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Mi Ami à la Péniche

Encore une fois, la Péniche défriche et déniche. Ce 1er juin 2010, la salle de spectacle la plus originale de la région lilloise convie les peu connus Mi Ami qui, s'ils sont effectivement américains, n'entretiennent aucun rapport avec la Flo Ride et la ville pleine de vices de Sonny Crockett et Ricardo Tubbs. C'est du côté de San Francisco qu'il faut rechercher leurs attaches. Ville connue pour avoir vu émerger la Beat Generation (Jack Kérouac, Gary Snyder...), avoir abrité les plus brillants représentants musicaux du Flower Power (Grateful Dead, Jefferson Airplane, Big Brother And Holding Company...) et pour sa scène Hip Hop actuelle (Blackalicious, Lyrics Born, Bluebird, le label Anticon...).

 

Mais les membres de Mi Ami n'ont pas de rapports avec les B-Boys de la Bay et n'ont rien de hippies (même si leur second album, Steal Your Face, emprunte son nom à un album de la bande de Jerry Garcia). Ou alors des hippies du 21e siècle car à l'écoute du psychédélisme psychotique de leur musique cela ne nous étonnerait pas qu'ils prennent des substances interdites, les gaillards! En fait, c'est plutôt avec une autre spécificité de la ville californienne que ces san-franciscains entretiennent des liens étroits: les tremblements de terre. Car leur musique est un véritable séisme sonore empêchant les spectateurs présents à La Péniche Du Pianiste ce soir-là de s'imaginer dans un pépère épisode de L'Homme De Picardie.

Respectant à la lettre la sainte trinité du rock-band, un bassiste (le barbu Jacob Long), un batteur (Damon Palermo) et un guitariste-chanteur (Daniel Marin McCormick), Mi Ami s'amuse néanmoins, sur disque comme sur scène, à déconstruire les standards de la pop, du rock voire du funk et de l'afro-beat pour les remodeler de manière vicelarde. A l'image de cette photo de Bob Marley illustrant leur dernier album, déchirée, rayée, lacérée et recollée de telle manière que le King des Rastafaris se voit défiguré et transformé en vampire à quatre yeux. Véritables Docteurs Frankenstein, ils créent une musique qui a la beauté morbide des Freaks, fascinante d'anormalité comme cette femme à trois seins dans le film Total Recall de Paul Verhoeven.

Difficilement définissable, la musique de Mi Ami, aussi excitante soit-elle, risque de voir de nombreux chroniqueurs et critiques se casser les dents sur elle. Juste peut-on dire qu'elle n'est pas sans rappeler la musique des !!! (tout particulièrement leur morceau très pipi-caca « Shit Sheisse Merde ») ou des délirants belges d' I Love Sarah mais en plus bruitiste et extrême. Sur scène, Daniel Martin McCormick s'empare du micro comme un gamin, graine de serial-killer, échappé de l'asile où l'ont abandonné ses parents, trop ravi de pouvoir enfin déballer les horribles idées qui lui trottent dans la tête à la face du monde. La justesse du chant et l'audibilité des paroles lui importent peu. Seule compte la volonté de faire sonner sa voix de la manière la plus sauvage et authentique qui soit. De la faire fondre le plus naturellement possible dans le magma froidement incandescent des compositions du groupe. Haletant, gémissant, suffocant, dégueulant symboliquement ses tripes, le chant furieux de Daniel fait écho aux saturations électriques de sa guitare, aux rythmes épileptiques de la batterie et à la basse trippante de Jacob. Pourvu d'une barbe de messie, il joue de la quatre cordes comme un évangéliste utilise les saintes écritures. Pour à la fois nous guider vers la lumière et nous embrouiller l'esprit. Ronde, imperturbable, enfumée, amicalement agressive, presque dubisante, elle est la colonne vertébrale fracturée autour de laquelle se développe le corps mutant de Mi Ami. En résulte une musique envoutante, ensorcelante telle une danse vaudou, utilisant subtilement l'art de la répétition pour faire entrer l'auditoire en transe et en manipuler certains comme de vulgaires poupées désarticulées, ravies d'être ainsi maltraitées.

Une expérience? Une Twilight Zone musicale? Une sodomie cérébrale qui rebute aux premiers attouchements mais qui comble de plaisir quand on s'abandonne? Un moment psychotrope? Une montée? Une descente? Un bad trip? Un good trip? Rarement groupe aura profondément autant marqué les esprits. Par leur refus du conformisme, Mi Ami, camarades pervers refusant de faire les choses à moitié, s'imposent comme des précurseurs et un groupe, qui à l'instar de Joy Division ou Suicide dans le passé, fait entrer la musique dans le futur.

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