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« Sutra » à l’Opéra de Lille

Monter les marches de l’opéra et humer son parfum prestigieux est une escale culturelle à ne pas manquer à Lille. Installés dans ses fauteuils rouges, nous sommes donc allés voir « Sutra » de Sidi Larbi Cherkhaoui dans l’architecture dorée de ce patrimoine lillois.

Annoncé comme un spectacle de danse, Sutra est avant tout une rencontre entre le chorégraphe flamo-marocain et les moines Shaolin qui ne peut se restreindre à une catégorie de spectacle. En feuilletant le fascicule de présentation, on apprend même que la passion du chorégraphe pour Bruce Lee est à l’origine de Sutra. Ce spectacle n’a donc pas fini de nous étonner.

Cette rencontre se matérialise dès les premiers instants par deux personnages en avant-scène assis sur un banc métallisé. Un homme occidental, joué Ali Ben Lotfi Thabet, et un jeune moine d’à peine 10 ans se font face et se découvrent en communiquant par de simples gestes. Entre eux, 21 boîtes en bois miniatures disposées de la même manière que les grands modèles placés sur la scène.

Ces premiers échanges font éclore le monde du jeune moine aux yeux de l’occidental : les boites se renversent par la seule force de moines enfermés à l’intérieur et voilà que commence le voyage des deux protagonistes. Un voyage qui rappelle les étapes de création du spectacle : le chorégraphe a fait plusieurs excursions pour s’initier à la philosophie bouddhiste pour par la suite accueillir certains de ces moines à Anvers. Ces allers-retours sont caractérisés dans le spectacle par les costumes des moines : au début en habit traditionnel pour effectuer des combats au bâton, ils reviennent en costume de ville et chemise rouge pour se percher en haut des buildings formés par les boîtes. Assis en tailleur, ils y réalisent une chorégraphie similaire au langage des signes orchestrée par Ali, dos au public.

Sidi Larbi Cherkhaoui n’abuse pas des acrobaties et des performances des moines. Il trouve un équilibre entre les postures d’arts martiaux et l’enchainement des pas. Son travail de mise en scène se base essentiellement sur la maîtrise des corps en y ajoutant parfois une pointe d’humour dans certaines situations.

Tour à tour un labyrinthe, une fleur qui éclot et un dortoir urbain, les boites à taille humaine prennent une place importante dans le spectacle. Créée par Antony Gormley, la scénographie utilise les formes simples de ces enveloppes en bois pour évoquer le décor du voyage des deux personnages.

Pas omniprésente, la musique de Szymon Brzòska forme une bande originale bien dosée qui ne tombe pas dans les accords asiatiques stéréotypés. Utilisée pour certains bruitages, le fond musical s’éteint parfois pour laisser parler l’énergie des cris des moines. Ce n’est réellement qu’à la fin qu’elle rythme les pas des artistes. Elle sublime la chorégraphie où Ali et l’élève shaolin intègre l’école des enchaînements d’arts martiaux. Un moment émouvant qui clôt l’initiation de l’homme occidental à la philosophie des moines.

Cette collaboration à trois têtes créée un AVNI, un art visuel non identifié qui subjugue par sa puissance et sa poésie. La philosophie bouddhiste est distillée par l’utilisation de l’espace inventive et parfois très surprenante. Une belle porte d’entrée dans le monde de la danse, pour les novices qui n’aurait jamais osé aller à un spectacle chorégraphique. Une bouffée d’air spirituel pour les connaisseurs de la danse.

 

Découvrez quelques extraits de spectacle filmés à Londres
 

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