Cendrillon au Théâtre du Nord - Mise en scène de Joël Pommerat
On se souvient encore du spectacle de l’année dernière, Ma Chambre Froide, dont le dispositif scénique avait emporté les spectateurs ; cette année, Joël Pommerat, ainsi qu’il l’avait déjà fait par le passé avec Le petit Chaperon rouge et Pinocchio, revisite un des contes classiques, Cendrillon, connu en Europe à travers les œuvres Perrault et des frères Grimm.
Ce spectacle a ravi le public, qui a fourni un tonnerre d’applaudissements mérités à toute la troupe de comédiens. Cette version a perdu toute la naïveté du conte pour offrir un nouveau regard sur les personnages. Cendrillon n’est plus une victime, elle est en partie responsable de son sort, acceptant les taches de ménage les plus ingrates car elle se sent elle-même sale – c’est une jeune fille rongée par la culpabilité : sa mère est morte, et elle s’oblige à penser à elle à chaque instant pour ne pas l’oublier, elle se punit de ne pas y penser assez souvent en devenant la femme de ménage de sa nouvelle famille.
On comprend alors mieux maintenant l’hostilité de la belle-mère, cette femme que Cendrillon n’accepte pas, à qui elle ne laisse aucune chance. Ce personnage lui aussi est dépoussiéré par Joël Pommerat, pour devenir très contemporain : c’est une femme qui refuse de vieillir, persuadée que le monde a plus à lui offrir que son rôle d’épouse et de mère…
On rit beaucoup dans ce spectacle, c’est un comique qui frôle l’absurde à certains moments ; deux moments sont particulièrement savoureux : la scène de rencontre entre Cendrillon et sa marraine la fée ; cette dernière, lasse de son immortalité, refuse d’utiliser ses pouvoirs magiques, pour se lancer dans des tours de prestidigitation qui ratent coup sur coup – la bonne fée est désormais un personnage faillible, dont la gouaille est exquise ; finie la douce marraine, protectrice, place à une fée assez franche qui vient bousculer Cendrillon ; une deuxième scène a retenu notre attention : l’essayage des robes avant le bal donné chez le roi auquel toute la famille va se rendre : c’est l’occasion pour la belle-mère d’exprimer tout son talent d’actrice !
Le dispositif scénique est lui aussi brillant : pour une fois, l’usage de la vidéo et des bandes sons n’est pas qu’un simple accessoire, servant uniquement à inscrire ce spectacle dans la modernité ; bien au contraire, il permet de donner une profondeur au spectacle : on peut ainsi avoir en même temps sur la scène Cendrillon en tant qu’actrice regardant son passé projeté en arrière-plan, ce qui permet à ce personnage d’avoir une réelle épaisseur psychologique.
Ainsi, vous l’aurez compris, il faut aller voir de toute urgence ce spectacle au Théâtre du Nord, du 10 au 19 janvier 2013.
