Le travail de Stuart Seide relève du défi avec Au Bois Lacté. En effet, l’œuvre qu’il a choisi de mettre en scène pour clore la saison du Théâtre du Nord n’est pas au départ une œuvre destinée au théâtre, il s’agit d’un poème composé pour la radio par Dylan Thomas. Tout l’enjeu était donc d’adapter ce texte pour la scène. Et le pari est gagné !
Au Bois Lacté au Théâtre du Nord
Sans parler du texte, qui relève de la grande poésie, ce dont la traduction rend tout à fait compte, la mise en scène réalisée par Stuart Seide est d’une grande intelligence et permet justement de mettre en avant cet aspect poétique. Ce poème oscille entre narration et dialogue, et c’est là que l’on commence à voir la dimension théâtre de ce spectacle : deux acteurs (Bernard Ferreira et Caroline Mounier, que l’on avait déjà pu voir dans Mary Stuart et que l’on retrouve volontiers) vont assurer les passages narratifs, ou d’autres moments plus poétiques. Face à eux, neuf acteurs qui endossent à tour de rôle différents personnages, avec une rigueur impressionnante, proche d’un ballet.
Le poème fait entendre la voix d’un village de bord de mer ; le spectacle s’ouvre sur une nuit, pendant laquelle on découvre un à un les rêves les plus intimes des habitants, avant de les voir évoluer tout au long de la journée dans leur quotidien le plus banal, avant de retourner se coucher. Au cours de cette journée, c’est l’humanité toute entière qui est offerte aux yeux des spectateurs. De la prostituée désabusée, au capitaine à la retraite revivant à chaque instant ses anciennes histoires, en passant par l’institutrice en quête d’amour, le facteur lisant les lettres de tous, le mari qui rêve de tuer sa femme, sans oublier l’organiste passionné de musique et sa femme « martyr de la musique » (couple qui déclenche un rire toujours franc) ni le pasteur poète qui célèbre avec simplicité la beauté de la vie, c’est, à travers cette petite société, l’homme qui est donné à voir dans ce qu’il a de plus fondamental : ses désirs.
Un spectacle qui bouleverse nos habitudes de spectateurs
Le dispositif scénique est parfait pour rendre compte de ce tourbillon de personnages, le sol de la scène du Théâtre du Nord est recouvert d’un épais plancher modulable à souhait pour symboliser tous les espaces des différentes maisons ou lieux du village. Pour renforcer cet effet de performance proche de celle d’un ballet, on peut également souligner la présence très efficace de passages choraux, ou de chants en solo de la part des différents acteurs, ce qui contribue également à donner sa pleine valeur poétique au texte de Dylan Thomas.
Un spectacle qui bouleverse donc nos habitudes de spectateur, et ce, pour notre plus grand plaisir.
A voir au théâtre du Nord du 5 au 22 mai 2011.
