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Marco Polo au Zénith

« Pietragalla, il faut s’accrocher et être initié… »
Ne le cachons pas, nous redoutions de faire connaissance avec ce type de spectacle. Les clichés de la culture bobo et savante persistent. Mais c’est avant tout en amoureux de La Musique que nous prenons place au cinquième rang, face à l’immense rideau noir. Derrière, les danseurs s’échauffent, leurs pointes de pieds se profilent. L’atmosphère est douce, il règne un grand silence en salle. Le Zénith est bien plus souvent habitué aux cris et à la confusion. Cette sérénité apaise.
Dame Pietragalla arrive côté cour pour quelques minutes d’ultimes répétitions. Les danseurs se déplacent au jardin. Voile encore tendu, tous les regards convergent vers de simples voutes plantaires. Étonnant. Intriguant, même.

Le Zenith est plongé dans l’obscurité. Silence. Un autre monde s’ouvre à nous.
Marco Polo, interprété par Julien Derouault est seul sur les planches, devant un immense écran. Les premières minutes effraient. Décontenancés, il faut faire l’effort de pénétrer dans ce nouvel univers. La vidéo projection façon manga est un premier point d’ancrage. La musique, universelle, un second. Après, tout n’est que question de sensation, d’appréciation d’un travail sur le corps étonnant. Le danseur contemporain se meut de façon désarticulée, devant son propre reflet animé. La tension est palpable. Il se dégage déjà quelque chose de profondément viscéral.

Marie Claude Pietragalla (peu souvent sur scène, sachez-le) illumine alors Marco Polo de sa présence céleste. Est-elle muse, guide ? La Dame Blanche serait-elle un rêve, un souvenir ? Autant de questions qui invitent la poésie au cœur d’un spectacle –d-étonnant. La mixité entre la danse classique et le hip hop pouvait faire frémir les puristes. Les profanes se délectent de ce mélange des genres. Lorsque Prodigy et Chemical Brothers résonnent, on ressent à quel point le projet semblait casse gueule pour certains. Le choc entre les deux cultures saute aux yeux. La danse est moins élégante, plus bestiale. La mise en lumière, auparavant glaciale se veut chaude et tortueuse. Pietragalla semble avoir trouvé la juste limite entre le spectacle difficile d’accès (Marco Polo n’est cependant jamais hermétique) et grand public (sans jamais tomber dans la facilité populiste).

N’y voyez pas quelconque concession de la danseuse étoile. De véritables fulgurances de mise en scène ressortent de ce Marco Polo (le tableau majestueux de la caravelle, par exemple). Une séquence complète de robotique et des battles de danse surprennent l’assistance. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut voir un sidewalk aussi léché sur une scène de Pietragalla…
Marco Polo puise aussi dans l’imagerie d’Orange Mécanique dans cette exploration violente du corps humain. Fritz Lang et son Metropolis s’invitent même parfois sur scène.

Marie Claude Pietragalla remet à l’honneur la question du Beau. Dans un dernier tableau d’une poésie bouleversante, Marco Polo embrasse cette interrogation à bras le corps. Voir tournoyer ces deux corps sous un nuage de pétales blanches à de quoi faire palpiter même le plus noir des cœurs. Tout simplement magique.
 

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