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The Rabeats au théâtre Sébastopol

A écouter ici : Interview de François Long, bassiste des Rabeats, réalisée pour Lille La Nuit.

Acide désoxyribonucléique, la cellule qui renferme toutes les informations nécessaires au développement d’un organisme. Qu’on le veuille ou non et avant tout jugement de valeur, c’est là que se situe désormais la musique des Beatles, cinquante ans après leurs débuts. En nous définitivement. Paul Weller, icône anglaise indétrônable chez lui, introduisait timidement Sir Paul sur la scène du Royal Albert Hall récemment en disant qu’il avait écrit la bande son de nos vies.

Tout jugement est devenu inutile, comme il le serait quant à l’œuvre de Picasso ou d’Edward Hopper qui occupe actuellement le Grand Palais. Aimer, ne pas aimer, détester, adorer, ça ne change plus rien et chacun a le choix. Les Rabeats ne sont pas les Beatles et il n’y pas une once de prétention dans leur démarche, il suffit d’évoquer avec Dip la musique des Quatre garçons dans le vent avant le concert pour s’en convaincre. Commencée comme une aventure de copains jouant la musique des Fab’Four dans les bars amiénois par passion, ils sont devenus Rabbits dans un premier temps parce que c’était la grande époque de Roger Rabbitt ! Des Beetles aux Beatles, des Rabbitts aux Rabeats. Le niveau de professionnalisme augmentant très sérieusement, il ne s’agissait plus de jouer pour les copains dans les bars mais d’investir l’Olympia. On aborde donc le concert avec un sentiment étrange, la question du répertoire ne se pose pas une seconde, la question du nouvel album à défendre sur scène non plus et c’est très déroutant. Ne restait donc qu’un élément et un seul à apprécier : la qualité du concert lui-même. Deux options : une récitation scolaire, froide, parfaite du répertoire ou un vrai concert avec une prestation live expressive. Avouons que nous craignions forcément un peu de froideur, les groupes qui ne jouent que les Beatles sont de qualité très variables, excellents comme les Bootleg Beatles, le Beatles experience et… d’autres.

Le public qui a rempli intégralement le Sébastopol les attend très impatiemment et lance les applaudissements d’attente, la « claque », longuement avant le concert. La formule usée « de 7 à 77 ans » a ce soir un degré de pertinence étonnante, la musique « pop », le « rock » n’a plus rien à voir avec une quelconque tranche d’âge, ça ne vaut plus débat. Dès le lever de rideau, l’atmosphère est au plaisir, immense, d’entendre live une musique logée au plus profond de chacun de nous. De très nombreux spectateurs connaissent absolument tout par cœur et sont sidérés par la maîtrise des Rabeats qui rassurent tout le monde en 15 minutes : il n’y aura rien de froid, de scolaire, dans cette prestation. Nowhere man absolument parfait, va plier définitivement l’affaire et sidérer les maniaques.

On entend la musique des Beatles dans toute sa complexité harmonique mais on assiste bien à un concert des Rabeats qui aurait lieu en 1964 avec le matériel d’aujourd’hui. Impossible de ne pas jouer sur Ludwig, Rickenbacker et Höfner… La justesse vocale est proprement sidérante et la première partie rappelle à tous ce qu’étaient, selon les mots de Lennon, les Beatles avant leur entrée en studio et leur arrêt de la scène : un p***** de groupe de rock’n’roll. Un spectateur d’une vingtaine d’années faisait remarquer à son père que cette partie de la carrière des Beatles, live, était susceptible de plaire à des gens d’habitude portés sur des groupes à priori assez éloignés du cristal de Liverpool.

Inouï, tout le monde est debout en quelques minutes. Le chanteur joue avec le public mais évite avec beaucoup d’adresse l’interaction pénible, celle qui finit par détruire les morceaux intégralement. Après la pause, on attaque la deuxième carrière des Beatles et la surprise est réelle, la prestation live permet de redécouvrir leur musique, de trouver un angle neuf, ce qu’on croyait évidemment impossible. Le génie pur des lignes de basse de Sir Paul McCartney étincelle littéralement, occupe le spectre sonore avec une densité folle. On mesure à quel point il a habité cette période de leur vie musicale, dormant littéralement en studio et jouant toutes ses parties après le départ des autres. Dip investit ces lignes, extrêmement complexes, avec un degré de maîtrise et d’expressivité proprement inouï et il est parfois difficile d’écouter autre chose. Aucune surenchère technologique : tout sera joué avec deux guitares et un piano ! Le riff de cuivres de Got to get you into my life est simplement transposé à la guitare. La salle explose sous les coups, le batteur, Flamm, swingue comme Ringo (le batteur le plus sous estimé de l’histoire du rock ?), tient toute la salle et la mène à la baguette. L’interaction nécessaire voix guitares, le travail de tissage harmonique entre Sly et Marcello, est magnifiquement assuré, on harmonise là haut dans le ciel avec Lucy la diamantaireLennon envoie une plume blanche du ciel pour signifier son ravissement.

Avouons-le, on se surprend à adorer ce moment, le sens de la scène des Rabeats est excellent, le spectacle est parfaitement composé et il n’y a plus question : nous assistons à un concert. Les Rabeats, dans cette formation, en ont plus de 1000 à leur actif, de quoi se rôder… Ultime rappel après deux bonnes heures et au moins une heure de public debout, le possible syndrome « tribute band » n’est plus d’actualité, les musiciens descendent dans la salle, viennent partager, montrer de près qui ils sont dans l’une des magnifiques vestes portées par Ringo puis par Zak Starkey, son fils, lorsqu’il était le batteur d’Oasis. L’ultime visuel est aussi soigné et élégant que tout ce que le spectacle donne à voir depuis le début, parfaitement pensé. On sort réellement transportés, stupéfaits d’avoir redécouvert live une musique que les Beatles n’ont jamais joué eux-mêmes, lassés de ne pas s’entendre sur les sonos de Base Ball du Shea Stadium. Le public est ravi, investit massivement le shop des Rabeats. All we need is love finalement. Il pleut. Rain. Personne n’a envie de sortir. Help. On n’était plus que deux, Two of us, de magnifiques souvenirs dans la tête, memories longer than the road that stretches out ahead. Let it be !

  1. Barbara

    Franchement? La revue me donne envie d'aller voir le concert la prochaine fois! Quand on aime un groupe comme The Beatles, je crois qu'on a toujours peur d'être déçu des reprises dénaturées! Merci pour le compte rendu, et merci surtout d'avoir su attiser ma curiosité. La prochaine fois, j'y fonce!

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