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Grant Hart + Needle And The Pain Reaction à l’Aéronef Club

Needle And The Pain Reaction se font rares. Non qu'il viennent de loin mais car ils ont la fâcheuse manie de saupoudrer les années de quelques concerts seulement. Ainsi, à part une première partie des compatriotes belges Romano Nervoso et une des excellents Black Angels au 4AD, on n'avait pas beaucoup vu les rockers ces derniers temps. C'est donc avec d'autant plus de plaisir qu'on les reçoit à Lille. Une drôle de figurine, à droite de la scène, accueille les visiteurs. Esthétique décalée évoquant le vaudou, qui s'accompagnera assez rapidement d'un quota capillaire non négligeable sur scène, signe, dans l'imagination populaire et dans les faits, que le son va être lourd.

On ne peut pas dire que les spectateurs se marchent dessus au Club de l'Aéronef ce soir. Et pourtant peu importe pour Needle And The Pain Reaction, abreuvant les amateurs de leur rock fouillé et crasseux. Arrivant avec un troisième album sous le bras, le trio semble infatiguable. Wim Deliveyne, à la guitare, expulse plus qu'il ne chante et se trouve rapidement trempé. A côté de lui, Lucce Waegeman, qui oeuvre à développer avec Kinky Star le rock à Gand depuis la fin des années 80, balance l'image du bassiste statique aux oubliettes tandis que Peter De Bosschere donne tout ce qu'il a. A ce demander quelle formidable source d'énergie est le moteur de ce trio fougueux. Les Gentois ont quelque chose de Jesus Lizard, et ont transformé l'ambiance de la petite salle en quelques minutes.

Ce qui influence d'autant plus l'idée qu'on se fait de Grant Hart. Grant Hart se trouve être l'ex-batteur et chanteur de Husker Dü : punk, post-hardcore et agressivité au programme. Si le groupe n'a pas forcément acquis une renommée mondiale auprès d'un public large, il n'en reste pas moins mythique, influençant un grand nombre bons groupes alternatifs des années 90. Pourtant, le côté hardcore n'est pas au menu des concerts actuels de Hart. Il pose une barrière, d'emblée. Arrivant sur une scène plongée dans une obscurité bleutée, Grant Hart affiche une lampe de mineur sur le sommet du crâne, rendant quasiment impossibles et inutiles les regards dirigés vers lui. Cette attraction-répulsion fonctionne à plein mais la voix s'est déjà lancée, d'abord rocailleuse et à la limite du juste, puis grave et sûre d'elle. L'Américain était passé au chant et à la guitare avec un premier EP en solo, 2541, à la dissolution de Husker Dü en 1987 puis avec son groupe Nova Mob. Et revenu en solo dès 96, pour deux albums. Grant Hart avait ensuite pris son temps, collaborant avec les excellents Godspeed You! Black Emperor ou Arsenal, avant de sortir enfin Hot Wax en 2009. Travaillant actuellement sur un nouvel opus, il tourne pour promouvoir un best-of, Oeuvrevue, à travers une foule de dates européennes dans des petites salles.

Best-of à l'appui, Grant Hart joue longtemps des morceaux issus d'un peu toutes les époques, aussi bien les classiques comme The Girl Who Lives on Heaven Hill que des balades plus récentes. S'il est curieux de le voir interpréter les morceaux seul et de découvrir des titres bien plus pop que ce auquel on avait pu être habitué, une énergie sous-jacente indéniable circule. La lumière est apparue peu à peu, comme pour compenser l'intensité et le cynisme de certains morceaux. Soyons francs : les travaux les plus récents sont beaucoup plus convenus, les balades passent difficilement au milieu des autres, le mélange est bizarre et peu organisé. La voix est définitivement celle des abus de la jeunesse, ne parvenant pas à rester constante. Et le fantôme de Mould plane non loin. Si tourner est probablement une bonne chose pour Grant, on ne peut pas en dire autant du côté spectateur. La frustration, du fait d'un retour en live pour quelque temps, ne parvient pas à s'effacer complètement quand les chansons de Husker Dü reviennent sur la scène. Si certains morceaux du concert relèvent fortement le niveau et plongent presque en transe, le reste semble creux, un Hart fantomatique hantant la petite scène. Mais ce n'est pas tant un problème d'inspiration que de lassitude générale. La fatigue, peut-être, physique, morale. En face, on ne peut s'empêcher de se sentir las aussi, et toujours frustré quand le show reprend très fort pour retomber très bas.

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