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« Tuez Charley Varrick »: un film culte du papa de « L’Inspecteur Harry » !

Synopsis : Charley Varrick (Walter Matthau) cambriole une banque avec sa femme et un acolyte. Mais il comprend vite que la somme énorme qu'il a dérobée appartient à la mafia qui lance un tueur à ses trousses.

© Solaris Distribution

Donald Siegel ! Voilà un nom qui résonne comme une légende auprès de tous les cinéphiles, amateurs de série B (ne fuyez pas, ce n’est pas un gros mot), de films de genre : polars, science-fiction, westerns, …
Siegel, c’est un peu le cinéaste de l’efficacité. Un petit maitre du cinéma américain, loin d’être mineur, et auquel le cinéaste Alain Corneau (« Série noire », « Le Choix des Armes », « Tous les Matins du Monde », …) vouait un véritable culte !
Corneau s’en inspire notamment pour l’un de ses chefs-d’œuvre, « Police Python 357 », superbe film noir qui rend un vibrant hommage au génial  « Dirty Harry » que Siegel réalise pour Clint Eastwood.

Siegel est né le 26 octobre 1912 à Chicago. Il meurt le 20 avril 1991 à Nipoma en Californie.
Toute sa vie, il va la consacrer au cinéma. Il commence comme monteur pour la Warner en 1934 avant de passer à la mise en scène dès 1948.
Et va signer pas moins de quarante films (courts-métrages, documentaires et téléfilms confondus).
Eastwood, pour lequel il va réaliser cinq longs-métrages (dont les sublimes « Les Proies » et « L’Évadé d’Alcatraz »), le considère comme un véritable maitre. Il dédie d’ailleurs son western « Impitoyable » à Don Siegel. Il est vrai que Siegel, tout comme le grand Sergio Leone, lui a appris le boulot de réalisateur.

© Malpaso Company, The Warner Bros. Pictures

Don Siegel, fait partie d’une race de cinéastes qui a quelque peu disparue aujourd’hui du cinéma américain : les artisans modestes. Ces réalisateurs, qui se mettent tout entier au service d’une star (Siegel fera même tourner Elvis dans l’un de ses rares bons films, « Les Rodeurs de la Plaine »), du scénario, du studio, du public.
Mais Siegel exécute toujours son job avec un respect immense, un véritable amour. Et, c’est important, avec un grand sens du récit et de la mise en scène. Il apporte, surtout, sa patte personnelle.

Siegel ne s’est pourtant jamais pris pour un auteur. Un peu à l’image de nombreux romanciers de séries noires comme Jim Thompson. Il dira d’ailleurs dans un fameux numéro de l’émission culte « Cinéma, Cinémas » qu’il n’a jamais réalisé le film qu’il voulait vraiment faire, qu’il a toujours été une pute à la solde des studios.
Coquetterie ou véritable aveu d’un cinéaste désabusé ? Un peu des deux sans doute.
N’empêche, quel parcours, quelle carrière ! Beaucoup de metteurs en scène aimeraient avoir une filmo de la tenue de Don Siegel. Jugez plutôt : « L’invasion des Profanateurs de Sépultures » (modèle de série B de science-fiction parano au titre français complètement idiot car on y trouve aucun profanateur de sépultures), "A Bout Portant"« Police sur la Ville », « Un Shérif à New-York », « Sierra Torride », « Un Espion de Trop », …
Que du Lourd, que vous devez absolument voir d’urgence si vous ne connaissez pas ces films d’anthologie !

Et bien sûr, « Tuez Charley Varrick », modèle de thriller d’action réalisé en 1973.
Ce qui frappe lorsqu’on regarde le film aujourd’hui, c’est son étonnante modernité. La mise en scène de Siegel est d’une précision redoutable. Superbe mécanique du scénario également. Pas un poil de graisse. Pas un plan de trop. On sent que le vieux grigou a du métier et qu’il est passé par la case montage dans sa jeunesse.
Ce qui étonne aussi avec ce film réalisé deux ans après « Dirty Harry », c’est que le héros est aux antipodes d’un Eastwood. Walter Matthau, superbe acteur aussi convaincant dans la comédie que le drame, incarne ce Charley Varrick, au physique plus que banal. On sent chez le bonhomme une espèce de spleen, de lassitude. On devine que le personnage a vécu, qu’il ne fait pas partie du monde des gagnants. Pas un loser, non. Mais juste un type ordinaire qui fait proprement son boulot, avec professionnalisme.

© Solaris Distribution

Un peu comme Siegel, à vrai dire, qui restera de toute façon dans l’ombre des cinéastes américains les plus connus comme Howard Hawks ou John Ford. Pourtant, il n’a pas grand chose à leur envier. Heureusement, depuis sa mort on ne cesse de le redécouvrir.
«Tuez Charley Varrick » est également un film cynique et nihiliste. Et ce n’est peut-être pas un hasard s’il fut réalisé en 1973. L’Amérique s’enlise depuis presque deux décennies dans le bourbier vietnamien. La défaite sera officiellement déclarée deux ans plus tard, en 1975.

Que pense Siegel de la politique des Etats-Unis au moment de la réalisation de « Charley Varrick » ? Quel regard porte-t-il sur le pantin Nixon (bientôt obligé de démissionner pour cause de scandale du Watergate) ?
Il suffit de regarder son film pour se faire une petite idée. Siegel semble revenu d’à peu près tout. Il ne se fait visiblement plus d’illusions sur grand chose.
Mais il a tout de même l’élégance de finir « Charley Varrick » sur une note positive. Un bel happy end.

La semaine dernière, nous avons consacré la page ciné de Lille La Nuit à « L’Homme de Rio ». Un bijou réalisé en 1964 par Philippe de Broca.
Cette semaine, une fois encore, plutôt que d’évoquer une nouveauté nous préférons vous conseiller une reprise. «Tuez Charley Varrick » est un film que tout amateur de cinéma américain se doit de découvrir. Les seventies furent un véritable âge d’or pour le cinéma US. Les films de cette période étaient d’une insolence, d’une noirceur, d’un réalisme, d’une liberté de ton incomparables. On y trouvait de sacrées trognes comme Joe Don Baker, qui incarne un modèle de pourriture dans « Charley Varrick ».

© Solaris Distribution

Non, décidemment, on ne peut décemment pas passer à côté d’un cinéaste comme Don Siegel.
«Tuez Charley Varrick » est programmé au cinéma Le Majestic de Lille jusqu’au 13 août. Voilà un film estampillé Lille la Nuit. Com ! Vous savez ce qu'il vous reste à faire.

Affiche et film-annonce © Solaris Distribution.

Les autres sorties de la semaine.

Le programme de Plan-Séquence au Majestic de Lille (Juillet-Septembre 2013).

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