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La culture en milieu pénitentiaire : « Acteur… action ! »

La culture en milieu pénitentiaire : « Acteur… action ! »

Plusieurs millions de téléspectateurs ont l’impression d’avoir déjà passé une soirée en prison… A qui la faute ? A Prison Break ! Chaque jeudi, les aventures de Michaël Scoffield et Lincoln Burrows sont suivies avec beaucoup de curiosité. Le succès de cette série américaine est incontestable. La diffusion de la deuxième saison depuis septembre attire toujours le public. Juste avant ce phénomène, une affaire a éclaté dans la presse régionale : trois députés socialistes ont été révoltés par les conditions de détention déplorables à la prison de Loos. Le problème de surpopulation se pose à nouveau. Un plan de rénovation et de mise aux normes serait en cours d’élaboration. Le phénomène « Prison Break » et cette nouvelle polémique sont l’occasion de nous focaliser sur un autre aspect du milieu carcéral : où en est-on en ce qui concerne la culture en milieu pénitentiaire ?

I) « Les principes de l’action culturelle » en milieu pénitentiaire

II) Les acteurs de la région impliqués

III) Les actions menées dans les établissements pénitentiaires du Nord - Pas-de-Calais

I « Les principes de l’action culturelle » en milieu pénitentiaire

« Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent. » Cet article 27 est issu de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1949. Cette phrase concerne tous les hommes, y compris les détenus dont la seule privation est la circulation. Il aura fallu attendre 1985 pour que se déroule à Reims le premier colloque international sur la culture en prison. Premières analyses, premières interrogations, premiers échanges sur le milieu pénitentiaire...

En 1986, le ministère de la Culture et de la Communication et le ministère de la Justice ont entrepris de conduire au sein de l’institution pénitentiaire une politique commune en matière d’accès à la culture. Un premier protocole d’accord qui n’est pas une loi vise quatre objectifs :
- Favoriser la réinsertion des détenus
- Encourager les prestations culturelles de qualité
- Valoriser le rôle des personnels pénitentiaires
- Sensibiliser et associer, chaque fois, que possible, des instances locales à ces actions
Ce protocole insiste particulièrement sur le fait que les nouvelles constructions et les programmes de réhabilitation d’établissements anciens doivent prévoir l’aménagement d’une bibliothèque accessible aux détenus.

Un deuxième protocole d’accord est signé par les deux ministères en 1990. Il donne quatre principes de fonctionnement :
- Des partenariats avec des structures culturelles locales
- Le recours à des professionnels
- La mise en place d’une programmation annuelle de qualité
- L’évaluation des actions réalisées

Ces protocoles ont été complétés au fil du temps par des circulaires.
En 1992, une circulaire interministérielle Culture / Justice explique les objectifs concernant le fonctionnement des bibliothèques.
En 1995, une autre circulaire détaille la mise en œuvre de programmes culturels adressés aux personnes placés sous main de justice.
En 1999, une circulaire est élaborée pour rapprocher les professionnels des amateurs et développer la collaboration entre les structures culturelles et les associations…

Pour viser les objectifs de ces protocoles et de ces circulaires, quelles sont les structures régionales qui agissent ? Quels sont leurs rôles ?

II Les acteurs de la région impliqués

Les Directions régionales des affaires culturelles (DRAC) constituent les services du ministère de la Culture et de la Communication au niveau régional. Leurs principales actions sont les suivantes :
- Le soutien à la création et à la conservation du patrimoine
- L’aménagement du territoire et l’élargissement des publics
- L’éducation artistique et culturelle
- L’économie culturelle

Le ministère de la Justice est quant à lui représenté en région par Les Directions Interrégionales des services pénitentiaires (DISP). Elles sont organisées en cinq départements. Le développement des actions culturelles relève de l’unité d’action socio-éducative du département « insertion et probation ». La DISP de Lille a compétence sur les régions du Nord – Pas-de-Calais, de la Haute-Normandie et de la Picardie. Sa compétence s’exerce dans le Nord – Pas-de-Calais sur 13 établissements pénitentiaires.

La DRAC, la DISP et la Préfecture de Région ont signé une convention tri-annuelle de partenariat. Dans le cadre de ce partenariat, ces trois structures ont sollicité l’association Hors-Cadre pour « jouer un rôle d’interface entre le milieu culturel et le milieu artistique » précise Marc Le Piouff, chargé de mission Culture – Justice. L’association Hors – Cadre fondée en 1997 accepte alors la mission régionale de développement culturel en milieu carcéral.

Aurélie : Quels sont les objectifs de Hors-Cadre par rapport à cette mission ?

Marc Le Piouff : L’objectif est de participer à la définition et à l’élaboration d’une politique de développement culturel à destination des personnes mineures ou adultes, placées sous main de justice dans les 13 établissements pénitentiaires de la région et en milieu ouvert. Il faut savoir que 70% de personnes exécutent leurs peines en milieu ouvert par le biais des bracelets électroniques ou encore des travaux d’intérêt général. Cette mission repose sur des expertises et des conseils.

Aurélie : Quel est le rôle du chargé de mission dans ce cadre ?

Marc Le Piouff : Le chargé de mission spécialisé accompagne les travailleurs sociaux du ministère de la justice et les personnels des établissements pénitentiaires dans l’élaboration de la programmation culturelle qu’ils souhaitent mettre en place. Il tisse un lien entre les services de l’administration pénitentiaire et les acteurs de la culture. Il prépare la rencontre de ces différents intervenants avec les travailleurs sociaux et peut les aider à surmonter les difficultés auxquelles ils peuvent être confrontés.

Dix ans après sa création, l’association Hors-Cadre est donc fortement impliquée dans l’élaboration des projets culturels au sein des établissements pénitentiaires de la région Nord – Pas-de-Calais. Quels types d’actions sont menés et dans quels domaines culturels ?

III Les actions menées dans les établissements pénitentiaires de la région

Hors-Cadre s’est donnée pour objectif de « soutenir une expression culturelle de qualité à travers la mise en place de chaque projet. » Pour cela, elle « aide les acteurs impliqués à établir un diagnostic des besoins des populations concernées afin de favoriser la mise en place de projets culturels adaptés dans des champs artistiques différents [arts plastiques, cinéma, danse, littérature, musique, théâtre…] »

  

(A gauche) Atelier Arts plastiques avec Fred Martin, plasticien - Maison d’Arrêt de Loos - 2005
(A droite) Atelier arts plastiques avec Audry LISERON MONFILS, plasticien - Centre de détention de Loos - 2005

A la découverte de la musique…

Des spectacles sont régulièrement organisés dans les établissements. Des structures partenaires sont impliquées dans la pratique culturelle menée dans les établissements pénitentiaires du Nord – Pas-de-Calais :
- Les 4 Ecluses de Dunkerque
- L’Aéronef de Lille
- Le Grand Mix
- Le centre des arts du cirque de Lomme
- Le théâtre d’Arras
- La Comédie de Béthune

« Le thème de cette année 2007 est « Alger, capitale culturelle du monde arabe. » Autour de ce thème se sont mis en place des événements culturels. L’A.R.A à Roubaix a proposé des temps de découverte de la musique du monde arabe aux détenus de la maison d’arrêt de Loos. Ce sont seulement des ateliers car en maison d’arrêt, les détenus sont en attente de jugement ou condamnés mais leurs reliquats de peine n’excèdent pas un an lors de leur condamnation définitive. Leur temps de détention est donc court pour mettre en place de gros projets. » explique Marc Le Piouff.

« Il existe déjà beaucoup de choses dans le domaine culturel en milieu pénitentiaire. Il se passe un certain nombre de choses dans l’année mais l’objectif n’est pas de communiquer dessus. Il est important que la culture soit présente de manière régulière dans le milieu carcéral. Nous essayons de créer les conditions d’une rencontre entre un artiste et un public. J’insiste sur le mot « rencontre ». Ce moment est très important. Ce temps vient déchirer le temps de la détention. C’est une grande responsabilité pour l’artiste. C’est pourquoi les professionnels sont nécessaires pour construire ces projets culturels. Ce sont des rencontres fondamentales lors desquelles un artiste et des détenus vont s’engager vers une même piste, un même projet. »

L’événement musical important est le jour de la fête de la musique. En 2006, le groupe lillois engagé M.A.P. s’est produit dans l’enceinte du centre de détention de Loos pour la fête de la musique.

Cette année, Renaud a donné deux concerts (un pour les hommes et un pour les femmes) au centre de détention de Bapaume (62). Une vraie scène de concert a été installée. Tous ses musiciens étaient là. Il a même chanté en duo avec sa compagne Romane Serda.

Au centre de détention de Loos, une formation de technicien généraliste du spectacle existe depuis 4 ans. Le concert du 21 juin sert d’exercice pratique permettant aux détenus – stagiaires de mesurer le savoir – faire acquis dans des conditions réelles.

Le livre : un outil culturel important

« Les bibliothèques ont toute un partenariat. Elles tendent vers le professionnalisme. Une politique d’acquisition a été mise ne place. Nous ne sommes plus à l’époque du simple don. Le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation finance des livres. Ces lieux se développent. Par exemple, à Dunkerque, cet espace est passé de 25 à 50 m2. Il faut savoir que la bibliothèque est le seul lieu culturel permanent de la prison. En maison d’arrêt, le temps passé dans la bibliothèque fonctionne par créneau. Certains détenus ne peuvent pas se croiser donc un roulement est effectué. Ce créneau est de ce fait assez court. Il est plus long en centre de détention. » indique Marc Le Piouff.

« Des conventions pour le développement du livre et de la lecture existent entre la médiathèque du Pas-de-Calais et les établissements de Bapaume et Longuenesse, entre les médiathèques municipales de Dunkerque, Valenciennes et Béthune avec les maisons d’arrêts de leur territoire, de Tourcoing et Lille avec la maison d’arrêt de Loos. »

« Des rencontres avec des auteurs de littérature sont préparées et animées par l’association Escales des lettres sur les quatre établissements du Pas-de-Calais : Bapaume, Longuenesse, Béthune, Arras. »

Les ateliers de programmation

Depuis plusieurs années, Hors-Cadre organise aussi des séances de projection. Le but n’est pas seulement de proposer un film. C’est aussi un support pour créer une rencontre et ainsi créer une rupture en donnant du sens à ce moment.

« Le principe de ces ateliers est de proposer à un groupe de détenus une sélection de films pour qu’ils établissent une programmation en vue d’une diffusion en salle pour l’ensemble de la population carcérale volontaire. Lors de la séance, ce sont les détenus de l’atelier qui animent le débat, sa préparation se faisant durant l’atelier. L’objectif est d’ouvrir les détenus à un autre cinéma, de créer un espace de parole et d’aborder, par le biais des films, des sujets proches de leurs problématiques, en lien avec leur parcours de vie. »

Atelier cinéma – Maison d’Arrêt de Loos –
« Une saison d’images en prison »

(à gauche) Juillet 2006 – en présence de Nathalie Saugeon (Ali Zaoua, prince de la rue)
(à droite) Novembre 2006 – en présence de Jean-François Stévenin (documentaire sur Johnny Hallyday)

A la maison d’arrêt de Sequedin a été aussi projeté Indigènes en présence de l’acteur Sami Bouajila. A Longuenesse, des détenus ont regardé Quand la mer monte tourné dans le Nord en compagnie de Yolande Moreau.

De nombreux projets de qualité sont donc mis en place dans les établissements pénitentiaires du Nord – Pas-de-Calais pour que l’accès à la culture reste possible en milieu carcéral et participe au processus de réinsertion des détenus. L’objectif serait de développer encore plus les partenariats avec les structures culturelles de la région.

  1. GAM

    Laissez-moi votre adresse mail svp, je vous envoie le document rapidement.

  2. skalecki

    Impossible d'imprimer les autres pages malgré votre systeme. pouvez vous me les envoyer ?

  3. GAM

    Je viens d'essayer, ça fonctionne. Copier-coller entièrement le texte en descendant la flèche de votre souris. Contacter moi si besoin : aurelie@lillelanuit.com

  4. skalecki michel

    Impossible de copier les pages 2 3 et 4 de l'article . Comment faire ?

  5. skalecki michel

    Membre des amis du musée de Roubaix-La Piscine, je cherche comment créer une action avec des détenus de la prison de loos

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