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Robert Francis + H Burns au Splendid

On a tous connu ce genre de mec au lycée. Beau gosse, les cheveux longs, un sourire désarmant, toujours super bien looké, un peu rebelle, bourré d'humour, faisant craquer les filles qui nous faisait fantasmer la nuit mais qu'on n'aurait jamais osé aborder en sortant sa guitare à la moindre occasion, à la moindre soirée et en poussant la chansonnette. Derrière nos boutons d'acné, on rêvait de le renverser avec notre mobylette, d'avoir les muscles et le courage pour lui rabattre son petit caquet et l'humilier devant tout le monde. Robert Francis est ce genre de mec. Belle gueule, physique d'écorché vif, attitude Rock N'Roll, chanteur, guitariste... Mais le plus énervant est qu'il a du talent le bougre (y a pas de justice !). On avait déjà pu s'en rendre compte au concert du John Butler Trio le 1er mai 2010 au Zénith alors qu'il n'assurait que la première partie. Ce soir, alors qu'on lui avait prédit un bel avenir à l'occasion de cette date, c'est en vedette qu'il investit la salle du Splendid qui affiche complet. Et bien évidemment, le public féminin est fortement présent. Énervant, on vous dit !

H. Burns, qui assure la première partie, n'est pas non plus dénué de talent. Et de courage également. Car c'est seulement armé de sa guitare acoustique que ce songwriter français défend son répertoire naviguant entre Folk et Blues. Une invitation vers de grands espaces où planent les ombres tutélaires de Bob Dylan, Leonard Cohen ou Johnny Cash. Un héritage lourd à porter dont H. Burns arrive à se défaire grâce à la solidité de son écriture et de ses mélodies. Ses balades rugueuses mais au grain délicat ont la beauté des voyages solitaires sur des routes désertes, des rencontres fortuites qu'ils peuvent entraîner et du sentiment de liberté qui en découle. Les chansons, extrêmement graphiques, se suivent tel un panorama et la voix habitée du chanteur réussit à faire communiquer au public diverses émotions et sensations... H. Burns use du Folk de manière brute et naturelle afin de créer un univers qui lui est propre, porteur de valeurs et de sentiments intimes. Et démontre que cette musique est indémodable et universelle, qu'elle n'appartient pas qu'au patrimoine musical américain.

Quand Robert Francis monte sur scène, on sent bien, par contre, dans le public que des spectatrices aimeraient le voir leur appartenir. Les « Robert, Robert !!! » fusent, les yeux se remplissent d'étoiles et certaines doivent même s'imaginer porter les bébés du Bebert. On s'attend presque à ce que des culottes et des soutien-gorges soient lancés en direction de l'artiste. Le cauchemar! Pour un peu, on se croirait à un concert de Patrick Bruel à sa grande époque. Agaçant. Car Robert Francis vaut beaucoup plus que cette image de chanteur pour minettes. Il est avant tout un formidable chanteur et guitariste dont les compositions à fleur de peau alliant Folk, Country, Blues et Rock le placent en chantre de l'Americana et en fait le fils spirituel de John Cougar Mellencamp, Tom Petty voire Bruce Springsteen (période Darkness Of The Edge Of Town). Il partage avec eux, à travers ses chansons, de nombreuses thématiques: la désillusion vis-à-vis du rêve américain, l'errance, la recherche d'un ailleurs et la difficulté d'aimer.

Ce soir, il défend en toute simplicité, accompagné d'un band irréprochable et aux sonorités délicieusement américaines, ses deux albums, le confidentiel One by One et Before Nightfall, au succès beaucoup plus large, bénéficiant du buzz du single « Junebug ». Un succès inespéré, surprenant et réjouissant car loin des goûts du public actuel. Et du haut de ses 23 ans, Robert Francis fait déjà preuve d'un réel charisme et d'une présence indéniable sur scène. Celui qui espère que le public se sente heureux en écoutant ses chansons réussit parfaitement son pari. Les spectateurs sont conquis par les versions retravaillées, et généralement plus nerveuses, de ses chansons (« Darkness », « Nightfall », « Climb A Mountain », « Mescaline », « Keep On Running »...). Des chansons écrites après une histoire d'amour douloureuse mais chargées d'espoir, d'optimisme, ayant la force de ceux qui savent se relever devant les épreuves  et dans lesquelles tout le monde peut se retrouver.

Généreux et communicatif, Robert Francis prend le temps de parler au public, de présenter ses chansons, indiquant que « Little Girl » qu'il joue seul à l'acoustique est le premier morceau qu'il ait jamais composé, que « Junebug » a été écrite lors d'une période très noire pour lui, explique pourquoi ce soir il ne boit que de l'eau alors que d'habitude il est plutôt « Red wine or whisky » (des médicaments pris au matin en raison d'une mauvaise crève l'ont quelque peu déboussolé et il préférait éviter un mélange fâcheux). A l'occasion du morceau « One By One », il fait intervenir une invitée surprise pour venir chanter en duo avec lui et qui n'est autre que sa soeur Julia qui, pour la petite histoire, a pour beau-père, une autre grande figure de l'Americana, le guitariste Ry Cooder. C'est d'ailleurs lui qui donnera à Robert sa première guitare à l'âge de 9 ans et ses premières leçons. On a connu pire parrainage dans la vie! Il n'est donc pas étonnant que le chanteur (qui a également reçu des cours de John Frusciante, guitariste des Red Hot Chili Peppers) se montre aussi habile à la six-cordes avec des solos hargneux et renforçant de manière intelligente l'émotivité de ses chansons.

Au risque de se répéter, Robert Francis a vraiment dans les mains toutes les cartes pour devenir une star (un songwriting inspiré, des mélodies sensibles, une voix magnifique, porteuse d'émotions) et un grand de la musique américaine. Espérons juste pour lui que sa belle gueule ne vienne pas ternir son image...

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