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Delinquents Habits & Speech Debelle au Grand Mix – Hip Hop Dayz Festival

Le hip hop est un mouvement artistique complexe qu’on ne peut limiter seulement à la musique rap. Il est associé à un ensemble d’expressions artistiques et culturelles représentées par le deejaying, le human beat box, les danses urbaines (break, smurf, hype, double dutch, krump…), une mode vestimentaire, des expressions graphiques (tag et graffiti), un langage, ainsi que des attitudes et des valeurs.

Ce mouvement, né à la fin des années 60 aux Etats-Unis (rappelons que le terme hip hop est utilisé dès l’époque de Malcom X pour décrire les soirées dansantes de la jeunesse des ghettos américains) avec des artistes tels que The Last Poets ou Gil Scott-Heron, griots des temps modernes dont le phrasé et le sens du verbe constitueront la base immuable du rap, est en perpétuelle évolution.

Le Festival Hip Hop Dayz, qui souffle sa neuvième bougie cette année, réussit le pari de mettre en lumière les différentes esthétiques et ramifications qui composent cette culture en faisant intervenir plus de 20 rappeurs de divers horizons, 10 DJ’s, 8 compagnies de danse, 16 binômes de graffeurs issus de toute l’Europe, 8 compositeurs locaux et en organisant 11 soirées dans 7 villes de l’agglomérations lilloise s’articulant autour des différentes disciplines composant la culture hip hop avec des concerts, des battles de graffiti, des expositions, des spectacles de danse urbaine…

Ce jeudi 3 novembre, au Grand Mix, c’est la musique qui est mise en avant. Avec une programmation qui met en valeur la richesse et les nombreuses facettes de la musique rap. En effet, les artistes mis à l’honneur ce soir, la chanteuse britannique Speech Debelle, lauréate du Mercury Prize 2009, et le groupe californien The Delinquent Habits, connu pour son rap latino et hardcore, offrent deux univers musicaux différents.

C’est au nouvel espoir du hip hop anglais, Speech Debelle, du haut de ses 25 ans, qu’incombe la délicate tâche d’entamer la soirée et de présenter son excellent album Speech Therapy. Et malgré son jeune âge, Speech Debelle fait montre d’une belle aisance sur scène. Accompagnée d’un contrebassiste, d’un guitariste acoustique et d’un batteur, elle privilégie un hip hop organique où se mêlent ambiances soul (« The Key »), influences reggae (« Buddy Love ») ou essences dub (« Daddy’s Little Girl »). Une prestation sensible (et oui, le rap peut être sensible !) où la demoiselle, à travers ses lyrics, laisse ressortir les émotions accumulées tout au long de sa courte vie et nous parle de sa condition de jeune femme dans la société actuelle. Speech Debelle n’a jamais peur de se dévoiler, de nous révéler son intimité et se montre extrêmement touchante en ne levant jamais la voix plus haut qu’il ne le faut. Nul doute que des artistes telles que Lauryn Hill, à qui elle ne manquera pas d’être comparée, ou Meshell Ndegeocello, ont trouvé en cette jeune anglaise une héritière digne de ce nom. Dommage que le public ne lui ait pas réservé un accueil beaucoup plus chaleureux.

Car il ne faut pas se leurrer, la grande majorité des spectateurs avait fait le déplacement pour les angelinos d’origine hispaniques de Delinquent Habits, groupe mythique aux frontières du hip hop old school et de la vibe latino-américaine, venus présenter leur dernier album en date, The Common Man. Un groupe qui, depuis sa création en 1991, a vu son line-up évoluer car le trio d’origine s’est décomposé, tant et si bien qu’il ne reste plus que Ives depuis les départs de Kemo et du DJ O.G. Style. Désormais accompagné de Chente Loco et de DJ Tray, Ives a démontré qu’il est toujours un très bon MC, certes pas le plus grand technicien au monde, mais au style fluide et se mariant merveilleusement à son univers musical fusionnant beats hip hop, funk et trompettes mariachi.

Alternant des titres du dernier album (« So Cal », « The Common Man », « In LA ») et classiques du groupe (« Tres Delinquentes »), Ives et ses nouveaux comparses ont, dès les premiers beats, conquis le public du Grand Mix qui ne s’est pas fait prier pour lever la main, remuer la tête ou sauter dans tous les sens. Public également conquis par les tournées généreuses de téquila ou de whisky offertes par le groupe (Ives préférait, lui, carburer à l’armagnac). Un concert énergique et professionnel (peut-être un peu trop ?) qui, l’instant d’une soirée, nous replongea dans la deuxième moitié des années 90, époque où le rap latino, avec Cypress Hill et le collectif Soul Assassin, connaît son heure de gloire. Et s’il n’y avait pas grand chose à redire du point de vue du spectacle, on peut néanmoins dire que ce concert ne s’adressait qu’aux nostalgiques de cette vague latino et qu’il pêchait par un manque flagrant de prises de risques et de volonté de faire évoluer le hip hop. De plus, DJ Tray, qui semblait faire la tronche toute la soirée, s’est révélé un piètre technicien se contentant de passer des bandes et de servir la sauce aux deux MCs. A quoi cela sert-il d’avoir une platine, si ce n’est pas pour scratcher ?

S’affrontaient donc en cette soirée, deux conceptions de la musique Hip Hop : une festive et une plus introspective. Mais les mines réjouies à la sortie de la salle que ces deux conceptions avaient fait match nul.
 

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