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Plan B au Splendid – Ground Zero

Un hold-up. Il n'y a pas d'autres mots pour décrire l'album The Defamation Of Strickland Banks de Plan B. Mais un hold-up de toute beauté. Quatre ans après son excellent Who Need Actions When You Got Words, album de Hip Hop où tel un Eminem anglais il narrait l'Angleterre des bas-fonds avec des histoire de drogue, de racket, de viol, de bastons de pub, Ben Drew récidive avec un second album, où, avec l'assurance des braqueurs de banques chevronnés, il pille l'héritage de la Motown à grands renforts de guitares wah wah, de choeurs luxuriants, de cuivres fiévreux, d'arrangements de cordes précieux... Un album avec lequel il s'impose, alors que personne ne s'attendait à cette reconversion, comme un soul-man de talent et réhabilite, à sa façon, la Nothern Soul. Et à l'image d'Amy Winehouse, coupable également avec Back To Black d'une attaque en règle sur la Black Music, Ben Drew plonge dans la musique noire pour y faire ressortir les aspects les plus sombres de l'âme humaine à travers un concept-album racontant la déchéance et la descente aux enfers d'un chanteur, Strickland Banks donc, accusé à tort de viol par une groupie désaxée (qui a dit pléonasme?).

Bénéficiant du succès du single « She Said » et ayant volé la première place des hit-parades en Angleterre dès la sortie de l'album (aujourd'hui disque de platine outre-manche), on pouvait s'attendre à ce que Plan B, en ce soir du 17 novembre 2010 au Splendid, attire une foule conséquente. Mais nul n'est prophète hors des frontières de son pays et la salle n'est qu'à moitié remplie.

21H. Les lumières s'éteignent. Un grand gaillard en costume entre sur scène et surprend son monde. Alors qu'un concert de Soul traditionnel débute généralement par l'intervention d'un des membres du groupe faisant office de maître loyal et introduisant le chanteur et les musiciens à l'aide d'une grande quantité de superlatifs pour faire monter la pression, l'homme qui fait face à l'assistance se présente comme un human beat boxer du nom de Faith SFX et balance, en guise de générique d'introduction, une performance vocale de haute volée, réinterprétant, entre autres, la bande originale du Parrain ou le tube dance « I Like To Move It » en produisant, de manière bluffante, plusieurs sons (lignes de violon, percussions, scratch...) simultanément. Une introduction inattendue qui rappelle les racines Hip Hop de Ben Drew.

Mais c'est très classiquement, après que ses musiciens (deux guitaristes, un bassiste, un clavier, un batteur et deux choristes) soient montés sur scène, que Ben Drew fait son apparition entamant « Writing's On The Wall » avec une voix de falsetto qui semble s'être trompé de corps. L'imagerie Soul est parfaitement reproduite avec lumières tamisées, musiciens en costard-cravate et présence de deux choristes blacks aux formes plus que généreuses. Cette fidélité scrupuleuse aux codes de la musique noire américaine empêche d'ailleurs, au début du set, le concert de réellement décoller. Les titres qui suivent (« Free », « Prayin », « Love Goes Down »), s'ils sont parfaitement maîtrisés pour leur passage sur scène, sont joués de manière trop scolaire, trop appliquée pour créer de la magie. Ben Drew semble alors être trop à l'étroit dans le costume Soul qu'il a décidé de désormais revêtir, de ne pas y être totalement à l'aise. De plus, le public (une fois n'est pas coutume à Lille) se montre très froid, peu motivé pour se déhancher et taper des mains. Hormis deux gus, aux premiers rangs, décidés, eux, à en venir, aux mains. Bagarre interrompue très vite par les videurs du Splendid. Dommage pourrait-on presque dire, cela aurait ajouté une petite touche anglaise à l'atmosphère et rappeler certaines scènes de concert du film The Commitments d'Alan Parker, magnifique hommage à la Nothern Soul où l'on voit des prolos irlandais tenter de monter leur propre groupe et écumer les bars.

Heureusement, très vite, le concert va monter en puissance. Respectant ainsi, en fait, la construction de l'album, calme et languissant lors de son ouverture et se faisant de plus en plus hargneux au fil des morceaux, lorsque que la colère et le découragement de l'alter ego créé par le chanteur prennent le dessus. Sur « Welcome to Hell », « The Recluse », « Traded In My Cigarettes », les guitares s'emballent violemment, la basse s'agite fiévreusement et le martèlement désormais frénétique de la batterie renvoie aux coups endurés par le chanteur déchu. Dans un souci d'adéquation entre les textes, les thèmes abordés (la brutalité policière, la prison, l'injustice) et la musique, Ben Drew retrouve ses instincts de Bad Boy et de soliloquiste amenant de l'urgence et de la modernité dans sa Soul Music qui, ainsi maltraitée, en ressort grandie et magnifiée. Ce qui ne vous tue pas, vous rend plus fort disait Nietzsche...

Finalement, c'est lorsque Ben Drew fait preuve de schizophrénie musicale, hésitant entre classicisme Soul et sonorités Hip Hop contemporaines qu'il se montre le plus à son aise. Schizophrénie que l'on retrouve dans son tube, classique instantané, « She Said », repris évidemment par le public, et dans ce final, complètement fou et innovant, où le groupe, rejoint par Faith SFX, mêle classiques de la Motown (« My Girl » des Temptations, « Stand By Me » de Ben E. King, « The Track Of My Tears » de Smokey Robinson & The Miracles) à des sonorités Dub Step et au surprenant « Alors On Danse » de Stromae. Règne à ce moment l'impression de voir naître une Soul mutante et futuriste diablement excitante que l'on espère retrouver dans les prochains essais de l'artiste.

Une chose est sûre, dans tous les cas, c'est que l'on peut dire, le cigare au coin des lèvres, que la carrière de Plan B semble bien partie pour se dérouler sans accroc.

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