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Gablé + Powerdove à la Cave aux Poètes

A la cave aux poètes, il fait bon vivre le dimanche quand les concerts commencent à 18h. Exaltant de finir le week-end en beauté sans trop se fatiguer.

 Lille La Nuit s’est rendu le 17 novembre au concert de Gablé, trio pop fantasque ingénieux, précédé de Powerdove en première partie.

Comme dans les vraies caves, l’éclectisme est au rendez-vous : choses que l’on veut ranger en attendant de voir ce que l’on peut en faire, d’autres au devenir incertain, des œuvres d’art aux emplacements fugaces et à venir, secrets que l’on ne veut pas (encore ?) partager, chuchotis musicaux oubliés par des artistes généreux…

Powerdove fait partie de ces groupes que l’on apprécie mais qu’on peine à décrire, tant l’inclassable surpasse l’ordinaire dans le créneau qui est le leur, loin de toute facilité. Surprenant, en arrivant, de voir s’installer le duo, chant et batterie là, juste à l’entrée. Accessible physiquement, nous avons failli les bousculer en entrant. La chanteuse Annie Lewandowski mène la danse, surprenante de profondeur. Imprégnée de son chant et du sens qu’elle donne à son travail, classieuse et paradoxalement très simple, elle livre une petite heure de folk minéral, précaire à première vue, à l’extrême bord d’une dangereuse fragilité, mais heureusement parfois envoûtant. Elle a pu défendre son album, Do You Burn ? , sans faillir, et sans se soucier des nombreux verbiages du public. Album fin et riche, composé avec l’aide d’un vieil ami californien, John Dieterich (Deerhoof) et d’un français Thomas Bonvalet (L’Ocelle Mare), il semblait parfois périlleux pour Annie de faire passer ses messages, trop profonds pour nous ce soir là peut-être. Le calage d’une première partie reste toujours un exercice de haute voltige affronté crânement ici quand on a choisi des chemins escarpés comme l’intimisme et le dépouillement.

C’est Gablé qui est ensuite « monté » sur scène en se présentant sous le nom … d’Indochine, instaurant immédiatement une distance salutaire avec le terrible esprit de sérieux qui tétanise parfois les artistes. Doit-on d’ailleurs dire « monter sur scène » quand le groupe s’installe devant vous à quelques centimètres du sol, sans pour autant que cela gêne son envol pop et bariolé ?
La Cave aux poètes a le pouvoir de toujours offrir un concert intimiste et chaleureux. Gablé est sorti du public, en toute simplicité, pour s’installer devant nous. Dès la première chanson, le public, sait, sent, qu’il a bien fait de venir ce dimanche soir à moins qu’il ne soit parti voir Pokey Lafarge à l’Aéronef. Pop loufoque, drôle, fantasque, baroque, le groupe livre un petit spectacle sous nos oreilles tout ouïes. Un trio qui se regarde, s’apprécie, se sourit, et qui diffuse sa bonne humeur sans compter. Roublards et matois pour masquer le talent qu’il faut pour tenir cet édifice complexe et kaléidoscopique musicalement. On a envie d’aller griffer au sang ceux qui prennent la scène pour un territoire conquis et n’ont pas le moindre respect vrai pour leur public. La musique ne ment pas. Ce soir là, Gablé était notre petit objet précieux, rien qu’à nous : on ne voulait pas sortir de la Cave pour ne pas l’abîmer. Un trésor d’enfant caché sous un lit qu’on ramènerait à l’école pour en parler à notre maîtresse préférée, un bijou à la beauté minérale et ciselée.
Trio inventif, chacun se sert d’instruments classiques et ajoute à chaque morceau une excentricité sonore déroutante et enchanteresse : flûte, caisse en bois que l’on casse avec ses doigts ou ses dents… tout est concerté et déconcertant, et pourtant, on adhère. On appréhendait de savoir comment le groupe pouvait s’en sortir sur scène, malgré sa très bonne réputation. Les deux derniers albums sont tellement travaillés, sculptés, innovants, (on a songé à XTC, c’est dire !) qu’il fallait oser le jeu du dérisoire et d’un salutaire second degré ! Si l’on ne retrouve pas toutes les subtilités organiques des albums, le talent scénique et le dialogue avec le public payent. On sort du concert enchanté, et on veut tout garder pour nous. Lille la nuit s’étonne que Gablé se produise dans une petite salle et se réjouisse sans bouder son évident plaisir de toucher les tympans réceptifs de sonorités aussi belles qu’étranges avec peu de moyens. Le goût et le talent priment toujours sur d’inutiles pyrotechnies.

 

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