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Evergreen Sputi Shit au B-Floor

Malgré ce que l'on peut imaginer, travailler (professionnellement ou bénévolement) pour la presse musicale n'est pas facile facile tous les jours. Oh, bien sûr, on a des avantages certains: celui d'assister à des concerts gratuitement, de recevoir de temps en temps des CDs et, surtout, celui d'avoir l'opportunité de pouvoir partager sa passion. Néanmoins, cela n'est pas de tout repos car on peut se faire des ennemis. Certains labels ou maisons de disques sont, en effet, susceptibles de vous tomber dessus en raison d'un article négatif sur tel ou tel protégé. Mais la principale animosité provient principalement des groupes amateurs et locaux que l'on est amené à critiquer lors de leur passage sur une grande scène, pour assurer une première partie. Car il ne faut pas se leurrer: une grande majorité de ces groupes n'a malheureusement pas d'avenir. Et en tant que critique consciencieux, il faut, si possible sans méchanceté gratuite, bien en rendre compte. Ou, pour ne pas vexer, ne pas blesser, faire le choix d'utiliser la langue de bois ou, carrément, de faire l'impasse sur la prestation (ce qui est, sans doute, pire). Alors quand on tombe sur un jeune groupe régional plus que prometteur comme Evergreen Sputi Shit, notre petit coeur ne peut s'empêcher de battre la chamade.

En un peu plus de deux ans, ces jeunes gaillards (moyenne d'âge: 24 ans!) ont déjà réussi à se faire un nom et une belle réputation dans la région Nord/Pas-de-Calais mais également en région parisienne. On a ainsi pu les croiser en première partie de groupes tels que Les Blaireaux, Tryo ou General Elektriks. Mais le concert donné en ce soir du 17 février 2010 au B Floor de Lille a une saveur bien particulière. Il coïncide avec la sortie de leur premier album: le bien nommé Evergreen Sputi Shit. Et cette soirée spéciale sera tout sauf shitty...

Ce qui frappe en premier chez Evergreen Sputi Shit, c'est leur refus de se conformer aux tendances actuelles. Pas question pour eux d'entrer dans la catégorie des suiveurs et d'enfanter un énième groupe Post-Rock, Math-Rock, Neo-Folk ou tout autre courant musical devant lequel s'extasient les adeptes de la hype. Leur créneau: un Rock primal, brut, mais néanmoins dansant, fusionnant dans un chaudron incandescent Funk, Hip Hop, Reggae, Punk... L'esprit des Beastie Boys, de Living Colour, des Bad Brains ou des Red Hot n'est pas loin. Les trentenaires présents dans la salle, face à ces « Red Hot Ch'ti Mi Peppers », sont d'ailleurs émus de voir se raviver la flamme de la fusion française, qui s'est éteinte au début des années 2000 avec la disparition de combos comme Silmarils ou FFF.

Et c'est avec un naturel désarmant que les Evergreen Sputi Shit réussissent l'exploit de soutenir la comparaison avec ces références, qui pourraient s'avérer écrasantes, en imposant leur propre griffe, leur propre personnalité à ce style musical, évitant ainsi le danger du pâle copier-coller. Les compositions, qui accrochent l'oreille dès l'introduction, sont extrêmement solides, magnifiquement structurées, sachant créer la surprise (le passage Reggae dans « Two Weeks On Vacation », par exemple) et orchestrées de mains de maîtres. On retrouve avec eux l'énorme plaisir d'une formule toute simple (guitare/basse/batterie) mais entièrement régénérée. La section rythmique tricotée par Antoine à la basse et Paul à la batterie, gorgée de Groove, est juste assassine et cathartique. Le jeu de Nico à la guitare se révèle à la fois fluide, riche, sensible, tout en agressivité contrôlée (comme sur le très beau « The Wizard In Your Heart »). Et, cerise sur le gâteau, le chant de l'imposant Laurent, lui, sait se faire alterner passages catchy au phrasé Hip Hop, faisant claquer la langue française ou anglaise comme jamais, et d'autres plus doux, tout en retenue, avec une facilité déconcertante, rendant justice à la complexité mélodique des chansons, qu'il agrémente de subtiles touches de Human Beat Box. Nico, d'ailleurs, en l'accompagnant harmonieusement sur certains morceaux, montre, lui aussi, un joli brin de voix.

Mais le plus frappant reste l'attitude. Excellents instrumentistes, les membres d'Evergreen Sputi Shit évitent toute surenchère technique, toute frime gratuite, laissant parler leur morceaux par eux-mêmes. Ne compte pour eux que le plaisir de jouer et de faire passer un bon moment à leur public. Public qui ne se fera pas prier pour envahir la piste de danse du B-Floor, discothèque transformée pour l'occasion en salle de concert (et en décor de clip également, des caméramen étant présents sur place pour immortaliser la soirée), au bout de quelques chansons, rendant ainsi justice à la judicieuse et idéale « Disco Stuart », petite pépite taillée pour les dance-floors.

Evergreen Sputi Shit n'est qu'au tout début du chemin. Ils connaitront probablement les embûches que connaissent tous les jeunes groupes. Mais on espère sincèrement qu'ils arriveront à les surmonter. Car ils ont entre les mains toutes les cartes pour réussir et faire le plus beau des voyages.
 

  1. Manu

    Superbe article ! Pour info, le groupe a un site internet sur lequel il est possible d'acheter leur premier album : evergreen-sputi-shit.fr. @+

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