tempo lent et batterie marquée, on entre de plain-pied dans l’univers de Saso. C’est dépouillé, épuré, sans fard, aussi sobre et parlant que la pochette. En compagnie de Delbi, qui produit l’album, on ne craint pas grand-chose, on ne sera pas soumis au mauvais goût, au clinquant. Le charme est immédiat, la voix s’impose doucement, doublée d’abord puis de plus en plus confiante, solide, au service d’une pop d’abord retenue et intelligente. Sans facilité critique, on retrouve parfois le phrasé de Delbi, justement, dans la construction de la mélodie vocale, mais on sait qu’ils sont complices depuis très longtemps, Romain étant le premier batteur de SaSo.
Voix pure et blanche, qui peut atteindre une extraordinaire intensité à travers des déflagrations rythmiques impressionnantes, presque tribales. Plutôt rare d’entendre d’abord dans un album cette composante là, cette rage contenue, sans qu’elle se pare des couleurs du métal et de ses atours ordinaires. Ici, c’est la tension qui mène la danse, tension rythmique et tension vocale, tension électrique ou tension acoustique, peu importe finalement. On n’est pas loin de la scansion avant que ne revienne la douceur, une touche sensible de colère aussi. Anger.
La beauté de ce disque vient de son absence totale de fragilité facile, rien n’est ici précaire ou gauche, tout est conduit avec autorité. C’est farouche et sensuel. On devine une personnalité artistique très dense, en particulier quand explose Oh My soul, titre majeur de ce EP, splendide. Ni seulement pop, ni seulement rock, la capacité de ce disque à échapper aux étiquettes impressionne. Il est très précieux de ne pas voir affluer au cerveau une liste interminable de noms. C’est le signe d’une personnalité totalement forgée, en pleine possession de ses moyens, sûre de ses intentions, avec un sens particulièrement clair de ses directions artistiques. De belles Histoires résonnant sous la lune, comme le chante le dernier titre de l'EP. Ce Français qui ne surgit qu’en sixième et dernièrement donne une idée de la tonalité et de l’intelligence des textes de SaSo. On n’est pas bien surpris de la trouver en compagnie de Delbi et aux côtés, live, de Tim Fromont Placenti. Les soirées à Lille, La Nuit, sont décidément d’une densité musicale impressionnante.
On ne fait pas dans le régionalisme exacerbé mais on s’étonne quand même, un peu et gentiment, au vu de la densité de la métropole en termes musicaux, qu’on n’ait pas le droit à un petit dossier dans ces grands journaux qui font la tendance. En attendant, on peut toujours hurler sous la lune en écoutant Full Moon.
Prochain concert de SASO à Lille : 04/04/2015 au Cirque Hostel
