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Récit de la servante Zerline au théâtre du Nord

Ouverture de rideau. Une pièce, de toute évidence une ancienne chambre de bonne. Sur la droite, un vieux lit en ferraille défait ; dessous une valise. Sur le côté, une étagère vide. Au centre du décor, une petite lucarne basse. A gauche, un vieux fauteuil, deux tabourets de part et d’autre d’une table sur laquelle repose négligemment un miroir. Le cadre est très réaliste, cela sent la sombre misère. La pauvreté du lieu est accentuée par un immense trou au plafond, qui, paradoxalement, est en même temps la plus grande source de lumière dans ce décor entre gris et marron.

C’est dans ce lieu que va évoluer Zerline, une femme de chambre qui confiera son histoire au locataire du lieu (une utilité théâtrale qui parle peu et qui permet de justifier le monologue de Zerline) ; c’est toute l’histoire de la famille qu’elle sert qui s’écoule en 1h30, dans toute sa dure réalité. Cela commence avec « la bâtarde », « l’enfant » de sa maîtresse, mais tous y passent, la baronne, sa mère la Générale et son mari – président du tribunal… Zerline examine sans pitié les relations de cette famille, livrant au spectateur toute son expérience de femme de chambre, espionne à ses heures perdues. Puis, c’est sa propre histoire que Zerline raconte, quand elle se mêle à l’histoire de ses patrons. Elle nous raconte, non pas une histoire d’amour, elle refuse ce terme, mais une histoire de désirs. Cette femme plonge au plus profond d’elle-même et expose sans honte ses pensées les plus intimes, aussi sombres soient-elles, aussi contradictoires soient-elles. C’est la réalité d’un corps et de ses envies. Ce sont les espoirs et les déceptions d’une femme de chambre, d’une nourrice. C’est la jalousie de l’amante. C’est une femme. Une femme âgée qui revient sur « l’inoubliable », une femme qui refuse d’oublier cette passion qui s’est emparée d’elle.

Le texte de Hermann Broch est magnifique, interprété avec justesse par Marilu Marini, dont l’accent est lui aussi un charme qui ajoute à la poésie des mots. La mise en scène est sobre et efficace. On peut regretter que ce spectacle soit si souvent joué dans la pénombre ; certes, c’est un effet de sens que l’on comprend dans le spectacle ; toutefois, la pièce étant déjà un monologue, cette pénombre qui s’installe longuement ne permet pas de dynamiser le spectacle.

Une performance de qualité au service d’un texte puissant et très évocateur. A voir du 8 au 16 décembre au Théâtre du Nord, grande salle.
 

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