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Kingdom au Théâtre du Nord – Une guerre familiale au cœur de la Taïga

Du mardi 19 au vendredi 22 octobre 2021, le Théâtre du Nord accueillait le spectacle Kingdom d’Anne-Cécile Vandalem créé au Festival d’Avignon 2021. La pièce est la dernière d’une trilogie après Tristesses (2016) et Arctique (2018). La metteuse en scène belge s’inspire du film documentaire Braguino ou la communauté impossible (2017) de Clément Cogitore.

une guerre familiale au cœur de la Taïga

Le spectacle est composé de trois parties « Le royaume », «  des fantômes », « des bandits ». Sur le plateau, trois chiens, neuf personnages, deux vidéastes et un musicien racontent l’histoire d’une famille ayant décidé d’adopter un mode de vie alternatif au cœur de la forêt sibérienne, dans la Taïga. La lenteur de la trame narrative offre une expérience temporelle distendue et le spectateur perçoit le rythme de cette famille éloignée du modèle capitaliste du monde actuel.

Dans la deuxième partie « des fantômes », le spectateur rentre un peu plus dans l’intimité de la famille, dans ce qui compose son histoire. Le patriarche transmet cette dernière sous forme de conte poétique et pour pérenniser cette petite tribu sur son territoire, les habitudes sont faites de signes, de rituels, de superstitions et de chants. Le spectateur comprend peu à peu que des conflits interfamiliaux subsistent depuis des années. Deux familles voisines, liées par le sang et pourtant adversaires, essaient de défendre leur terre. La dimension biologique s’y ajoute puisque la femme du patriarche décédée était la sœur jumelle de la femme voisine ennemie.

La troisième partie « des bandits » est axée sur les querelles de territoire. Les deux familles n’ont pas la même vision concernant l’avenir de la Taïga. L’une laisse les braconniers chasser pour revendre les fourrures à Moscou tandis que l’autre se bat pour préserver la faune de la forêt. Ces disputes laissent éclater des dissensions intrafamiliales et intergénérationnelles. Les liens se rompent, la communication et la cohabitation deviennent de plus en plus épineuses. Comment être soi parmi les autres ? Il devient difficile d’échapper à cette vie en autarcie.

La mise en scène d'Anne-Cécile Vandalem

La scénographie est époustouflante. Le dispositif vidéo intervient comme un documentaire. Les acteurs sont filmés en temps réel sur le plateau et nous percevons la situation à la fois sur grand écran et sur la scène. Certains moments de vie se déroulent à l’intérieur de l’habitation de la famille. Le public accède aux situations que parce que l’écran le permet. Tout au long du spectacle, la musique live proposée par Vincent Cahay, proche des bruits de la nature, rythme la pièce en décuplant l’intensité des conflits. Les chants des comédiennes Épona Guillaume et de Zoé Kovacs amènent une dimension sacrée à l’environnement qui les entoure. Bien que l’histoire se situe hors de la société de consommation et présente un modèle de vie alternatif alléchant, elle en pointe également ses failles. Anne-Cécile Vandalem montre merveilleusement à quel point la frontière entre utopie est dystopie peut-être perméable.

© Crédit photo : Christophe Engels

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