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Wax Tailor and the Phonovisions Symphonic Orchestra au Théâtre Sébastopol

Les rêves récurrents sont rarement agréables. Car généralement caractérisés par des éléments négatifs ou une atmosphère angoissante. Mais quand la nuit troque les pavots de Morphée contre le chapeau de Wax Tailor, la tournure des songes prend une toute autre forme.

En 2010, le musicien français, lors d'une tournée exceptionnelle de quatre petites dates, dont une au Théâtre Sébastopol avait fortement marqué les esprits avec un projet artistique pharaonique qui le voyait collaborer avec un orchestre symphonique pour une relecture saisissante de son univers atmosphérique. Un projet éphémère baptisé alors Wax Tailor And The Mayfly Orchestra qui, pour les heureux témoins, s'est transformé en souvenir radieux d'une incroyable rêverie musicale. Un songe que l'on pensait révolu. Qu'on n'espérait plus voir ressurgir du passé.

C'était sans compter sur l'intervention de la ville de Lille qui dans le cadre du programme « Ville d'Arts du Futur », dédié aux expérimentations liant diverses pratiques artistiques aux nouvelles technologies, a contacté le turntablist. Qui donna son accord mais à une seule condition : celle de pouvoir faire intervenir, de nouveau, dans le projet une dimension symphonique. En 2014, l'orchestre de Rouen, se voit donc suppléer par 36 musiciens du Conservatoire de Lille.

Voulant marquer de la plus belle des manières les 10 ans de la sortie de son premier EP, Lost The Way, celui qui gardait en tête l'idée de se replonger dans une expérience orchestrale en profite pour se montrer encore plus ambitieux que dans le passé. A l'orchestre symphonique viennent désormais se greffer 15 choristes. Ainsi que des cuivres. La formule 'bigger and stronger' porte ses fruits : la date initiale du 9 mai est très rapidement sold-out. Et une seconde représentation est organisée le lendemain.

Au lever du rideau rouge, c'est une véritable féérie qui s'impose. Un émerveillement qui s'ouvre sur l'instrumental « Phonovisions », issu du dernier album, Dusty Rainbow. Un titre dans lequel on devine l'amour inconditionnel que porte Wax Tailor pour les grands compositeurs de musiques de film, particulièrement Ennio Morricone. Une influence rendue encore plus prégnante par l'utilisation nouvelle des choeurs qui agissent tel un charme sur les spectateurs.

Le spectacle est tout simplement subjuguant. Même pour les chanceux ayant déjà vécu la précédente expérience symphonique du tailleur de cire. Un éternel chapeau vissé sur son crâne chauve, il siège au centre de la scène, derrière ses machines. A ses cotés, la jeune chef lilloise, Lucie Legay. Deux chefs d'orchestre dressant d'improbables ponts entre des univers musicaux que tout semble opposer. Autour d'eux, les encerclant, l'orchestre et le choeur dans lesquels sont infiltrés les fidèles accompagnateurs du maître de cérémonie. Au fond de la scène, un écran géant, support d'hypnotiques cinématiques permettant de ressentir visuellement ce qui se joue. Illustrations abstraites, extraits de classiques du cinéma hollywoodien, montages vidéos et photos esthétiquement recherchés fonctionnent comme une partition animée en totale adéquation avec les compositions du maestro électro et un jeu de lumières exigeant.

Impossible de ne pas se laisser aspirer par ce tourbillon sensoriel. De ne pas se laisser emporter par des lits de cordes fantasmagoriques qui touchent au plus profond l'imaginaire. De ne pas se laisser envoûter par la voix enchanteresse de la divine Charlotte Savary, sirène incitant à affronter les récifs les plus dangereux. De quitter des yeux le maëlstrom visuel qui se joue en fond de scène. La confusion des sens est totale. Impose le silence. Rend timide le public qui s'enferme malgré lui dans une attitude « bourgeoise », pour reprendre le terme de Bourdieu dans La Distinction. Car semblant affectée, calme et distanciée.

Intelligemment, le show sort des sentiers battus. Évite l'écueil de la staticité, de l'immobilisme que peut représenter une telle performance. Les multiples interventions de la clique Hip Hop de Wax Tailor (A.S.M., Mattic) viennent agir comme de salvateurs coups de pieds lancés aux fesses de spectateurs immuablement scotchés à leur siège. Les cuivres et la flutiste viennent à l'avant-scène allumer une mèche bien consumée. Une ultime provocation du DJ, reprochant au Théâtre Sébastopol sa soi-disante léthargie, provoque l'explosion finale. Le physique prend enfin le dessus sur le mental. De la fosse aux gradins les plus hauts, les jambes se déplient et on exprime bruyamment son contentement. Le concert se terminera logiquement sous les ovations.

Difficile d'échapper une nouvelle fois à la dithyrambe. Mais en se montrant encore plus perfectionniste et audacieux, Wax Tailor a réussi son pari d'offrir un spectacle virtuose qui émeut, surprend et se vit comme une expérience inoubliable. Prouvant qu'un joli rêve peut revenir agréablement nous hanter. Rêve que l'on pourra bientôt revivre indéfiniment. Les deux dates Lilloises ayant été captées pour une sortie future en DVD.

Chapeau bas Maestro !

 

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