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Fredrika Stahl + Amélie au Grand Mix

Imaginative Amélie

Seule avec sa guitare, Amélie a occupé la scène du Grand Mix, en première partie de Fredrika Stahl, comme si tout un groupe l’accompagnait. Il faut dire que la demoiselle a l’imagination communicative, n’hésitant pas à évoquer un bassiste à coupe afro et un batteur chevelu, supposés jaillir derrière elle quand elle se lance dans un folk-rock endiablé. « Quand je dis que je veux signer la fin du folk, je ne plaisante pas. Je n’ai rien contre le folf sincère, mais il y a eu au début des années 2000 une mode : il suffisait de se promener avec un chapeau et une plume pour se la jouer à la Devendra Banhart… Le retour à une musique plus authentique je veux bien, mais à condition d’arrêter avant la caricature. »
Alors Amélie se joue des codes, frappe et martyrise sa guitare acoustique électrifiée, et alterne commentaires mi-timides mi-complices et force de son chant emballant. « Mes parents ont eux-même été surpris, la premirèe fois qu’ils m’ont entendu sur scène. Ils ne se doutaient pas que ma voix pouvait être aussi forte… »
Après de nombreuses premières parties (Herman Dune, Moriarty…), Amélie la fan de Kate Bush (« je l’ai découverte en 2005, elle ne m’a plus lâchée ») sera bien un jour tête d’affiche. Après tout, Fredrika Stahl, vendredi soir en vedette, était venue à Lille au Sébasto en première partie de Cœur de Pirate… Et aujourd’hui sa dimension est tout autre.

Jeu érotique du jazz et de la pop

Les Lillois avaient pu l’écouter quatre fois à la Péniche, puis au Sébasto, grâce à son tourneur, A Gauche de la Lune, qui suit sa carrière depuis quatre ans. Fredrika Stahl était de retour dans la métropole, au Grand Mix, à Tourcoing. Un nom de salle bien nommée pour la Scandinave qui évolue dans un entre deux. Entre pop et jazz, entre Suède et France.
Vendredi 11 février, c’était aussi un mix de ses trois premiers albums, mais d’un ton plus affirmé, celui du dernier opus où l’on sent jaillir une personnalité peut-être moins présente auparavant. « Pour moi, la musique est une évolution constante, nous disait-elle après le concert. Je ne peux pas dire que j’ai trouvé mon style, car je pense que j’évoluerai toujours. Je n’ai pas fait d’école de musique, j’ai travaillé de manière isolée, j’ai progressé à ma façon, sous diverses influences. »
Au Grand Mix, le public, d’abord calme, au point que l’on entendait quelques conversations d’incorrigibles bavards inattentifs, finit par être capté par la Suédoise, sa spontanéité, la force de sa voix, les nuances de son timbre. Les quelques mots en parfait français, entre chaque titre, aidèrent bien sûr à établir une complicité qui alla crescendo, Fredrika entrainant la salle dans une ou deux leçons anglaises chantées.
Il suffit aussi d’une chanson en français, la seule du concert, extraite de son deuxième CD (elle n’en a composé que trois dans sa seconde langue naturelle, sur ses trois albums), pour établir définitivement le lien. « Il dit qu’avec le temps s’effacera mon tourment », gémit-elle dans « Pourquoi pas moi ? ». On croirait entendre des paroles d’Yves Simon, joliment mises en musique. Mais tout, ou presque, est de Fredrika. Et, comme pour ne pas se prendre au sérieux dans cette chanson qu’elle qualifie elle-même de romantique, Fredrika enchaîne par « une autre chanson d’amour, dans un autre style ». Effectivement : comédienne, elle joue les ruptures de ton, alterne violence inattendue du chant et vocalises burlesques, expressive en diable, parfois à la limite du slam mais avec un naturel renversant.
La fin du concert est l’occasion de faire plaisir à ses musiciens, qui se lâchent sur les routes de la soul et du funk. Une reprise des Jackson Five a tout déclenché : Never can say goodbye… De fait, le public ne voulait plus dire au revoir à la mince et jolie blonde, jambes gainées de noir sous sa mini-robe. Elle le récompensa de deux rappels et trois chansons supplémentaires.
La scène, aux lumières tamisées, décorée d’abat-jours noirs aux pieds torsadés, évoquait le jazz, mais les harmonies pop, sans cesse, faisaient des infidélités au jazz. C’est là tout le credo de Fredrika Stahl, qui a choisi ses musiciens dans ce but : oser violenter le purisme du jazz pour le rendre plus guilleret. Il y a, chez la plus parisienne des chanteuses suédoises, une énergie entrainante, mariée à une espièglerie et un charme irrésistibles… Et l’érotisme de sa musique vient sans doute de ce flirt poussé entre jazz taquin et pop malicieuse. Le tout fonctionne à notre oreille et à nos yeux (forcement), bien mieux sur scène que sur les albums, grâce à la présence « nature » de Fredrika, et par le feeling de ses trois complices, les Français Tony Paeleman aux claviers et Julien Herné à la basse, et le Belge Arnaud Renaville à la batterie, visiblement heureux de l’aventure.

Petit interview d’après-concert pour en savoir plus sur Fredrika Stahl

Origine. - « Je suis de Stockholm à l’origine, mais ensuite ma famille a vécu dans le sud de la Suède, en Scanie. »
Bilingue. – « J’ai vécu en France entre l’âge de 4 ans et 12 ans, suivant mon père qui travaillait dans une entreprise de matériel médical. Puis je suis revenu à l’âge de 17 ans. »

Influences. – « J’ai d’abord été influencé par la musique des années 60 qu’écoutait mon père : Beatles, Beach Boys… Et James Taylor que j’adore. A 17 ans, j’ai travaillé ma voix en écoutant Ella Fitzgerald. Tout peut m’influencer, soul, pop, jazz, mais je veux affirmer ma personnalité, donc quand je constate que j’aime trop un groupe, je m‘efforce de ne plus l’écouter. J’aime énormément les harmonies. »

Groupes.- « J’ai rencontré Arnaud pour l’enregistrement de mon 3e disque. Puis je lui ai demandé de trouver un bassiste et un clavier qui aimeraient autant le rock que le jazz, ce qui n’est pas toujours facile à dénicher. Mais j’ai aussi une autre formation, acoustique, plus intimiste, avec un seul musicien pour m’accompagner. »

Composition.- « Je me sens plus à l’aise pour composer mes textes en anglais. Le Français me semble une langue plus exigeante dans le chant. »

Scène.- « Si je semble à l’aise, c’est que je cherche à m’y amuser, et à établir une complicité avec le public. Je dois même me forcer à ne pas parler plus avec lui entre les chansons. »

Hip-hop.- « Un producteur de hip-hop a produit mes deux premiers disques et travaillé sur le 3e. »

Recueilli par Geoffroy Deffrennes

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