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The Strange Boys & The Jimi Ben Band à l’Aéronef

Le Rock n'est jamais aussi bon que quand on refuse de le prendre au sérieux et de le sacraliser. Car il a beau avoir dépassé allégrement les cinquante ans, il est toujours un éternel adolescent rebelle, aux cheveux longs et sales, à l'humour potache et ne pensant qu'à regarder sous les jupes des filles. Et c'est ce que semblent avoir compris les groupes The Strange Boys et Jimi Ben Band qui se produisent ce soir à l'Aéronef. Pas question pour eux de révolutionner la musique, de s'enfermer dans des attitudes masturbatoires et vaines à la Thom Yorke en recherchant la note ou le son parfait ou d'intellectualiser et de politiser leur propos. Le rock, ils le préfèrent à poil, dans son plus simple appareil, débarassé des ridicules oripeaux qu'on lui fait parfois malheureusement porter aujourd'hui sachant que c'est ainsi qu'il est le plus sexy. Leur seul objectif : la recherche du fun. Et sûrement l'emballage de gonzesses par la même occasion.

Ce sont les trois énergumènes de Jimi Ben Band (Jimi Ben au chant et à la guitare, Ricky Love à la basse et au chant et Johnny Boom à la batterie, sacrés pseudos!) qui ouvrent le bal. Ce trio formé en 2007 et à la biographie plus que nébuleuse (tout juste sait on qu'ils sont européens) ne perd pas de temps à se présenter ou à parler au public (car comme le déclare Jimi : « nous n'avons rien à dire ! »). Leur énergie, ils la gardent pour leurs compositions . Des morceaux simples, rudimentaires, à deux ou trois accords. Rudimentaires mais efficaces, leurs chansons accrochent immédiatement l'oreille par l'évidence des riffs de guitare, des rythmiques basse-batterie et s'enchaînent sans temps mort. Influencé par la musique surf des sixties, le rock n' roll et le punk rock des seventies, leur univers n'est pas sans rappeler celui des Ramones avec lesquels ils partagent le même goût des paroles idiotes ("Ich Bin Ein Berliner", par exemple) entonnées avec des intonations grotesques et du format court (les chansons dépassant rarement les trois minutes). Une bien belle mise en bouche. Etonnant que le public ne se soit pas montré plus expressif et n'ait pas remué plus du popotin, les chansons s'y prêtant volontiers.

Déboulent ensuite The Strange Boys. Et quand on les voit arriver, on comprend facilement pourquoi ils ont choisi pareil sobriquet. Avec leur tête de geeks timides, on imagine sans peine ce que furent leurs années lycée. On les voit assis au fond de la classe près de la fenêtre, silencieux, maladroits avec les filles, plongés perpétuellement dans les comics et les romans de science-fiction, considérés comme bizarres par la plupart de leurs camarades ne comprenant pas leur refus des diktats de la mode et et se moquant d'eux pour leur passion de la vieille musique écoutée de préférence en vinyles et non sur compact-discs.

Avec ces petits texans, le temps s'est, en effet, indéniablement arrêté à la fin des années soixante. Une époque où la jeunesse se laisse pousser les cheveux, expérimente le LSD qui est encore légal, se libère sexuellement en rejetant le carcan des principes moraux et écoute les Rolling Stones, 13th Floor Elevator, le Velvet Underground et Bob Dylan avec lequel le chanteur des Strange Boys, Tim Presley (nom prédestiné s'il en est pour chanter du rock) a en commun le goût de l'harmonica et, surtout, une voix à la tonalité incroyablement nasillarde. Mais c'est sans déférence, avec une coolitude extrême que The Strange Boys récitent ce cours d'histoire musicale. Nonchalament, ils jouent des morceaux que l'on croirait être des reprises mais qui ne sont en fait que des classiques instantanés car paradoxalement intemporels, à l'image du titre eponyme à l'album, "Be Brave", qui en deux temps trois mouvements nous fait regretter de ne pas avoir connu ces années soixante si chères à leur coeur. En fait, il faudrait presque inventer un nouveau terme générique pour définir leur musique: le rock branleur (pardon my french). Tim Presley, avec son chant asthmatique, et ses musiciens, semblent ignorer allégrement le public, voire s'en contrefoutre royalement. Mais comme tout bon branleur de haut niveau, ils agacent autant qu'ils attendrissent car les mélodies dont ils nous font l'honneur, ridiculement simplistes (donc pas si faciles à composer, en fait) sont outrageusement accrocheuses et cruellement parfaites. Ils semblent bénis des dieux du rock alors qu'ils ont tout du dilletante ou du flemmard (le set ne durera que 45 minutes et le public n'aura pas droit à un rappel, même pas une misérable cover).

 Des branleurs, on vous dit!!! Mais, on le repète, c'est avec tendresse que ce terme est utilisé car l'air de rien ce concert de 45 minutes top chrono nous aura mis curieusement du baume au coeur et restera l'une des plus chouettes surprises de ce début d'année. Et comme le dit si bien ce dicton qui n'existe pas: "mieux vaut un bon et court concert de branleurs qu'un long concert de Bono (ou pire de Thom Yorke et de ses têtes de radio)". Qui a dit mauvaise foi? 

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