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Être un café concert : un défi difficile à relever !

Être un café concert : un défi difficile à relever !

Dossier des mois de septembre et octobre.

Les lieux musicaux sont souvent montrés du doigt dans les problèmes de nuisances sonores. Les lois ont donc été renforcées sans doute trop… Lors de la fête de la musique, des cafés concerts d’autres régions ont manifesté leurs difficultés. Pendant la braderie de Lille, de nombreux artistes se produisent dans les cafés concerts. Cet événement est donc l’occasion de s’interroger sur l’évolution de leur situation au fil du temps et au contact de la gérante de La Rumeur, le seul établissement labellisé café concert à Lille.

I) Le café concert : un lieu incontournable de la scène culturelle française

II) Leur plus grand obstacle: le décret de 1998

III) La Rumeur, le seul bar labellisé café concert à Lille

I) Le café concert : un lieu incontournable de la scène culturelle française

Bars musicaux ou café’conç’, comme ils sont nommés familièrement, sont les lieux les plus touchés par la réforme. Vivier de la culture musicale française, leur existence de près de deux siècles ne s’est pourtant pas faite sans embûches

Ancêtre des « cafés chantants », les cafés concerts émergent dans le contexte révolutionnaire de la fin du XVIIIème siècle. Apparition brève, puisque la censure fera une énième victime en cette première moitié des années 1800, réhabilités, de nouveau censurés, cette période d’instabilité prendra fin en 1864, date à laquelle les privilèges, dont jouissaient jusqu’à présent les théâtres, sont abolis.
Débute alors l’âge d’or des cafés concerts : ce type d’établissement se généralise, la clientèle s’accroît, il s’inscrit alors au panthéon des loisirs français.
Début XXème, le cinéma fait sa grande apparition et signe le déclin progressif tout au long du siècle des café’conç’. Néanmoins, il demeure un élément constitutif du cadre culturel à la française, foyer d’une culture populaire il est pour beaucoup d’artistes, encore aujourd’hui, une scène formatrice et parfois même un tremplin dans leur carrière.

A l’origine de la carrière de nombreux artistes tels que Léo Ferré, Jacques Brel, ou encore Les têtes raides, la Tordue, l’avenir des café’conç pose la question du devenir des artistes et de l’hétérogénéité musicale.
Lieu de diffusion d’une culture alternative, ils offrent aux groupes une scène sans limite de style ou de « potentialité commerciale » contribuant ainsi au rayonnement culturel régional dans toute sa diversité. Ce type d’établissement constitue, en outre, une formation pour les artistes amateurs qui se frottent au contact et au jugement d’un public à convaincre.

En déc 1998 le gouvernement avait accordé une année aux « salles de moins de 400 places diffusant à titre habituel de la musique amplifiée » pour réaliser une étude acoustique et évaluer le montant des travaux. Les investissements attendus pour une remise aux normes sont généralement colossaux.
A titre d’exemple : Au café concert, le Sablier à Rennes. A l’époque, selon le devis d’un cabinet d’acoustique agréé, la mise aux normes anti-bruit coûterait entre 450 000 et 500 000 francs. Suite au décret, on estime que 30% des lieux ont du fermer ou cesser leur programmation musicale.

Quasiment 10 ans après la mise en vigueur du décret de 1998, comment les cafés concerts et autres bars musicaux se sont adaptés au cadre législatif ? Adaptation, fermeture, ou encore illégalité : quelle situation prévaut aujourd’hui ?

II) Leur plus grand obstacle: le décret de 1998

La musique tant aimée et tant décriée ! Aimée lors de journées précises comme le 21 juin, lors des festivals d’été en plein air… Décriée quand elle est supportée au quotidien et comparée à du bruit. Vaste notion puisque le bruit n’est pas perçu de la même façon par tous et sa tolérance varie en fonction des personnes. Les lieux musicaux font généralement les frais de cette situation. Ils sont soumis à des règles très voire trop strictes…

Des politiques ont été et sont menées en matière de lutte contre le bruit dans les villes. Le problème des nuisances sonores est devenu un véritable enjeu de société. En décembre 1998, un décret concerne les établissements diffusant à titre habituel de la musique amplifiée à l’exception
- des salles dont l’activité est réservée à l’enseignement de la musique et de la danse
- des salles affectées à la représentation d’oeuvres audiovisuelles ou cinématographiques
- des théâtres s’ils n’accueillent pas de spectacles musicaux
- des locaux de répétition sans public
- des studios d’enregistrement
Pas de distinction entre les établissements construits après l’entrée en vigueur du décret et ceux existants à cette date, tous sont logés à la même enseigne ! Le décret vise aussi les discothèques ou bars qui organisent des concerts, y compris si ces lieux ne sont exploités que certains mois dans l’année ou certains jours de la semaine !

Il impose
- une limitation du niveau sonore à 105 dB (A)* en niveau sonore et à 120 dB (A) en niveau de crête
*(A) la mesure est effectuée selon une règle d’atténuation prédéfinie et normalisée.
Difficile de se faire une idée !
- une étude de l’impact des nuisances sonores avec une description des dispositifs pour limiter le niveau sonore, et avec les émergences aux valeurs fixées par le décret selon la situation de l’établissement : contigu ou non.
- un limiteur de pression acoustique dans les locaux contigus quand l’isolement ne permet pas de respecter ces valeurs d’émergence.

Et en cas de non respect ? Une contravention de 5e classe (1500€/personne physique, 7500€/personne morale) est établie. Elle est doublée en cas de récidive. Le juge peut aussi condamner les auteurs des bruits à des peines complémentaires :
- la saisie du matériel
- la fermeture administrative provisoire de l’établissement en cause
- la réalisation de travaux

La situation des lieux musicaux devient de plus en plus difficile : il ne faut pas oublier qu’ils doivent aussi s’adapter à la récente loi anti-tabac ! Ils doivent aussi prévoir de créer ou aménager un emplacement réservé aux fumeurs en respectant une série de mesures draconiennes et en ayant l’avis favorable du comité d’hygiène et de sécurité. [Plus d’infos sur le dossier du mois de mars]

III) La Rumeur, le seul bar labellisé café concert à Lille



Juste après le rush du midi, Lara Capron, la gérante de la Rumeur répond à nos questions concernant la situation des cafés concerts, l'avis des artistes, la loi anti tabac...

Aurélie & Perrine : Les règles que doivent respecter les lieux musicaux sont souvent qualifiées de trop strictes. Est-il réellement difficile d’entrer dans le cadre législatif ?

Lara : Tout à fait ! Je comprends que les voisins veuillent leur tranquillité mais de là à durcir les lois… La Rumeur est le seul café concert labellisé à Lille. Nous nous sommes pliés aux contraintes imposées par la législation. Pour obtenir le label, il faut faire venir une entreprise qui réalise une étude de l’impact sonore. Il faut une issue de secours et tout ce qui est nécessaire à l’accueil du public : toilettes, issues de secours…

A. & P. : Beaucoup de cafés concerts sont dans l’impossibilité technique ou financière de se mettre aux normes, est-ce que les aides, les financements, les mesures fiscales sont insuffisantes voire inexistantes ?

L. : Des aides ? Je n’ai rien eu. Tout a été financé par la Rumeur. Nous n’avons reçu aucun financement des pouvoirs publics ni aucune information faisant état d’une aide à venir. L’ensemble des travaux a été à nos frais.

A. & P. : Que pensez-vous des moyens mis en place par certains cafés concerts de Lyon par exemple pour se faire entendre… Je pense notamment au Citron qui n’a pas participé à la fête de la musique 2007 en signe de protestation contre les conditions auxquelles les petits lieux musicaux sont confrontés ?

L. : Je comprends la situation : se mettre aux normes coûte très cher. Nous avons du entreprendre deux études d’impact : une avant et une après travaux, chacune revenant à 1700€ hors taxes. Ensuite, il faut compter environ 650€/m2 pour une insonorisation aux normes. Pour une salle de 40m2, il faut compter entre 25 000 et 30 000€, sans compter le système de son, la scène, la déco… En plus, les démarches administratives sont très longues.

A. & P. : Connaissez-vous les mesures mises en place par d’autres cafés concerts à Lille pour s’en sortir ?

L. : Ceux qui n’ont pas de label car ils ne sont pas aux normes passent par des associations pour s’en sortir. C’est la seule solution qu’ils ont trouvé quand ils n’ont pas les moyens financiers et le temps : les démarches administratives sont très lourdes. Il nous a fallu 3 ans pour obtenir ce statut. La plupart des établissements n’ont ni les moyens ni le temps pour  entreprendre une telle démarche, sinon ils le feraient. Ils utilisent donc la voix associative pour continuer leurs activités musicales. A part trouver un financement, il n’y a pas de solution.

A. & P. : Comment réagissent les artistes que vous rencontrez et qui ont besoin des cafés concerts pour s’en sortir ?

L. : Ils ont de la peine. Çà les pénalise : ils n’ont pas le choix. Le nombre de lieux où ils peuvent se produire diminue. Ils préféreraient avoir le choix entre 25 cafés la Rumeur plutôt que 3 ou 4. Il y a un manque cruel de cafés concerts sur Lille. Il y a dix voire quinze ans, ils étaient beaucoup plus nombreux. Aujourd’hui, on peut les compter sur les doigts d’une main. De ce fait, je reçois environ 25 demandes par semaine.

A. & P. : Face à l’importance des demandes comment faites vous le choix de la programmation ?

Pour ne pas chanter à la Rumeur, il faut vraiment chanter très, très mal. Je conserve le principe de « l’amateurisme ». Le but est que tout le monde puisse se produire. Nous accueillons les artistes pour qu’ils s’expriment. Nous essayons de faire en sorte que tous les groupes puissent passer même si la liste d’attente est longue : les artistes dont je reçois par exemple la demande en septembre passent à la rumeur en janvier. On garde une ligne directrice, un thème lors de la soirée c’est à dire qu’on évite de mélanger les styles. Par exemple, pour la Braderie, on reste dans le Rock/Métal.

A. & P. : Dès l’année prochaine, la loi anti-tabac impose de nouvelles normes à respecter. Vous avez prévu des aménagements ?

Après l’interdiction sonore, c’est l’interdiction de fumer. Mais les clients pourront à priori continuer à fumer dans la salle d’en bas. La loi prévoit en effet la possibilité de fumer dans les espaces intérieurs sous certaines conditions. Nous disposons en fait au sous-sol d’un espace d’environ 35 m2 avec un extracteur supérieur au volume nécessaire et deux issues de secours. Les mineurs n’auront pas le droit d’entrer dans cet espace même s’ils sont accompagnés d’adultes. Le personnel ne pourra pas y travailler. Ce sont les conditions pour conserver un espace fumeur sinon les clients iront fumer dehors… ce qui va entraîner des problèmes de voisinage. Déjà que je ne suis pas à l’abri… ce n’est pas parce que j’ai le papier avec le label signé par la mairie, la préfecture et le gouvernement que j’échappe aux plaintes des voisins. J’ai moins de soucis mais je peux être contrôlé pour les nuisances sonores même si j’ai le label. Les risques d’amende ou de fermeture sont beaucoup moins élevés.

A. & P. : Qu’attendez-vous du nouveau gouvernement ?

Rien, nous n’avons aucune attente. Les choses n’iront pas en s’améliorant… Notre seule attente est que la Rumeur continue de fonctionner et que les gens s’y sentent bien !

Avec Lara, nous avons donc essayé de voir si des solutions étaient envisageables. Il ne semble exister aucune aide permettant d'aider les cafés concerts. La mise en place de mesures d'accompagnement financier voire fiscal leur permettrait d'amortir les frais des travaux et du matériel pour se mettre aux normes. Les institutions concernées laissent à l'état de projet ce dossier.

* Image principale : www.agirpourlenvironnement.org

  1. Bottle of Blues

    Le Citron a Lyon je connais une petite salle en bas c pas mal et bravo pour ne pas participer a la fete de la music . Si tout le monde de la profesion se rasembe et a pouse un coup de guelle au gouvernement avec leurs stupide decret et lois la culture se porterais mieux en france

  2. Marsilid

    Un grand bravo pour cet article. J'en ai appris beaucoup!
    Max

  3. GAM

    Merci :)

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