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Rjd2 & Dleek à l’Aéronef

Le turntablism, mouvement artistique désignant l'art de créer de la musique grâce aux platines vinyles, échantillonneurs et samplers, est à l'honneur ce soir à l'Aéronef avec la venue de l'américain RJD2, Ramble John Krohn dans le civil, en tournée à l'occasion de la sortie de son nouvel album, The Colossus. Et comme à chacune des soirées consacrées à ce genre musical, le public est hétéroclite. On y retrouve, entre autres, des Clubbers, reconnaissables à leur t-shirt moulant et flashy, à leurs baskets colorées, toujours prêts à faire fondre la semelle de celles-ci; des amateurs de Hip Hop, particulièrement de Abstract Hip-Hop, avides de scratches, intransigeants sur la technique employée par le DJ, capables de crier leur contentement avec ferveur si celui-ci fait preuve de virtuosité ou, au contraire, de le huer avec violence en cas d'insatisfaction devant une prestation jugée décevante; des Geeks musicaux, portant barbe et bonnet, écoutant religieusement, les yeux fermés, le set, cherchant à reconnaître le moindre sample employé, à en définir sa source... Une véritable fosse aux lions.

 

Le DJ lillois, Dleek, est le premier à l'affronter. Activiste reconnu de la scène Hip Hop régionale, il s'est particulièrement fait remarquer en animant avec brio diverses Battles de Breakdance dans le Nord – Pas-de-Calais. Véritable trip mental, sa prestation débutera par des nappes atmosphériques et hypnotiques que ne renierait pas Flying Lotus. Nous invitant, avec sa musique, à visualiser un road movie imaginaire, il déclinera, pendant une heure, diverses sonorités, ignorant les frontières musicales, en nous faisant traverser d'éclatants passages Electro Hip-Hop, d'autres plus Electronica, en passant par quelques bouffées d'oxygène jazzies, des ambiances Soul en déterrant quelques pépites méconnues. Un set de toute beauté, exigeant, cultivé où Dleek montre, par sa technique irréprochable et sa maîtrise des platines qu'il est un artiste à suivre.

Dleek n'a pas encore fini que RJD2 apparaît sur scène et commence à installer son matériel. Cette apparition impromptue, que l'on peut juger irrespectueuse pour l'artiste lillois, laisse place, très vite, à une autre impression, encore plus désagréable, quand l'américain débute son set. Le sentiment d'être floué. En effet, ce soir, à Lille, RJD2 sera seul sur scène avec ses platines et ses machines. Alors qu'aux États-Unis, on a pu le voir, à l'occasion de cette tournée, être accompagné d'un batteur, d'un bassiste et d'un claviériste, apportant ainsi une touche organique des plus intéressantes à ses compostions. Les auraient-ils oublier dans ses bagages?

De plus, contrairement encore à la tournée américaine, aucune installation vidéo n'est présente sur scène. Et une soirée turntablism sans illustration visuelle, c'est comme un steak sans moutarde, comme un concert de reggae sans fumeurs de joints, comme une femme sans crises de nerfs... Il manque quelque chose au paysage. L'ingénieur lumière de l'Aéronef essaiera tant bien que mal de créer une ambiance avec les moyens du bord mais les effets, par leur manque d'intensité et d'esthétisme, paraîtront bien trop limités.

Ne reste donc que le set du DJ américain à se mettre sous la dent. Et alors que sur disque, il se révèle passionnant car mélangeant sonorités Electro, Hip Hop, Soul, adoptant de plus en plus une attitude Pop (il s'est mis au chant depuis l'album The Third Hand), ce qui a pu décontenancer ses fans de la première heure, il décevra et livrera, ici, une prestation des plus médiocres ne contentant que les Clubbers les moins exigeants. Sa prestation, en fait, ne se résumera qu'à un pâle megamix de ses titres phares ("The Horror", par exemple) vite expédiés, joués tels que sur album et quand réarrangement il y a, c'est pour desservir le morceau à l'image de ce "Shining Path", véritable perle Soul présente sur le dernier album et ressemblant ce soir à un triste morceau d'euro-dance italienne. Et, de nouveau contrairement à la tournée américaine, il n'interprètera aucune chanson et ne s'accompagnera pas à la guitare...

On pourrait dire qu'un concert de DJ n'a rien d'intéressant en soi, qu'un type rivé derrière des machines n'a rien d'excitant au départ. Ce serait oublier que des artistes tels que DJ Shadow, Wax Tailor ou Birdy Nam Nam, issus de la même famille musicale, sont réellement passionnants sur scène car adoptant une attitude issue du Rock, invectivant le public, présentant leurs morceaux, expliquant le fonctionnement de leurs machines, sachant mettre le feu au public par leur charisme et en mettant plein les yeux avec leur visuel. RJD2, malheureusement, a le charisme d'une crevette et ne fait rien pour enflammer l'assistance. Il ne s'adressera que très rarement au public et l'ambiance s'en ressentira. On sera loin de l'ambiance que l'on peut vivre lors d'un concert des artistes cités auparavant. Une véritable liesse ne se fera ressentir que sur "Let The Good Times Roll". Dommage, ce sera le dernier morceau de la soirée.

Énorme déception donc. On a l'impression que RJD2, lors de sa tournée européenne, est simplement venu en touriste américain, laissant au pays tout ce qui pouvait faire le charme de sa nouvelle tournée. Par contre, on remarquera qu'il n'a pas oublié d'alourdir ses bagages avec son merchandising, renforçant encore plus la colère que l'on pouvait ressentir.

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