Joué dans la petite salle du théâtre, ce spectacle, interprété par un seul acteur, François Clavier, offre un cadre intimiste pour faire entendre le texte de La Boétie.
A son arrivée dans la salle, le spectateur découvre sur scène un homme déjà en train de lire l’Iliade d’Homère – cet homme est entouré de livres de l’antiquité, qu’il ne cessera de manipuler pour trouver dans le passé des exemples pour servir son propos.
Ce discours réfléchit sur des notions très vastes : la liberté, la servitude, la tyrannie, le pouvoir. La Boétie part du constat que le tyran n’a de pouvoir que par ce que le peuple lui en donne. A partir de là, comment expliquer que le peuple accepte cette « servitude volontaire » au lieu de lui préférer la liberté ? Voilà le paradoxe que cette œuvre interroge. Comment des millions d'hommes peuvent-ils accepter de se soumettre à un homme qui les tyrannise et qu’ils pourraient démettre sans difficulté ? On aborde ici les mécanismes de la société, et l’essence de la nature humaine plus largement.
Ecrit à la première personne, ce discours philosophique se prête facilement à la transposition sur les planches du théâtre. Nous voyons un homme (la Boétie) qui cherche à approfondir ces idées, qui cherche les mots justes pour les énoncer, la qualité du jeu de François Clavier est d’ailleurs à souligner : ces mouvements sont précis et permettent de donner corps aux réflexions au cœur de l’œuvre ; sa voix, qui alterne entre calme et force, est au service d’un texte qui nous parle encore à notre époque. Si les références antiques peuvent parfois dérouter un spectateur non érudit – nous sommes en effet face à un écrivain humaniste, qui puise ses exemples historiques dans les œuvres latines et grecques – il n’en demeure pas moins que la langue de l’auteur, claire et concise, fait étrangement écho à ce que nous vivons aujourd’hui. Certes, nous sommes aujourd’hui en démocratie et non plus sous un tyran, mais cette œuvre dépasse la seule notion de tyrannie pour réfléchir sur ce qui fait qu’un peuple, une nation acceptent la domination d’un seul…
Une belle adaptation d’un chef d’œuvre de la littérature. A voir au Théâtre du Nord du 1er au 15 février.
Discours de la servitude volontaire au Théâtre du Nord
D’Etienne de La Boétie
Mise en scène de Stéphane Verrue
