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Boris Charmatz à l’Opéra de Lille

Chaque année, l’Opéra de Lille invite un chorégraphe à venir en résidence dans ses locaux, ainsi qu’à présenter son travail. Cette saison, les spectateurs ont eu la chance d’apprécier le travail de Boris Charmatz. Tout juste nommé à la direction de la Tanztheater Wuppertal créée par Pina Bausch en 1976, Boris Charmatz proposait trois temps forts : un parcours déambulatoire avec les plus grands solos de l’histoire de la danse du XXème siècle interprétés par vingt danseurs (samedi 6 et dimanche 7 novembre), quatre parcours dansés destinés aux scolaires (lundi 8 et mardi 9), et enfin son solo SOMNOLE présenté mardi 9 et mercredi 10 novembre.

20 DANSEURS POUR LE xx ème SIÈCLE ET PLUS ENCORE

Le week-end dernier, le chorégraphe nous invitait dans un parcours déambulatoire à venir découvrir les grands solos qui ont marqué la danse du XXème siècle. Boris Charmatz a choisi vingt danseurs qu’il admire dont deux de la région – Sylvain Groud actuel directeur du CCN de Roubaix et Florian Caron artiste de la Compagnie de l’Oiseau-Mouche – pour interpréter ces œuvres. Sans costume ni lumière, seul le geste et la partition chorégraphique comptent. Le public assiste à une représentation tout à fait informelle où le danseur, tout en mouvement, raconte des anecdotes du solo qu’il interprète. Comment ces grandes œuvres résonnent-elles aujourd’hui, parfois même plusieurs décennies plus tard ? Certains des danseurs ont appartenu à des compagnies de chorégraphes internationalement reconnus comme celle d’Anne Teresa de Keersmaeker, de Merce Cunningham, de Pina Bausch, d’Angelin Preljocaj, de Lucinda Childs et de tant d’autres. Qu’est-il resté de ces solos, dansés des centaines de fois, malgré parfois un corps vieillissant ? Certains solos mythiques comme ceux de Beyoncé ou de Charlie Chaplin sont aussi mis à l'honneur. Le parcours a permis de découvrir des endroits cachés de l’Opéra auxquels le public n’a habituellement pas accès mais il offre une vision subjective parfois frustrante car le spectateur rate plein d’autres possibles.

Véritable galerie vivante, l’Opéra s’est transformé le temps de quelques heures pour nous dévoiler certains de ces secrets et faire revivre les grands solos du siècle dernier qui appartiennent désormais au répertoire.

le SOLO "SOMNOLE" de Boris Charmatz

La pièce débute noir plateau et le spectateur entend une atmosphère sonore évoquant un léger ululement. Il discerne la silhouette de Boris Charmatz, bras en l’air, marchant comme un somnambule jusqu’à ce qu’il s’aperçoive que l’ambiance sonore est créée par le danseur lui-même grâce à un léger sifflement. La musique est jouée en direct sur scène par l’interprète toute la durée du solo. Il ne danse pas sur du son, son corps est le son. Le poids du geste, et sa signification sont ainsi complètement différents. La musique produite en continu par un souffle ténu peut s’arrêter si l’énergie du danseur, dans son mouvement, est mal dosée. Le corps et le sifflement ne forment plus qu’une pensée sur un fil. Une fertilisation mutuelle naît entre danse et musique surtout lorsque celle-ci est produite par le souffle. Boris Charmatz siffle des airs de Bach, de Mozart, de Vivaldi, d’Enrico Morricone, de Claude François, du générique d’inspecteur gadget ou celui de la panthère rose à la perfection.

J’aime l’idée que les idées chorégraphiques arrivent corps allongé quand on va s’endormir quand on somnole.

Boris Charmatz

La nuit permet la production de fantasmagories à partir de réminiscences où la notion du temps et de l’espace n’ont plus d’importance. Elle engendre une dissociation entre le corps engourdi et le mental foisonnant d’images incohérentes. Les airs se succèdent sans suite logique puis le corps s’agite, gesticule par des mouvements frénétiques incontrôlables. La nuit est aussi le temps des angoisses pour les insomniaques. Le chorégraphe y fait référence par une énergie décuplée au centuple. Il montre un  état de transe où la pensée claire et construite n’a plus sa place et où le corps est soumis à une forme de dédoublement.

Ce solo créé pendant le confinement 2020 traduit des émois anxieux et des frissonnements de la société pendant cette période d’isolement, d’engourdissement et parfois même d’apathie alors que le corps ne réclamait finalement qu’à être vivant.

Le solo SOMNOLE est à retrouver le mardi 16 (20h), le mercredi 17 (19h) et le jeudi 18 novembre (19h) à l’Espace Pasolini de Valenciennes dans le cadre du NEXT Festival.

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