Du 4 au 15 octobre était représenté France-Fantôme, un spectacle très attendu de la saison du Théâtre du Nord. Il s’agissait de la troisième pièce écrite et mise en scène par la jeune Tiphaine Raffier. Ancienne élève de l’Ecole du Nord (2006-2009) sous la direction de Stuart Seide, Tiphaine Raffier a joué dans de nombreuses pièces de Julien Gosselin (faisant partie de sa même promotion). On remarque d’ailleurs des inspirations communes.
Nous sommes au XXIIè s., à l’ère de la Neuvième Révolution Scopique. L’être humain a trouvé le moyen de se rendre immortel. Cette avancée lui a fait tirer des leçons sur le siècle précédent. Ainsi il porte un regard critique sur la surexposition de soi par l’image au XXIè s. Dans cette société du futur, l’iconoclasme est banni et toute figuration humaine est condamnée. L’art, l’expression subjective de notre être ont été chassés au profit de la technologie et d’un procédé plus objectif : la numérisation de nos âmes.
Véronique perd brutalement son mari Sam. Elle fait appel à l’entreprise Recall Them Corp qui ressuscite les âmes défuntes dans le corps d’un donneur. En contrepartie, Véronique doit effacer tous les souvenirs physiques et toutes représentations de son mari avant sa mort. Pour réintégrer le monde des vivants, les âmes revenantes doivent décharger quotidiennement leurs souvenirs contre rémunération grâce au démémoriel.
La pièce permet de réfléchir sur notre condition d’homme et donc de mortel. Elle interroge sur ce que l’être humain laisse comme traces après sa mort. Elle met en garde sur les avancées technologiques sur lesquelles nous n’avons plus d’emprise. Elle questionne sur le rôle fondamental de l’art. Tiphaine Raffier propose un univers extrêmement étudié. Le texte et la scénographie sont savamment travaillés. En 2h30 de spectacle, elle nous emmène véritablement dans un monde futuriste malsain en y entremêlant musique, fonds sonores martelants et vidéos. Le travail fourni par toute l’équipe est remarquable.
Cependant, entre dramatisation, cris, hurlements et questionnements, le jeu des acteurs repose sur un rythme répétitif qui pourrait lasser. L’univers est si élaboré qu’il suscite la fascination du spectateur mais laisse finalement peu de place à son propre imaginaire.
France-Fantôme dessine l’avenir d’une humanité peu encourageante et permet au spectateur de s’interroger sur ce qui la constitue aujourd’hui. Un spectacle philosophique au traitement perfectionniste que je conseille tout de même vivement d’aller voir.
