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Réquisitoire – Le plancher de Jean à la Maison de la Photographie

Une oeuvre émouvante servie par une histoire émouvante...

Le plancher de Jean a été découvert par une antiquaire en 1993, soit 20 ans après la mort de ce dernier. Choc humain et esthétique, elle le montre à son père psychiatre qui y reconnaît tout de suite l'oeuvre d'une schizophrénie aiguë. Psychiatre fasciné par l'Art brut, le docteur Guy Roux a été confronté plus jeune à la schizophrénie, son amour de jeunesse ayant sombré peu à peu dans cette maladie lente et dont les causes sont encore méconnues. Il sera le premier à décrypter ces écrits.

Jean a gravé ses hallucinations, ses angoisses et son délire de persécution dans le bois du plancher de sa chambre de 16m2. On ne sait pas exactement combien de temps il a mis pour recouvrir le sol de ses maux. Selon Martin d'Orgeval, il aurait sombré à la mort de sa mère, 5 mois avant sa propre mort d'inanition.

Le plancher apparaît alors comme une forme de réquisitoire féroce contre la religion. Il emploie un champ lexical fort qui mélange violence, culpabilité, guerre, mort, paranoïa. Le photographe explique que Jean était persuadé que l'antenne téléphonique qu'il voit de sa fenêtre est une installation de l'Eglise érigée pour contrôler son cerveau et le surveiller. Plusieurs fois dans ces mots, il utilisera le terme de « machine électronique » pour évoquer ce délire paranoïaque. La vie de Jean est caractérisée par Martin d'Orgeval comme une « lente dérive » et ce témoignage de souffrance comme un « dernier cri ».

Malgré la dureté de la méthode employée, le dessin des lettres témoigne d'une recherche esthétique consciente ou inconsciente de la part de Jean. L'unique initiative de graver le sol plutôt que de remplir les pages d'un cahier et le caractère unique de l'oeuvre montrent qu'il y a une volonté de la part du malade de marquer son passage. (les schizophrènes créent une multitude d'oeuvre or, ici Le plancher de Jean est une oeuvre unique)

Martin d'Orgeval connait tous les détails sur ce plancher, l'histoire de Jean, de sa vie de sa maladie. Lorsqu'il parle de son exposition, de ses photos, il transmet son admiration pour cette oeuvre décalée d'Art brut et sa "compassion" pour cet homme malade. Presque gêné, il explique le paradoxe entre le malaise ressenti face à ce réquisitoire et l'admiration de cette souffrance, la dimension esthétique et usuelle de ce plancher. Il avoue aimer les oeuvres inachevées où il reste toujours un mystère, une aura.

Malgré la neutralité des angles et l'éclairage naturel, le photographe arrive tout de même à emmener l'oeil sur des bouts de phrases et certains passages du délire de Jean.

Cette exposition est complétée par une installation sonore perturbante mais qui se révèle très utile pour entrer dans la tête et l'univers de Jean. Une pièce confinée accueille un bureau sous une ampoule suspendue de faible intensité entourée d'une vingtaine de petites enceintes posées sur le sol. Pascal Gregory, ami du photographe, murmure les « maux » de Jean sur une quinzaine d'enregistrement qui se synchronisent et se désynchronisent alternant passages compréhensifs et brouhaha angoissant de mots.

L'artiste tiendra une conférence le 6 mars à 17h30, le vernissage aura lieu ce même jour à partir de 19h. L'exposition est visible les samedi et dimanche de 11h à 18h du 6 mars au 20 avril 2008. (Possibilité de visites sur rendez-vous en semaine) - voir la fiche sur l'exposition

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