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Calexico + The Dodos à l’Aéronef

Ce qui compte en musique, ce ne sont ni les notes, ni les mélodies. Et encore moins la technique. Non. Ce qui compte, ce n'est pas ce que la musique donne à entendre. Mais, paradoxalement, ce qu'elle donne à voir. Les images qu'elle véhicule, les paysages, imaginaires ou non, qu'elle fait défiler. La sensation de voyage immobile qu'elle peut procurer.

Pour cela, la musique de Calexico est précieuse. Car ce sentiment de dépaysement imprègne toute la discographie de ce groupe américain formé autour du guitariste-chanteur Joey Burns et du batteur John Convertino. Deux pistoleros faisant se défier amicalement, sous le soleil d'Arizona, deux cultures musicales : la Folk et la Country d'un côté, les airs Mariachis de l'autre. Réglant ainsi des comptes aux vieux mythes de la frontière. Et livrant une musique en perpétuel mouvement, n'hésitant pas à venir se frotter également au Rock indé, au Jazz ou à des rythmes beaucoup plus lointains encore. Une œuvre singulière, riche de sept albums, dessinant des horizons à la forte puissance cinématographique. Une symphonie du désert que n'aurait pas renié le cinéaste Sam Peckinpah pour illustrer ses westerns désenchantés.

Dans le sillage du groupe, pourtant, point de vautours. Juste deux drôles d'oiseaux, originaires de San Francisco, pour assurer sa première partie : The Dodos. Un duo guitare-chant et batterie  unanimement encensé par le petit monde Indie (Pitchfork et Inrocks en tête).  Mais qui, en live, laisse dubitatif. Un énième groupe de Nerds tentant de révolutionner, en vain, le Folk et la Pop à grands renforts d'expérimentations électriques et psychédéliques. Le syndrome post-Animal Collective, maladie musicale de ce début de siècle, avec la Radioheadite aigüe, a donc encore frappé. Le groupe cumule en effet tous les poncifs du « Rock cérébral » contemporain : refus de l'immédiateté mélodique, saturation omniprésente, cassures rythmiques incessantes, fâcheuse manie de vouloir étirer les morceaux... Les compositions se veulent bigarrées mais tournent malheureusement en rond et manquent d'émotions. Soporifique.

Calexico entre enfin sur scène. Comme pour égaler le nombre de mercenaires du film de John Sturges, le tandem Burns-Convertino s'est entouré de 5 musiciens. Tous multi-instrumentistes. Avec l'introductif 'Epic', un véritable petit orchestre se déploie devant les yeux des spectateurs. Entre le Big Band (contrebasse, batterie mise en avant) et la formation Mariachi traditionnelle (accordéon, cuivres, guitare vihuela).

Néanmoins, aucune exubérance. Aucune grandiloquence. Juste une sobriété typiquement américaine. Un mélange de professionnalisme, de concentration et de décontraction. Avec leur look de musicologues universitaires, Joey Burns et John Convertino ne jouent pas les Rock-Stars. Ils se contentent judicieusement de laisser parler leur musique. En alternant chansons introspectives, aux mélodies denses et subtiles, et morceaux aux tendances plus festives. Ne faisant ainsi jamais tomber l'intérêt du public immergé dans un véritable road-movie mental. A plusieurs vitesses. Ponctuée de trompettes ensoleillées. D'accordéons mélancoliques. De guitares riantes. Ou de slide rêveur. Un road-trip aux multiples décors. Embrassant tout le panorama Nord et Sud Américain. En passant clandestinement par Cuba. Faisant danser ensemble l'Anglais et l'Espagnol. Avec la voix magnétique de Joey Burns, qui n'est pas sans rappeler celle d'un autre grand songwriter, Jackson Browne, et celle plus caliente du trompettiste Jacob Valenzuela.

Un concert tout simplement parfait. Maîtrisé de bout en bout. Faisant, bien sûr, la part belle au dernier album en date, 'Algiers' tout en laissant la place à des morceaux plus anciens ('Not Even Stevie Nicks', 'Man Made Lake', 'Crystal Frontier','Guero Canelo', la désormais classique reprise du 'Alone Again Or' du groupe Love). Et se targuant de deux rappels unanimes. Pour se terminer sur la sublime 'The Vanishing Mind'. Interprétée à deux voix avec Meiric Long, le chanteur de The Dodos. Une chanson qui, avec sa guitare-slide comme suspendue dans les airs, ses cuivres discrets et la douceur de son piano, installe une sensation de flottement dont il sera impossible de se départir en quittant la salle.

Comme le souvenir d'un heureux voyage.

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