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Tinariwen à l’Aéronef

Difficile d'écrire sur un groupe comme Tinariwen. De trouver les mots justes pour décrire sa musique. Les sensations qu'elle procure.

« Écouter Tinariwen, c'est comme laisser tomber un seau dans un puits profond » a déclaré le chanteur Robert Plant. L'image est poétique. Mais elle ne nous avance guère. Tant cette musique ne semble pas terrestre, de ce monde.

Pourtant elle a une origine géographique bien définie. Le désert de Tamanrasset. Les différents musiciens qui composent Tinariwen sont Tamashecq, un peuple de berbères nomades. Et ont tous pris les armes lors de la rébellion Touareg survenue au Mali au début des années 90.

Aujourd'hui les armes ont été déposées. Mais leur combat continue. Sous une autre forme. Les guitares ont remplacé les Kalachnikov. Afin de porter haut et fort les couleurs et les revendications de leur culture.

Rencontrant un succès planétaire sans précédent, forçant l'admiration de stars du monde entier, c'est donc plus qu'un simple groupe qui foule les planches de L'Aéronef. Tinariwen est en effet devenu un emblème. Le symbole de tout un peuple.

Et c'est tout naturellement habillés de vêtement traditionnels (chèche, tunique saharienne) qu'ils montent sur scène. Un des musiciens se fait cruellement remarqué par son absence. Le leader du groupe. Son membre fondateur. Ibrahim Ag Alhabib. Resté au Mali en raison des troubles qui traversent le pays, nous explique la choriste. Mais elle ne s'étendra pas sur le sujet. Car il y a trop à dire. Et ne veut pas transformer le concert en tribune politique au détriment de la musique.

Sans forcer, Tinariwen impose son univers propre. Et fait voyager son auditoire dans une contrée lointaine. Mystérieuse. Irréelle. Aux contours indéfinis. Quelques repères subsistent. Des sonorités héritées des ancêtres Tamasheq. Des mélodies arabisantes. Des influences Blues primitives où plane le fantôme de Robert Johnson. Le groupe tisse un incroyable tapis musical où les mélodies font preuve d'une complexe délicatesse. Les guitares se superposent langoureusement. Tandis que les percussions adoptent un rythme hypnotique et la basse égraine un groove surprenant grâce au jeu remarquable d'Eyadou Ag Leche. Formation à géométrie variable, les membres de Tinariwen s'échangent les instruments et prennent le micro à tour de rôles.

Le résultat est renversant. Poétique. Envoutant. D'une profonde spiritualité. Leurs mélopées ne s'adressent pas à l'âme. Mais aux âmes. En jetant un oeil au public, on remarque que chacun perçoit la musique de Tinariwen de manière personnelle, presque instinctive. Certains se mettent à danser, comme plongés dans un état de transe. D'autres, les yeux fermés, sont en pleine méditation. On affiche un grand sourire. Ou, au contraire, on est ému aux larmes. La salle est  ensorcelée. Emportée par ce vent chaud qui vient du désert.

La musique de Tinariwen est inexplicable. Refuse de livrer ses secrets. Comme une incantation magique.

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