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Miossec + Fiodor Dream Dog au Splendid

« C'est pas fini. On vient à peine de commencer. » laisse entendre Miossec de sa voix brute sur son dernier album, Ici-Bas, Ici Même. Un couplet presque incongru dans une bouche plutôt encline à chanter le déclin des sentiments, l'usure du temps et la rupture.

Mais à presque 50 ans, amoché par une maladie qui a manqué de le foutre par terre, l'artiste est arrivé à un moment charnière de son existence. Le poussant à souffler sur les braises pour ne pas se reposer sur son riche fond de commerce. 20 ans de carrière et une irrésistible envie d'aller de l'avant, de prendre des risques et d'explorer de nouvelle voies. Ici-Bas, Ici Même rompt ainsi avec l'électricité et la tension du précédent album. Un disque sans artifice où le Breton a fait le choix de laisser respirer sa musique. Une oeuvre certes toujours mélancolique mais traversée d'un nouveau souffle. Celui de la délicatesse.

Une démarche artistique payante. Le Splendid fait salle comble. Des fans de la première heure. Mais aussi, agréable surprise, beaucoup de jeunes visages. Qui lors de la sortie du premier album, Boire, en 1995 n'en étaient sûrement qu'au petit lait. Sans suivre les modes, en traçant son propre chemin, Miossec a su toucher une nouvelle génération. La marque des plus grands.

En première partie, Fiodor And The Dream Dog. Un patronyme derrière lequel se cache en fait une seule personne, Tatiana Mladenovitch, qui, tout de noir vêtue semble porter le poids du monde tout entier sur les épaules. Une posture dépressive et caricaturale qui en devient presque risible. Voix plaintive, mélodies de guitare neurasthéniques, jeu de scène autistique, mal-être digne d'une adolescente acnéique, on subit plus que l'on apprécie.

C'est de manière très posée que Miossec et ses musiciens entrent sur scène. Très classe également. Chacun est sur son 31. Une élégance en correspondance avec le raffinement du dernier album. Et marquant une réelle cassure avec la précédente tournée, beaucoup plus Rock et rentre-dedans. Dans un souci d'accentuer ce virage, de faire les choses différemment, le chanteur est allé chercher de nouveaux compagnons de route. Qui ne se connaissaient pas et n'avaient jamais foulé les mêmes planches que le finistérien. Un pari réussi. Car c'est une belle alchimie, humaine et artistique, qui s'opère sur scène. Il est des sourires, des regards, des gestes qui ne trompent pas. On devine que cette tournée est une énorme source de plaisir.

Accroché à son micro, Miossec est en état de grâce. On ne l'a jamais vu aussi serein, épanoui. La voix est claire, limpide. Les mots se posent avec finesse sur les mélodies. En épurant ses nouveaux textes de tout maniérisme, en jouant la carte de la retenue, le chanteur acquiert une justesse presque inédite chez lui. En chantant moins, il se retrouve en fait à chanter plus. D'une voix qui porte en elle des blessures, des fêlures, la marque du temps mais aussi un appétit de vivre, une certaine jubilation. Miossec s'affranchit en beauté de l'image d'écorché vif trimballée bien malgré lui. Il tire un trait sur le passé. Privilégie le dernier disque et ne fait que de rares retours sur les plus anciens. Comme en écho aux paroles du récent « A L'Attaque »: « Il y a une vie avant/Y a-t-il une vie après? Moi c'est la vie pendant que je veux me taper/J'y tiens tellement ».

Derrière lui, les musiciens sont au diapason. Cinq multi-instumentalistes de talent qui méritent amplement d'être nommés: Hugo Cechosz à la basse et à la contrebasse, Florent Savigny à la batterie, Vincent David à la guitare, Valentine Duteil aux claviers et au violoncelle et Nathalie Réaux aux claviers et aux percussions. Une formation mouvante qui en permutant, en changeant d'instruments réussit à donner plus de force aux compositions d' Ici-Bas, Ici Même. Des morceaux de bravoure, transcendés par des arrangements sophistiqués et puissants, tout en crescendo. Sur lesquels viennent se greffer des choeurs impressionnants, soulignant au plus près le verbe du chanteur pour le mettre en résonance. Comme sur le fabuleux et bouleversant « A nos morts » à la dimension céleste.

Aimant l'art du contre-pied, Miossec s'amuse avec malice à revisiter quelques rares classiques (l'emblématique « La Fidélité », « La Facture d'électricité », « Le Défroqué »). A leur donner de nouvelles formes. Au risque de les cabosser. « A Montparnasse » n'a jamais sonné aussi électrique. Mais en créant toujours la surprise. Particulièrement sur « Que Devient ton poing quand tu tends les doigts » qui, dans une version minimaliste et percussive, retrouve un nouvel éclat. Ou « Les Bières aujourd'hui s'ouvrent manuellement ». Interprétée seul à la guitare, pour les rappels. Une relecture squelettique qui accentue paradoxalement l'aspect enragé de ce morceau phare.

En continuant de surprendre et d'émouvoir, Miossec confirme qu'il est un artiste de grand cru. De ceux qui ne cessent de se bonifier avec l'âge. Et avec qui on a plaisir à prendre de la bouteille. Vivement la prochaine!

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