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Cali + Le Yeti à l’Aeronef

Il est des chanteurs avec lesquels la relation se construit, se vit essentiellement à travers le prisme de la scène. Les disques ont bien sûr leur importance. Mais ils ne sont pas le moteur principal de l'attachement que l'on peut éprouver pour eux. Car, d'une manière totalement subjective, le rapport vécu avec ces artistes est affectif. Leurs mots, leur personnalité, leur engagement nous émeuvent. Et sont même susceptibles de nous faire apprécier une démarche musicale que l'on ne goûtait que du bout des lèvres au début ou, voire même, qui nous agaçait.

Cali fait partie de cette catégorie de chanteurs. Celui que l'on ne prenait que pour un sous-Miossec, une pâle copie, a su déjouer nos réserves, nos appréhensions. Et s'imposer comme un mec touchant aux textes sensibles. Incarnant l'image, encore une fois totalement subjective, d'un artiste honnête et droit. Dont on se fait une joie d'aller (re)voir sur scène.

Mais avant Cali, place au Yéti. Une drôle de bête pas si abominable que ça. Du genre inoffensive pour dire vrai. La pop bricolée par le Belge Thierry De Brouwer est en effet incapable de faire le moindre mal à une mouche. Les mélodies et les textes, trop naïfs, ne frappent ni l'oreille, ni l'esprit, ni le cœur. La platitude. Un comble pour un animal sensé vivre dans les cimes.

Intermède. 'Atlantic City' de Springsteen en fond sonore dans les enceintes de L'Aéronef. Et alors que les dernières notes d'harmonica du Boss s'égrènent, d'autres prennent le relais. Cali arrive. Seul. La guitare et l'harmonica en bandoulière. Pour une version minimaliste de 'L'Amour Fou'. Dépouillée mais intense. Les artifices ne semblent pas être de mise. Ce que confirmera, sur le morceau suivant, la venue des musiciens du chanteur. Contrairement à son dernier concert lillois, au Zénith, en 2011, son groupe est ici resserré au maximum. Pas de cuivres. Pas de choristes. Juste un guitariste (l'impeccable Robert Johnson, déjà croisé à ses côtés ou ceux de Miossec), un bassiste, un clavier et un batteur. Nul superflu. Et nul éparpillement musical.

Le concert manoeuvre uniquement dans les eaux du Rock et du Folk. La sobriété, l'intimisme des nouveaux morceaux, issus du dernier album, 'Vernet-Les-Bains' se marient à merveille avec l'énergie électrique des anciennes chansons. Les textes politiques sont volontairement mis de côté. Cali ne chante que les sentiments. L'amour. La haine. La colère. La déception. L'espoir. On passe délicatement de la joie à la mélancolie. De l'exaltation au recueillement. Du calme à la tempête. Sans forcer le trait, avec un naturel désarmant, le chanteur subjugue et émeut. Impose le silence sur les terribles et poignantes 'Mes Vieux Cinglés' ou 'Je Rêve De Voir L'Eté'.

Du haut de ses 44 ans, on le sent à un tournant de sa vie. Plus posé. Plus serein. Moins dans l'emphase et la posture du chanteur de stade. Assagi en quelque sorte. Mais comme les chiens fous restent toujours un peu sauvages, il ne peut s'empêcher de se faire plaisir.  De se livrer à un de ses fameux slam. Se laissant porter par le public jusqu'au fond de la salle. D'où, d'une manière quelque peu kamikaze, il escalade le mur pour accéder à l'étage supérieur. Faisant confiance à la force de valeureux spectateurs pour le hisser.

Le perpignanais contrebalance la tristesse de ses textes en s'amusant comme un gamin. Avec ses musiciens, avec lesquels on sent une très grande complicité, un esprit de troupe. Et avec son public. Il invite une jeune fille en fleur à monter sur scène. Appelle son ami Rémi Gaillard pour lui souhaiter un joyeux anniversaire en faisant participer tout le monde. Joue avec l'image de chanteur populaire qu'il peut renvoyer. Sur les morceaux les plus légers, Cali prend la pose. Cali minaude. Malicieusement, il se moque de lui-même. Comme dans 'Happy End' où il tourne en dérision son statut d'artiste n'interprétant que des chansons tragiques, « son besoin de faire chialer ».

Une chanson venant clore un généreux concert de 2h30. Un show intense comme Cali en a le secret. Sans cynisme. Honnête. Sincère. A l'énergie communicative. Dont on ressort comme une petite midinette. Des 'La La La' plein le cœur. Des souvenirs émus plein la tête. Et ce sentiment particulier  et agréable d'avoir passé la soirée avec un gars bien.

Happy End.

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