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Les Nuits Secrètes – Jour 1 – Carl Barât, Bernard Lavilliers, Rocky, etc.

Les Nuits Secrètes fêtent cette année leurs dix ans. Dix années de concerts divers et variés en plein milieu de la petite ville d’Aulnoye-Aymeries située à quelques kilomètres de Valenciennes. Sur place, deux scènes : la Grande Scène d'abord, gratuite, qui propose de grands noms comme de "petits" groupes du monde et le Jardin ensuite, dont l'entrée est payante, avec une atmosphère plus intimiste et des groupes d’inspirations variées. A cela s’ajoute Les Parcours Secrets qui comme leur nom l’indique sont… secrets ! Un bus emmène les spectateurs jusqu’à destination pour entendre des groupes comme Villagers ou Sly Johnson. On peut aussi profiter du Drugstore pour aller voir Swingin Kitten ou Lena Deluxe, bien connue de la scène lilloise. Tout cela est très alléchant et l’organisation est bien rodée.

C’est Le Jardin qui ouvre ses portes en premier avec le groupe Rocky, formation française à l’allure et aux sons pourtant très british. Ce quatuor très efficace nous offre une musique pop aux accents sourds, de celle qui fait bouger. La voix est chaude et puissante. Le set passe à une vitesse folle et laisse un goût de trop peu. Espérons qu’ils nous reviennent bientôt et nous en dévoilent un peu plus… Peu de public en ce début de soirée, mais il faut certainement laisser un peu de temps aux travailleurs pour arriver jusqu’à nous. Le temps est assez menaçant, on sent même quelques gouttes mais la pluie semble se raviser au dernier moment pour nous laisser profiter de cette soirée.

Juste après ce groupe, sur la Grande Scène débutent BALTHAZAR, 4 gars, 1 fille, de multiples possibilités. Ces Belges nous offrent une musique pop/rock entraînante à coups de lignes énergiques et de refrains entêtants. Ils semblent un peu impressionnés, peut être le public clairsemé y est pour quelque chose, mais une fois lancés on peut difficilement les arrêter. Violons, basses et guitares se mélangent avec des accents de The Strokes et Cold War Kids. Les BALTHAZAR profitent de leur venue en France pour présenter de nouveaux morceaux. Le public finit par arriver et n’hésite pas à se masser près de la scène, appréciant ce qu’ils ont à voir.

Pendant ce temps, au jardin, Gruff Rhys commence son show. Le Gallois était membre de Super Furry Animals qui, depuis sa création en 93, nous a donné des titres pop très arrangés mâtinés d’humour. Seul, Gruff Rhys ne se départit pas de sa bonne humeur et nous offre de la pop assez excentrique et un peu folle. Le résultat est sympathique mais sans plus.

En se déplaçant, on peut apercevoir la fameuse Stéréo Car Parade, une nouveauté cette année, placée près de la Grande Scène, qui diffuse du hip/hop et de la techno pour les amateurs. Les mêmes amateurs font la queue pour monter dans une Chevrolet hors d’âge, reliée à des suspensions. L’effet semble très amusant et surtout très remuant… Peut être que si la Cadillac rutilante et très bling-bling était aussi équipée de ce procédé d’autres auraient tentés leur chance, ne serait ce que pour être immortalisés au volant…

A 20h30, un « monstre » de la chanson française se présente sur la Grande Scène : Bernard Lavilliers. Le quidam de passage connaît au moins quelques rythmes entêtants et clairement inspirés des îles et des voyages du Monsieur. Il a certes vieilli, mais la voix est restée la même, chaude, forte, grave. Et puis Monsieur Lavilliers sait très bien jouer de ses charmes. Il semble envoûter un public hétéroclite, beaucoup plus présent qu’au début de la soirée. Le style est toujours aussi étudié. Les musiciens, parmi lesquels on compte une trompette et un saxophone, font partie intégrante de la réussite du set. On sent une maîtrise et un plaisir à être là devant nous qu’il faut bien lui accorder, que l’on apprécie, ou pas, sa musique. Pour quelqu’un né dans les années 80, cela ressemble un peu à une retombée en enfance, avec des chansons entrainantes, des rythmes qui vous restent dans les oreilles parfois plus longtemps qu’on le voudrait. On aura le droit à Je cours, Pigalle la Blanche, Cause perdue, Exil … Malgré tout il est dommage que, en plus de ses chansons résolument anarchistes, l’homme entre deux, nous gratifie de son discours moralisateur... Le moment passe vite, on ne s’ennuie pas mais déjà il nous faut courir au Jardin pour la suite …

Et c’est Gablé qui entraîne son public dans un mélange folk, populaire et presque enfantin. On a l’impression d’une expérimentation sonore mais qui malgré tout fait mouche. Le trio est français mais ressemble plus à un petit groupe venu directement d’Albion. Ils viennent nous faire partager leur nouvel album "CuTe Horse CuT". A retenir : la musique si particulière de Gablé prend toute sa dimension en live.

Suite à l’annulation des Suédois de Peter Bjorn and John, c’est Carl Bârat qui se présente devant nous, toujours au jardin. On connait l’homme pour avoir fait partie de The Libertines, avec son « jumeau terrible » Pete Doherty. Le groupe a fini par splitter en 2005 suite à un énième conflit entre les deux leaders. Carl Bârat en profite pour créer son groupe Dirty Pretty Things qui nous donne le très bon Waterloo to anywhere en 2006 et Romance At Short Notice en 2008. Cependant, ils se sépareront la même année afin « de tester de nouvelles choses ». C’est ainsi que le leader présente aujourd’hui devant nous son premier album solo, appelé simplement "Carl Bârat"… Le premier rang est en admiration devant lui, garçons comme filles d’ailleurs. Les autres ne sont pas en reste, sourire en coin, essayant de ne pas paraitre trop enjoués face à la gouaille de notre ami anglais. Si Carl Barât joue des morceaux de son album éponyme, le fantôme de The Libertines plane au dessus de sa tête. Le musicien nous gratifie d’ailleurs de plusieurs de leurs chansons et joue quelques morceaux de "Waterloo to Anywhere" comme l’excellent Deadwood ou encore de l’entrainant Band Bang you’re dead. Tout s’enchaîne et on ne s’ennuie pas un seul instant. Vers la fin du set, Carl nous joue trois morceaux muni d’une unique guitare acoustique, instant particulier et quasi enchanteur. Le concert se termine sur la très belle So long my lover. Tout cela est passé très vite et on en redemanderait ! Mais il faut aussi laisser sa chance aux autres…

La Grande Scène se met aux accents soul et rythmes and blues avec le groupe The Excitements, qui nous vient de Barcelone. Les sons sont clairement influencés par la musique des années 50 et 60 où le déhanché était considéré comme une expression à part entière… Et là, niveau déhanchement le public est servi ! La chanteuse est dotée d’une belle crinière et surtout d’une jupe courte… Malheureusement, on n’entre pas vraiment dedans, le peu de distances prises avec cette musique ancienne, pourtant très appréciable, apportant peu… Beaucoup de monde suit les mouvements de la chanteuse et il serait peut être judicieux d’installer des écrans afin de permettre à ceux au fond d’en profiter...

Au jardin, Peter Hook nous emmène faire un tour du coté des 80’s avec ses reprises de "Unknown Pleasures", premier album des génies Joy Division, groupe phare de Manchester, séparé après la mort tragique de leur chanteur Ian Curtis à la genèse d’une carrière qui s’annonçait pourtant prometteuse ! Est-il utile de rappeler que Joy Division est considéré comme le précurseur de la « Cold Wave » française (les Anglais préférant le terme de « post-punk ») ? Qu’ils ont sorti 3 LP entre 1978 et 1980, "Unknown Pleasures", "Closer" et "Stil"l ? On ne peut s’empêcher d’écouter la voix sépulcrale de Ian Curtis en ayant des frissons et presque les larmes aux yeux. C’est ce frisson de plaisir et de tristesse mélangés qu’on compte bien ressentir ce soir avec Peter Hook. Hook que l’on connaît pour sa maitrise incroyable de la basse, et pour être le fondateur de la Hacienda, nightclub ultra connu dans les années 80 pendant la période « Madchester ». Et pourtant quelle déception ! Rien ne transparaît. Les morceaux s’enchaînent, la voix est fragile et le son ne suit pas. Aucune émotion, zéro, on a plus l’impression d’un copié pas collé du tout… Malgré tout le public est là, accroché à une part de rêve : pensez, pourvoir « presque voir Joy Division », pouvoir approcher une légende… Alors que l’on reconnaît difficilement les accords d’Isolation, la déception, trop grande, nous pousse vers le bar. D’ailleurs, quid des conditions de vies des festivaliers ? Un système de tickets vous permet d’acheter des boissons et des victuailles. On en trouve pour tous les goûts (chinois, thaï, gaufres et crêpes accompagnées de cidres…) Pour en revenir à ce qui nous amène tous, Peter Hook… L’homme ne dégage pas une sympathie fulgurante, balayant les photographes et adressant à peine quelques paroles. On ne peut s’empêcher de penser que son but n’est autre que faire de l’argent sur un album incroyable en dénaturant ce que furent les Joy Division dans leur jeunesse.

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