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Saul Williams + Senbeï à la salle Clovis Defrennes de Sailly-Lez-Lannoy

Les Belles Sorties pour une curieuse sortie. Ce dispositif, instauré par la Métropole Européenne de Lille, qui décloisonne la culture et l'emmène hors des murs des grandes salles de référence de la région, emmène en effet, ce soir, l'équipe de Lille La Nuit à fréquenter une petite salle des fêtes implantée au beau milieu d'une banlieue chic et résidentielle de la métropole lilloise. Un cadre quelque peu cocasse. Que l'on imagine plus facilement vibrer au son festif d'un 'Tomber La Chemise' balancé par un DJ amateur animant un événement familial quelconque que sur les sonorités underground et engagées d'une tête d'affiche telle que Saul Williams. Mais pourquoi pas ?

Assurant la première partie de cette soirée qui sort des sentiers battus, Senbeï prend place devant une assistance clairsemée et disparate, composée principalement de curieux (l'événement est gratuit) pas forcément initiés à la science du beatmaking. Une véritable gageure que le Bordelais, moitié du combo Smokey Joe & The Kid, surmonte avec brio, faisant se dodeliner de-ci de-là quelques têtes grisonnantes. Derrière ses machines et devant un écran vidéo, Senbeï développe un univers singulier aux multiples influences. Une musique riche ponctuée de basses puissantes (auxquelles la surprenante acoustique de la salle rend justice), de rythmes Hip-Hop, d'ambiances Jazz-Soul-Funk et d'emprunts à la culture asiatique.

Évitant le piège du statisme autistique que peut imposer l'exercice, le turntablist, sur scène, semble heureux de partager son petit monde imaginaire, frappant énergiquement sur sa MPC et s'amusant comme un petit fou à échantillonner, décortiquer, triturer, déstructurer, remodeler des sonorités qui l'ont nourri artistiquement et humainement alors que défilent derrière lui des images de vieux films de Kung-Fu de la Golden Harvest ou des extraits de mangas cultes. Ludique et terriblement efficace.

Poussant le concept de son dernier disque à l'extrême, c'est en solitaire que Saul Williams vient défendre 'Martyr Loser King', un concept-album narrant l'histoire fictive d'un mineur burundais reconverti en hacker, infiltrant la NASA pour lancer une révolution d'ordre mondial. Son héros est seul derrière un clavier. Lui sera donc seul derrière son micro. Porté par une mise en scène minimaliste. Uniquement accompagné d'un ordinateur portable.

Face à un écran projetant des images post-apocalyptiques symbolisant l'opposition entre les pays développés et ceux du Tiers-Monde ou les divisions sociales existant à l'intérieur même des pays riches, Saul Williams offre un spectacle qui tient plus de la performance artistique que du véritable concert. Une prestation à la dimension théâtrale où les mots jouent le rôle d'instruments percussifs. Surprenant et déstabilisant aux premiers abords.

Mais cette figure de proue du Slam, fils d'un pasteur baptiste prêchant pour les droits civiques en son temps, ne tarde pas à faire tomber les barrières, à annihiler les résistances qui s'offrent à lui pour embarquer son auditoire dans une irrésistible tornade vocale. Charismatique en diable et habité par un engagement à la fois politique et poétique, Saul Williams prend un malin plaisir à faire virevolter sa prose, déclamant ses textes sur des instrumentations tribales et bruitistes. Lorsqu'il descend de scène, à la rencontre de son public, un cercle se forme immédiatement autour de lui. Une tribune dans laquelle il gravite avec force, s'y montrant tour à tour violent et sensible, grave et drôle, virulent et charmeur, particulièrement lorsqu'il s'essaie malicieusement au français pour rendre hommage à une liste impressionnante de personnalités : Martin Luther King, Malcom X, Keith Haring, Nelson Mandela, Frida Kahlo, Thomas Sankara, Albert Camus, Boris Vian... Une lignée de contestataires et de fervents défenseurs de la liberté dans laquelle Saul Williams s'inscrit naturellement. Mais en version 2.0.

Décidément, une bien belle sortie.

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