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Hindi Zahra & Tall Paul Grundy à l’Aéronef

Dans le jeu de la séduction et la ronde des sentiments, les premiers rendez-vous ont un rôle déterminant. Dans le meilleur des cas, le courant passe naturellement tout de suite et c'est le coup de foudre. Ou, au contraire, rien ne se passe, des silences gênés s'installent, les barrières refusent de tomber et on se dit au revoir en sachant que jamais on ne se reverra. Quoi qu'il en soit, les instants qui précèdent ces premières rencontres sont toujours emprunts de stress, de nervosité mais également de douce rêverie car l'on se dit que tout est possible et que peut-être une belle histoire va commencer.

C'est un peu dans cet état d'esprit que le public lillois a pris place dans la salle de l'Aéronef ce vendredi 26 février 2010 où Hindi Zhara venait, pour la première fois de sa carrière, jouer dans notre région. Une rencontre facilitée par le buzz mérité qui entoure son premier album, "Hand Made". Un tapis volant musical qui fait voyager l'auditeur entre sonorités orientales et berbères traditionnelles, la chanteuse a des racines marocaines, et soul, funk et blues. Le tout porté par la voix très jazzy et légèrement voilée de la chanteuse que certains n'hésitent pas à comparer à Ella Fitzgerald, ce qui explique sa signature chez le prestigieux label Blue Note, une référence chez les amateurs de jazz. Tous les espoirs sont donc permis.

Tall Paul Grundy se charge de faire patienter les spectateurs. Cet artiste, originaire de Manchester en Angleterre, lui, n'en est pas à sa première rencontre avec le public lillois. Installé depuis quelques années dans la métropole, il a eu l'occasion de balader son imposant mètre 90 dans diverses salles régionales pour y livrer son folk minimaliste et épuré, en s'accompagnant uniquement d'une guitare ou d'un clavier vintage. Une prestation toute en retenue et en discrétion. Peut-être même un peu trop. L'ennui se lit sur de nombreux visages. L'anglais a du mal à faire partager son univers et son manque de charisme et de communication n'arrange rien. Le répertoire de Tall Paul Grundy se prête sûrement plus à l'ambiance intimiste d'une petite salle qu'à celle d'une grande salle correctement remplie comme c'est le cas ce soir-là.

Arrive enfin la franco-marocaine, prête à faire chavirer le coeur de l'assistance conquise par son album et ne demandant donc qu'à succomber pour de bon aux charmes de la demoiselle. Quatre musiciens caméléons (batterie, claviers et deux guitaristes, tantôt acoustiques tantôt électriques dont un souvent bassiste) accompagnent Hindi Zahra. Et là, la belle histoire que l'on s'était imaginée d'avance dans notre esprit, s'étiole quelque peu. La chanteuse, à part un bonjour d'usage et quelques mercis, ne dialogue pas avec son public. Difficile de faire plus ample connaissance dans ces conditions. De plus, elle se montre très statique et peu exubérante. Cette première rencontre l'intimide-t-elle? Mais, ce qui gêne, par dessus tout, c'est que les morceaux interprétés sur scène (dont bien évidemment le single « Beautiful Tango ») sont joués à l'identique de leur version studio. Le tout manque cruellement de spontanéité, de naturel et d'improvisation alors que l'amour que peut porter Hidi Zahra au jazz laissait entendre le contraire. On sent, d'ailleurs, un manque flagrant de complicité entre la chanteuse et ses musiciens. Sûrement ne tournent-ils pas ensemble depuis assez longtemps. En découle un son trop lisse et une prestation trop carrée pour être honnête qui, par moment, donne la fâcheuse impression d'assister à un concert de Sade, star des bobos en mal de sensations lounge.

Heureusement, au bout d'une trentaine de minutes, plus exactement sur "Imik Si Mik", les musiciens et la chanteuse commencent à se lâcher, visiblement transportés par les sonorités berbères du morceau. Les guitaristes, lors de solos dignes du blues touareg de Tinariwen, sortent de leur torpeur et montrent enfin l'étendue de leur talent. Et là, à la fin de la chanson, Hindi Zahra nous révèle l'horrible vérité: « Je suis malade » et nous apprend qu'elle ne savait pas si elle allait avoir la force de pouvoir faire ce concert. Libérée du poids de cette information, la chanteuse montre plus d'assurance, dialogue davantage avec le public, se met à danser, à remuer la tête pour faire bouger sa crinière, tape dans les mains pour inviter la salle à faire de même... Des sonorités reggae viennent égayer nos oreilles avec la chanson "Oursoul" et une reprise du "Waiting In Vain" de Bob Marley. Les morceaux se font plus rock et électriques, particulièrement avec des versions endiablées de "Set Me Free" et de "Music".

Ce rendez-vous où se sont alternés moments embarrassés et instants plus chaleureux ne débouche donc pas sur un coup de foudre. Mais ce n'est pas une raison suffisante pour mettre fin à cette histoire. L'espoir est bel et bien présent. Gageons, qu'en meilleure forme physique et avec une expérience accrue de la scène, Hindi Zahra aura toutes les cartes en main pour mettre K-O notre petit coeur qui ne demande que ça.

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