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Je n’ai pas encore commencé à vivre au Next Festival – Maison de la Culture de Tournai

L’édition 2017 du NEXT Festival touche peu à peu à sa fin mais le public est toujours au rendez-vous. C’est en effet à bord d’une navette pleine que nous allons à Tournai pour découvrir la nouvelle création du Théâtre KnAM : Je n'ai pas encore commencé à vivre.

Les productions du théâtre russe ne laissent rarement le public indifférent et “Je n’ai pas encore commencé à vivre” ne déroge pas à la règle. Sur scène, 5 acteurs dont Tatiana Frolova, une situation inédite pour la metteuse en scène qui ne prend d’habitude pas part au plateau dans ses pièces. Mais sa dernière oeuvre a une saveur particulière, et aborde des thèmes personnels qui lui tiennent à cœur. Elle introduit le spectacle en Français avec une interrogation : Pourquoi les russes ne sourient pas ?

Pour construire “Je n’ai pas encore commencé à vivre”, l’artiste collecte les témoignages d’habitants de sa ville sibérienne Komsomolsk-sur-Amour. Ces témoins ont tous connu l'URSS, et abordent l' enfance, leurs traumatismes, et l’impact de l’histoire sur leur condition actuelle en tant que russes.

Un cours d'histoire envoûtant

La pièce est une frise chronologique, partant des prémisses du bolchevisme pour rejoindre la Russie actuelle. Sur scène, les acteurs jouent de multiples rôles pour illustrer les paroles de leurs personnages, paysans, dirigeants, victimes ou bourreaux. La révolution de Lénine, le régime de Staline, la perestroïka et la Russie de Poutine : Tatiana Frolova s’improvise professeure d’un cours d’histoire bouleversant et détaillé. Les textes sont prononcés principalement en russe mais c’est bien à nous, belges ou français, qu’il s’adresse. Là où nous avons l’habitude d’aborder l’histoire de l’URSS dans un contexte mondialisé (guerres mondiales, guerre froide …), la pièce se focalise sur la Russie de l’intérieur et les choses dont on ne parle pas assez.

Le spectacle dépeint une Russie meurtrie par la famine, la torture, la répression, et l’autorité. Sur un tableau, l’auteure écrit à la craie les dates et le nombre approximatif de victimes des régimes communistes. Parfois avec cynisme et humour, le théâtre KnAM pointe l’absurdité des dictatures de l’URSS. Pour appuyer ces textes forts et engagés, la mise en scène se veut imagée. Tatiana Frolova, est la pièce maîtresse du déroulement de la pièce, et filme en direct les acteurs, des photos, des objets. La bande son participe aussi au caractère tragique du spectacle, notamment en coupant l'hymne russe de larsens insoutenables.

Une oeuvre politique puissante

"Je n'ai pas encore commencé à vivre" est un objet politique fort. La pièce peut paraître difficile d'accès dans l'immédiat, mais sa force nous captive rapidement, et démontre le pouvoir du théâtre documentaire. Ce spectacle atteint notre sensibilité et développe une prise de conscience, là où des contenus non-artistiques n'auraient pu le faire.  L'oeuvre du Théâtre KnAM est chargée de symbolique. Elle propose une réflexion sur la mémoire, l'identité, et la place de l'héritage historique dans la construction des nouvelles générations russes. La pièce se finit à notre époque actuelle, celle d'un pays n'ayant pas eu l'occasion de se remettre en question, une Russie n'ayant pas fait "son Nuremberg". Sans prononcer directement son nom, les acteurs font écho à la gouvernance de Poutine et projettent à l'écran une poupée russe à son effigie, comme pour souligner la censure encore présente.

 

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