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Valeria Bruni Tedeschi – Un Château en Italie

Valeria Bruni Tedeschi – Un Château en Italie

Valeria Bruni Tedeschi Style : Réalisatrice / Comédienne Date de l’événement : 17/10/2013

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Valeria Bruni Tedeschi arrive avec trente minutes de retard à l’UGC de Lille où doit se tenir sa conférence de presse. Elle est vite pardonnée. A Lille La Nuit, nous avons été séduits par le regard que Valeria Bruni Tedeschi porte sur son travail, l’intelligence de ses réponses et sa gentillesse non feinte. De plus Valeria dit par deux fois dans son dernier film que Lille est vraiment une très belle ville.
Vous comprendrez alors que Lille La Nuit se devait de rencontrer cette actrice et réalisatrice (longtemps égérie de Patrice Chéreau) dont le film Un Château en Italie, qui oscille entre drame et fantaisie, sort mercredi 30 octobre dans les salles.

Synopsis : Louise rencontre Nathan, ses rêves ressurgissent. C’est aussi l’histoire de son frère malade et de leur mère, d’un destin : celui d’une grande famille de la bourgeoisie industrielle italienne. L’histoire d’une famille qui se désagrège, d’un monde qui se termine et d’un amour qui commence.

 
 

Gregory : Concernant l’écriture, vous utilisez des éléments de votre vie qui ont été marquants et vous les transformez en quelque chose de romanesque dans votre film. Est-ce que le fait de travailler avec des collaborateurs sur le scénario, sur le dialogue, vous permet de trouver la bonne distance ?

Valeria : Je suis toujours à la recherche du romanesque ou de la drôlerie.
Et oui, quand il y a un manque de sérieux et c’est un défaut que je peux parfois avoir, la sonnette d’alarme est immédiatement tirée. Si ce n’est pas intéressant, que ça ne fait pas « fiction », pas « spectacle », on m’empêche de faire fausse route.

Il vous faut une forme de décalage ?

Oui ! C'est-à-dire que j’ai tendance à la mélancolie. Ce qui n’est pas du tout un défaut en soi mais plutôt une émotion, un sentiment humain. Mais je ne dois pas m’y laisser complétement chuter. Et je dois essayer de virer vers la drôlerie tout en accordant sa place à la mélancolie, si les deux peuvent exister ensemble. Mais ça n’irait pas s’il y avait que de la mélancolie. Pourtant l’histoire du film prêterait à ce qu’il n’y ait que de la mélancolie. On parle de la mort d’un frère, de la fin d’une époque… On pourrait s’y laisser aller. En tant que spectatrice, j’ai le goût du comique. Ça me plaît et ça me fait du bien de rire de la condition humaine. Alors si on arrive nous aussi en écrivant et/ou en faisant des films, à transmettre ce sentiment au spectateur, je suis contente.
 

Quand je vois le film, je trouve qu’il y a vraiment un rythme de comédie burlesque mais de burlesque américain. Vous aimez ce cinéma-là ?

Oui, j’aime ce cinéma-là mais dans mon inconscient et dans ma culture, le cinéma italien est beaucoup plus présent que le cinéma américain. A part Woody Allen. Quand je parle de comédie, je suis très imprégnée de Woody Allen. Mais sinon je suis plus imprégnée de comédie italienne qu’américaine.


 

Avez-vous envisagé à un moment d’arrêter d’être actrice ?

C’est intéressant. Déjà oui, je pense que tous les acteurs envisagent d’arrêter d’être acteurs. Et pour plein de raisons différentes. Je peux comprendre qu’à un moment on ait l’impression de ne plus avoir de vie. Ou prenons par exemple le personnage de Nathan (interprété par Louis Garrel) qui veut arrêter d’être acteur parce qu’il se sent comme une marionnette, emprisonné ou pas viril. Chacun a ses raisons. Mais je comprends que des acteurs ou actrices aient envie d’arrêter ce métier parce qu’ils n’ont pas assez de demandes intéressantes, ou trop de demandes et ils ne comprennent plus qui ils sont. Je trouve que c’est un métier qui prête à cette espèce de tentation de l’arrêter. J’ai beaucoup aimé un film d’Oliveira qui s’appelle « Je rentre à la maison » avec Michel Piccoli. C’est idée de dire « merde » à ce métier, justement parce qu’on l’aime beaucoup. C’est la même chose pour un être humain qui veut se suicider. On a la liberté de dire « merde, j’arrête tout ». On ne le fait pas mais ça fait du bien de savoir qu’on a cette liberté. C’est rassurant. Cette histoire d’arrêter de jouer c’est un peu comme une symbolique de la vie.

Est-ce que le fait d’être devenue réalisatrice a modifié votre regard sur les comédiens et sur le travail de l’acteur ?

Mon rapport avec mon métier d’actrice, maintenant que je fais des films moi-même, a changé en bien. Je me sens plus légère, plus libre d’accepter ce qui m’intéresse vraiment. Je suis moins angoissée si je n’ai pas des choses passionnantes à faire parce que j’ai mon propre travail à la maison. Et quand je redeviens actrice, je trouve que c’est presque reposant par rapport au fait de faire un film, ce qui est quand même très fatigant. Je me sens légère quand je suis actrice. Mais ça n’empêche pas la difficulté. Quand j’ai joué à Lille Rêve d’Automne, la pièce de Jon Fosse mise en scène par Patrice Chéreau, c’était une pièce très douloureuse à jouer. 
 


© Ad Vitam

Vous dites que vous ne connaissez rien en technique, et que vous ne voulez pas avoir l’impression d’être dans une posture ou une imposture. Il y a peu de metteurs en scène qui disent ça.

Depuis mon premier film, je ne me sentais pas légitime dans le fait de faire un film, je me sentais comme un imposteur. Je me suis détendue le jour où on m’a dit de ne pas faire semblant de savoir, de faire ce film comme une actrice qui fait son premier film. Et c’est peut-être pour ça que je joue dedans, parce que j’ai fait ce film comme une actrice. Et je me suis dit que même si je ne sais rien, je vais faire ce film avec mon expérience d’actrice. J’ai aussi écrit les dialogues en tant qu’actrice. Et ça me rassure de me dire que je suis une actrice qui fait des films. Ça me donne une identité.
Même par rapport aux acteurs je les dirige comme j’ai aimé être dirigé moi en tant qu’actrice ou comme j’aimerais qu’on me dirige. Je n’aime pas qu’on me dise que « là dans cette scène-là tu vas pleurer ». Je ne vais jamais réussir à pleurer. Mais quand on me dit « ce n’est pas important que tu pleures » ça me donne déjà envie de pleurer.
Alors je fais avec les autres ce que j’aimerais qu’on me fasse. C'est-à-dire que je vais avant tout les accueillir. En tant qu’actrice j’aime qu’on m’accueille comme je suis, avec mes défauts, mes maladresses.... Il faut que mes acteurs sentent que je les aime parce que c’est difficile de sentir qu’on ne t’aime pas. On se ferme. C’est comme ça que j’essaye de faire mais j’arrive mieux à faire ça sur un tournage que dans la vie malheureusement. Je crois que dans la vie avec les acteurs, j’ai un regard bienveillant.

C’est formidable d’avoir montré cette chanteuse à la fin du film (dont la chanson est très présente dans Un Château en Italie). Il y a ce côté léger qui se poursuit. On se demandait qui est cette chanteuse ? Est-ce qu’elle a juste été l'interprète d’un titre ?

C’est une immense chanteuse italienne, Rita Pavone. Dans les années 70/75, il y avait un feuilleton qui s’appellait Gian Burrasca, une sorte de Fifi Brindacier, quelqu’un qui ne fait que des bêtises. Elle jouait le rôle d’un jeune garçon. Tous les enfants connaissaient le générique du début. J’ai offert un disque à ma fille de chanson italienne et un jour je rentre dans sa chambre. J’entends cette chanson que je connaissais très bien et je me suis dit qu’elle était vraiment bien. Alors j’appelle ma monteuse italienne et je lui demande ce qu’elle en pense, si c’est un peu idiot. Elle me dit que non seulement ce n’est pas idiot et que les paroles de la chanson sont révolutionnaires.
 

Quelle est l’importance du hors champ de la caméra en tant qu’actrice et réalisatrice ? Quand vous faites votre cadre, il y a forcément des choses que vous décidez de ne pas filmer mais ces choses sont peut-être importantes quand même, peut-être que vous voulez quand même qu’elles soient présentes ?

Ça arrive surtout quand la caméra bouge. Quand le plan est fixe, c’est qu’on a décidé d’un plan fixe et on filme comme à l’intérieur d’un tableau. Mais souvent je fais des panoramiques, c'est-à-dire que je passe d’un acteur à l’autre. A quel moment je veux qu’il s’en aille de lui pour aller à moi… Mais après c’est aussi l’instinct du cadreur. Quand il désobéit, c’est que quelque part il est à l’écoute de ce qu’il se passe sur le plateau. Et parfois il va rater un moment en allant un peu trop vite. Mais j’aime beaucoup les plans qui bougent, ça laisse une grande part au hasard. On peut avoir un miracle, il peut filmer avec sa caméra un moment où il se passe quelque chose d’imprévu et de merveilleux. Mais on peut aussi avoir des choses tristes où le cadreur s’en va alors qu’il se passe une belle chose. J’ai parfois envie de tenir les épaules du cadreur pour ne pas bouger et ne pas louper certains moments mais ce sont les aléas du cadre quand on utilise les panoramiques.

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