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Shannon Wright & Minsurar à l’Aéronef

Shannon Wright est notamment connue en France pour sa collaboration avec Yann Tiersen en 2004, où se sont rencontrés deux univers uniques : La sensibilité des ballades sombres du compositeur se mêlait à merveille avec la voix si particulière de la chanteuse, d'une émotion à fleur de peau. Néanmoins, ceux qui sont familiers avec les œuvres de Shannon Wright savent que ce doux côté fragile n'est qu'une des nombreuses facettes de l'artiste, qui nous les a dévoilées lors de son concert mercredi soir à l'Aéronef.

La première partie du concert est assurée par Minsurar, dont le style difficile à définir pourrait s'apparenter à une sorte de Folk-Jazzy minimaliste. Sur la petite scène intimiste du club, Olivier Valoy accompagne de sa guitare blues la voix si particulière de Sophie Patricia Thibaud, aux ballades épurées et langoureuses, tantôt sombres, tantôt enfantines. L'originalité du genre provient d'une forte influence des pays de l'Est, où la chanteuse a développé sa voix à la façon du folklore traditionnel bulgare, lui rendant hommage dans une poignante reprise de « Gotham lullaby ». Certains reprocheront à l'artiste son style trop étroit et la redondance de ses morceaux, pour ma part j'y ai découvert un genre assez indéfinissable, mais définitivement prometteur. Peut-être faut-il simplement laisser à la chanteuse le temps de développer la variété de son répertoire, sa voix en ayant déjà tout le potentiel, ainsi que d'ajuster son jeu de scène un peu trop forcé, rendant tort à l'ambiance de ses morceaux qui mériteraient un peu plus de retenue.

Achevant sa performance sous les applaudissements d'un public apparemment conquis par cette première partie, Minsurar cède la place à Shannon Wright et ses musiciens. C'est ainsi que sans introduction, la chanteuse se lance dans des morceaux brutaux, vifs, colériques et bouillonnants. Ces derniers se distinguent de ceux de PJ Harvey à qui elle est souvent comparée, par son contraste entre rage intense et retenue à l'extrême, recelant cependant bien plus de véhémence et d'émotion exhibée à l'état brut. Cachant son visage par une chevelure folle, laissant à peine échapper de brefs « Thank you » à son public, c'est plongée dans ses chansons que Shannon Wright nous fait découvrir ses compositions torturées et violentes. Nul besoin de chichis et d'échanges, c'est une fureur si vive qui nous est dévoilée qu'on se sent comme aspirés dans cette déferlante d'énergie : la musique se suffit à elle-même. On aurait pu croire que le ton se calmerait une fois la chanteuse installée au piano, et pourtant on est bien loin de ses ballades partagées avec Yann Tiersen : sa voix rauque soulignée par l'instrument ne fait qu'en renforcer la brutalité, poignardant son public avec autant de force que sa guitare électrique. Instrument qu'elle maîtrise à la perfection, dansant avec lui dans une effervescence endiablée, occupant tout l'espace d'une puissance sonore et une présence scénique surprenantes pour un tel petit bout de femme à la fausse apparence timide et réservée.

Un seul rappel nous dévoile des côtés un peu plus apaisés de l'artiste, qui ne perd néanmoins rien de sa verve et de sa passion, partageant des morceaux écorchés et sensuels à en faire dresser les poils sur la peau. C'est ainsi que Shannon Wright nous quitte sur « Father », lancinante mélopée qui subjuguera ses spectateurs. Public face à qui elle sera restée complètement hermétique, mais qui n'aura pourtant pu quitter la salle sans avoir été profondément marqué par cette catharsis d'une artiste diaboliquement envoûtante.

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