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The Strypes + Shadow Motel au Grand Mix

The Strypes + Shadow Motel en concert au Grand Mix.

Shadow Motel

C’est Shadow Motel qui ouvre courageusement les débats. Passer devant le phénomène et assurer n’est pas chose aisée. La musique de Shadow Motel sculpte l’électricité et les rythmes avec recherche,  élégance, sans emprunter les voies les plus faciles. On refuse catégoriquement  tous les clichés harmoniques évidents et on se lance aux trousses de groupes comme Sonic Youth ou Siouxsie and the Banshees. Ceci dit pour baliser le terrain des influences et tenter de faire naître une image sonore du groupe. Au-delà du clan des supporters, et il en faut pour affronter une première partie au Grand Mix, le public prête l’oreille, cesse de parler, écoute, se convainc doucement, la musique de Shadow Motel s’étend lentement dans la salle qui en perd son impatience première. C’est sombre et sinueux, parfois strident et cérébral, pas forcément facile. A découvrir et à revoir en concert. Le plus simple est de les écouter ici, d’aller les retrouver ici, ou de les regarder là.

The Strypes

Les Strypes déboulent, en même temps que la foule des grands soirs s’avance vers la scène. Ils sont là, Ross Farelly est tout de noir vêtu à l’exception de sa veste ultra britannique, il est derrière ses lunettes noires et ne les soulèvera brièvement qu’une fois, le corps à 45° comme Tom Meighan et une fixité qui ne peut qu’évoquer Liam Gallagher. On pourrait jouer très longuement, vraiment très longuement au jeu des références, du vintage savamment disposé tout autour de la scène, dans un ballet tellement précis qu’il en est parfois un peu dérageant, comme le merchandising très cher du hall. On a l’impression d’assister à la gestation d’une énorme machine en devenir. Ce sentiment de gêne ne nous quittera jamais vraiment.

Sur scène le Frontman authentique n’est pas Ross Farelly mais Josh McCLorey qui ne dépare pas du tout dans la grande lignée des hâbleurs anglais, arrogant, souriant, provocateur, capable de balancer un « shut up » à un spectateur jugé gênant et de balancer sa guitare à la fin du set, il va réellement chercher le public armé d’une Grestch blanche ou d’une Gibson Firebird plus tranchante encore. Il a du toucher, une aisance technique sidérante et connaît ses classiques, possible qu’il soit le grand talent du groupe.

Aucun doute, les Strypes sont un groupe, un vrai et ils envoient le bois directement sans round d’observation, Evan Walsh tabasse ses fûts comme un Keith Moon adolescent et Pete O’Hanon s’en sort très bien à la basse, il faut du vocabulaire quand on joue en trio et qu’on est bassiste : il en a. Ils descendent leur premier album, produit dans le souci manifeste de durer, de ne comporter absolument aucun tic sonore susceptible de le dater dangereusement. Compositions et reprises millésimées savamment choisies alternent dans un même élan sonore et c’est sans doute là que le bât blesse encore. Si nous sommes totalement rassurés, parce que ce n’est pas un Boys Band déguisé en Rolling Stones circa 1964, si ce ne sont pas les Poppys réincarnés dans une version Rythm and Blues, tout débaroule à la même allure, emporté par une incontestable énergie, un torrent rageur et adolescent mais c’est assez peu varié. Attention, quand des gens comme Jeff Beck, Noel Gallagher, Paul Weller ou Dave Grohl pour ne pas être obstinément britannique les trouvent bons, ils ont parfaitement raison et dans une certaine mesure, c’est sidérant, époustouflant, terrifiant de jouer comme ça à 17 ans et de passer pour des vieux routiers du pub rock anglais, d’aller chercher Doctor Feelgood, The Prisoners ou même Wilko Johnson et Roger Daltrey sur leur terrain mais le tempo très élevé empêchent les nuances de se développer et on finit pas avoir l’impression que toutes les chansons sont un peu les mêmes. Angel Eyes est passé à la moulinette speed par exemple. Les reprises ne sont pas le problème, qu’on aille se reporter aux premiers Stones, aux premiers Beatles. Quand Weller les adoube au vu et au su de tous en les prenant comme backing band du Record Store Day en 2013, il se souvient sans doute qu’il avait reçu en son temps la caution du Pete Townshend des Who et qu’il écumait les clubs de Woking en jouant peu ou prou les mêmes reprises que les Strypes d’aujourd’hui. On passe, parce que tout est dit, sur le syndrome du groupe de jeunes qui plaît aux vieux, la formule a fait mouche autant qu’elle a fait long feu. Le public de ce soir était particulièrement large, très peu marqué, très peu relié à une quelconque tribu du rock, quelques Fred Perry à l’Anglaise boutonnés jusqu’en haut, quelques très jeunes gens mais rien de très typé. Des gens d’âge respectables étaient venus tout simplement écouter des titres assez peu joués en live aujourd’hui ! Une force, sans doute, pour l’avenir des Strypes, qui pourraient bien avoir sorti 5 albums à 25 ans, comme le prévoit le deal déjà signé avec une Major. Possible que nos propres références soient les premières à nous encombrer ! On pense à tellement de groupes que ça obscurcit sans doute le jugement quant à cette impression très subjective d’un soir. Oui, on pense au jeune Jeff Beck des Yardbirds, aux Kinks, aux Jam de 1977 qui n’étaient pas très loin de pasticher ouvertement les Who et on peut se demander comment ces kids ont pu assimiler tout seuls toutes ces influences. En Angleterre, le phénomène est loin d’être aussi rageur d’ailleurs et à Birmingham comme à Brighton, on parle assez peu des Strypes. C’est pourtant péchu, charnu, et quelque part, tout y est. Manque une étincelle personnelle, même les moments particuliers comme l’échange d’instruments, la mise en valeur du bassiste par un solo d’harmonica épileptique après avoir fixé longuement le public, les yeux fous, ressemblent un peu à  un numéro prévu et calibré. On ne tient pas du tout à avoir l’air de faire la fine bouche, absolument pas, et ces jeunes boys pourraient bien écrire prochainement un album à tomber raide, toutes influences bues, digérées. On ne va pas reprocher à des gens de 17 ans de ne pas en avoir fini avec leurs maîtres. Quelques compositions sortent vraiment du lot, comme Blue Collar Jane...What a shame et ses faux airs de The midnight hour accélérée. Il faudra peut être tout simplement les laisser se reposer, tranquillement, à la campagne, redécouvrir l’acoustique qui a beaucoup manqué ce soir alors qu’on a un harmoniciste qui pouvait tout emmener sur son passage. Certaines sessions vidéos les montrent tout à fait capables de le faire. Dommage. On finira par deux classiques : Rock Away Beach des Ramones et l'incunable Louie, louie ! Ils ont fait le boulot, sans aucun doute.

Ils sont lettrés, ou on l’est pour eux, très jeunes, envoient parfois Concrete jungle des Specials sur scène, c'est dire qu'ils ont le meilleur goût… On ne sait pas ce soir, si on a vu un groupe en grand devenir ou un phénomène qui s’éteindra au fur et à mesure que l’âge rattrapera le groupe. La frontière est mince entre morgue et frime, entre héritage et déférence et il n’est pas facile de trancher. Sans compter l’intense impression qu’on tire les ficelles dans l’ombre pour mettre tout ça en scène : on leur souhaite surtout de ne pas être les dindons d’une farce un peu trop professionnelle qu’ils n’auraient pas initiée tout en comprenant qu'il vaut mieux que des kids de cet âge soient tenus par quelqu'un, en l'occurrence le père du batteur. Mais normalement, On n’est pas sérieux quand on a 17 ans.  

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