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Le Festival des Inrocks, Jour 1 – Ebony Bones, Black Lips, Amanda Blank, Violens

C’est peut-être à cause de la crise, de la peur de la grippe A, ou tout simplement le manque d’enthousiasme du public pour les premiers groupes de ce soir. Toujours est-il que lorsque le Festival des Inrocks démarre à Lille ce premier soir vers 19h30, l’Aéronef est quasiment vide. Heureusement, il ne le sera plus en fin de concert.

C’est donc dans une ambiance relativement froide que Violens débute son set. Très vite on comprend que le show ne sera pas vraiment de la partie. Malgré la réceptivité de la petite assistance, le groupe new-yorkais ne semble pas vouloir se lâcher et on peut le comprendre. Pourtant on aimerait que ces sons mélangeant rock et new-wave (presque cold) explosent un peu plus. Mais sur scène, les Violens restent relativement stoïques. C’est à peine s’ils communiquent avec le public - qui commence pourtant à se gonfler.
Et soudain, comme si on venait de le brancher sur 240V, le groupe se met à jouer des riffs très rapides, à s’animer plus franchement sur scène, à prendre un certain plaisir. Le public applaudit, des groupies se font entendre, le vrai concert démarre enfin. Mais le temps imparti à Violens s’achève déjà. Juste le temps pour Myles Matheny (chant/guitare) de nous inviter à télécharger la mix tape gratuite sur le site du groupe et Violens se retire en backstage.

C’est alors un autre festival qui commence lorsque le DJ d’Amanda Blank démarre ses machines. La fosse, transformée en dancefloor, s’est enfin sérieusement remplie et se déhanche sur les sons électro-R’n’B balancés par un DJ irréprochable. Pourtant au bout d’une douzaine de minutes de mix, on finit par se lasser et se demander si Amanda va bien venir.
A peine le temps de se poser la question et la voilà qui entre sur scène, et pas n’importe comment : vêtue d’une cape argentée qui lui couvre tout le haut du corps, Amanda Blank cache son visage mais pas son shorty et ses interminables jambes. Dès le premier titre, on se dit que Kylie Minogue, Katy Perry ou encore Rihanna ont du souci à se faire. Car si Amanda Blank possède incontestablement une voix suave et chaude capable de balancer un flow incroyable, elle distille aussi des déhanchés et des coups de reins à faire pâlir toutes ces bimbos ! Imaginez-vous Nicole Scherzinger des Pussycat Dolls maquillée comme Amy Winehouse et féline comme Shakira et vous aurez une petite idée de qui est Amanda Blank. Et à en juger par l’émoi qu’a provoqué cette rappeuse ardente dans le public, on pourrait parier qu’elle ne va pas tarder à cartonner !
Mais même si c’est l’un de ces principaux atouts (et surtout le plus visible), il ne faut pas cantonner Amanda Blank à son physique. Si la chanteuse sait mettre le feu, c’est aussi grâce à sa musique qui fusionne à merveille l’électro, le R’n’B et des paroles assez sous-entendues : I might like you better if we slept together susurre-t-elle sur le single du même nom. En tous les cas, Amanda Blank nous assure être ravie d’être présente ce soir et de partager la scène avec les Black Lips et Ebony Bones (on la retrouvera d’ailleurs dans le public durant le reste de la soirée). Elle rit, elle jubile, elle est heureuse. A voir l’ovation qu’elle a reçue en quittant la scène, le plaisir a entièrement été partagé.

C’est une ambiance musicalement différente mais tout aussi agitée à laquelle nous convie le groupe suivant, les Black Lips. Ces Américains trimballent avec eux une solide réputation de groupe très remuant, imprévisible et presque incontrôlable. Et ce soir on ne s’attend pas à moins que ça lorsqu’ils arrivent sur scène : rien que de voir Cole Alexander (guitare/chant) débarquer avec sa casquette et sa chemise de cheminot suppose que le public aura du spectacle.
Après deux-trois titres qui démarrent tranquillement le set, Cole débute le show : il se roule par terre, crache en l’air et s’amuse à le récupérer, joue la guitare dans le dos ou avec la bouche… Et le public, totalement réceptif, en redemande ! Ces quatre garçons-là ont le sens de l’énergie, à l’image du batteur complètement déluré qui tape sur ses fûts de manière mécanique. Les titres s’enchaînent et enflamment la foule : de Oh Katrina ! à la reprise de Jacques Dutronc Hippie, Hippie, Hoorah, il n’y a que quelques morceaux un peu plus pop pour calmer l’ambiance. Pour le reste, c’est un ouragan de son indie bien crade, parfois même punk. On compare d’ailleurs les Black Lips aux Strokes, en version plus speed et plus crade. Ici, ça sent la sueur, la poussière d’un garage de répét et la bière renversée. Pas de doute : le public adore.
Et le côté complètement barré de Cole Alexander ne fait qu’augmenter le plaisir. Alors que deux groupies miaulent devant lui au premier rang, le guitariste préfère se taper un trip : il monte sur les amplis à gauche de la scène, crache sur l’ampli au-dessus de lui et… ravale ce qui en retombe ! Du grand art.
Pour clôturer ce set magistral, le titre Bad Kids emporte avec lui l’euphorie générale et les premiers pogos de la soirée. Les Black Lips sont assurément des mauvais garçons, mais c’est ce qu’on aime chez eux.

Ce premier jour de festival en terre lilloise s’achève avec la tête d’affiche de la soirée : Ebony Bones !. Et plus qu’un concert, c’est à une célébration à laquelle on assiste. Tout dans le visuel et la musique du groupe rappelle à la fois les Mayas, les Incas, les Indiens et l’Afrique. C’est tout d’abord " la famille corbeau " qui s’installe aux basses et aux percus (l’un est vêtu d’un manteau de plumes noires, l’autre a le visage maquillé de noir et le troisième porte une espèce de masque avec un long bec et des lunettes noires). Puis la saxophoniste aux couleurs flashy et le guitariste, torse nu et portant une coiffe de chef égypto-indien ; et enfin les deux choristes (la première a les cheveux bleus et la seconde les a roses), qui traversent la scène de gauche à droite en dansant avant de se poster devant leur micros. Rien que là, le mélange entre les perruques colorées des filles, le maquillage à outrance et les tenues excentriques flashy ou sombres détone. Il ne manque plus que la maîtresse de cérémonie.
Et c’est comme une furie que la chanteuse-déesse Ebony Bones (aka Ebony Thomas) arrive sur scène. Du haut de ses DocMartens skeleton et de ses collants blancs/cœurs noirs, elle remue dans tous les sens, chante, crie, danse à gauche et à droite, vient tout près du public, s’assoit au bord de la scène… Elle est intenable (toute comme son immense chevelure) mais ce n’est pas pour déplaire ! D’ailleurs les rythmes effrénés et incantatoires du groupe (We Know All About You) ont envoûté le public, déjà acquis à sa religion. Avec The Muzik, titre le plus connu d’Ebony Bones !, tout le monde se déchaîne et saute. Il y a même quelques slams.
Alors, lorsqu’après Story of St.ockwell, le groupe invite le public à le suivre sur une chorégraphie simple « to the left, to the right », la fosse entière se bouge de gauche à droite et d’avant en arrière dès que la chanteuse aux longs cils jaunes lui demande. « Plus efficace que le renforcement musculaire, Ebony Bones ! en concert » ! Le groupe entame même une reprise d’Another Brick in The Wall de Pink Floyd qui ravit les fans de rock.
Puis les « os d’ébène » se retirent et reviennent pour le sacrifice final. Après Don’t Fart On My Heart et une seconde salve de « to the left, to the right », Ebony Bones ! achève les dernières forces du public en reprenant le cultissime I Wanna Be Your Dog d’Iggy Pop. Le public est maintenant entièrement converti. Ebony Bones ! peut s'en aller coloniser d'autres salles de sa religion noire et mystique.

Après un démarrage assez difficile, ce premier soir du Festival des Inrocks s'est donc révélé très énergique et euphorique. Un réel plaisir pour les yeux et les oreilles !

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