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Lucrèce Borgia au Théâtre du Nord

Lucrèce Borgia… le seul nom de cette femme fait encore frémir aujourd’hui. Personnage historique de l’Italie des XV et XVIème, elle est pourtant avant tout devenue un mythe, symbole de débauche à tout point de vue. Fille du pape Borgia, amante de son frère Jean, empoisonneuse sans pitié, où est la vérité, où est la fiction ?

Victor Hugo la place dans une situation qui lui permet de jouer des contrastes les plus violents chez cette femme. Insultée par des jeunes soldats à Venise, elle cherche à s’en venger à tout prix, ne reculant devant aucune abjection pour laver l’affront qui lui a été infligé, véritable monstre d’orgueil et de luxure. Et parmi ces soldats se trouve le jeune Gennaro, interprété avec talent par Nino Rocher. Ce jeune homme aux traits romantiques rêve de sa mère qu’il ne connaît pas, mais qu’il idéalise. On comprend très rapidement qu’il est le fils de Lucrèce, qu’elle a fait élever loin de sa maudite famille de Borgia afin de le protéger : Lucrèce révèle alors une âme pieuse, désireuse de racheter ses fautes pour mériter l’amour de son fils.

Nous voilà ainsi en plein drame romantique, Hugo nous présente un personnage partagé entre deux aspirations, changeant de visage d’une scène à l’autre, Lucrèce est insaisissable, fascinante, terrifiante par moments, touchante à d’autres ; elle est incarnée par Marina Hands, dont la performance rend compte du trouble de l’héroïne, proche de la folie à ressentir ainsi tant d’émotions contraires.

La mise en scène de Lucie Berelowitsch est troublante. Le décor est ambitieux, foisonnant : un échafaudage encadre l’espace théâtral ; il permet certes aux acteurs de jouer sur plusieurs niveaux, mais il donne un aspect brouillon à l’ensemble du décor ; la scène est saturée d’objets qui font référence à des époques variées ; nous sommes tantôt plongés dans l’Italie de la Renaissance par les tapis, tantôt ce sont les années 1970-80 qui font surface avec un vieux juke-box… On a du mal à voir de la cohérence dans tous les choix effectués, à commencer par les costumes des acteurs à la fin de la pièce : paillette, strass. Si l’ambiance carnavalesque est là, l’esthétique n’y est plus…

Une scène se démarque dans ce spectacle : la confrontation entre Lucrèce et son époux, le duc de Ferrare, joué par Pierre Devérines. Le duc pense que Gennaro est l’amant de Lucrèce et veut sa mort ; Lucrèce est prête à tout pour protéger son fils, sans toutefois trahir son secret. Tantôt séductrice à l’égard du Duc pour obtenir ce qu’elle veut, tantôt menaçante quand elle lui rappelle la mort de ses précédents maris ou l’origine des Borgia, Lucrèce est dans cette scène la parfaite héroïne d’un drame romantique. Et surprise, elle se fait dompter par le Duc, cet époux que l’on croyait sans envergure et qui se révèle aussi cruel et manipulateur qu’elle. Les acteurs ont su parfaitement mettre en valeur la violence de cette scène et la surprise du retournement de situation final.

On peut néanmoins regretter que la mort des héros, Lucrèce et Gennaro, soit si rapide et peu mise en valeur – face à une mise en scène si démesurée à l’esthétique baroque, on aurait attendu que ce moment final soit lui aussi grandiose et on peut rester déçus de la simplicité de leur mort.

Lucrèce Borgia au Théâtre du Nord
De Victor Hugo, mise en scène de Lucie Berelowitsch

A voir au Théâtre du Nord du 15 au 22 mai 2013 

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